Blanca, demandeuse d’asile d’Amérique latine et ses deux filles, devront quitter juste après Noël leur foyer d’accueil new-yorkais qu’elles occupent depuis un an pour laisser la place aux nouveaux migrants qui affluent.
Cette femme de 35 ans, qui ne veut donner ni son patronyme ni sa nationalité, est dans un cercle vicieux.
Sa demande d’asile et celle de sa fille adolescente sont en suspens auprès des autorités américaines, ce qui lui interdit de travailler légalement, chose qu’elle ne pourrait de toute façon pas faire avec son autre fille de neuf mois.
“Je traverse une situation vraiment difficile (…) Je ne sais pas ce qu’il va nous arriver”, souffle en pleurant cette femme que l’AFP a rencontrée dans le centre d’aide Little Sisters of the Assumption (LSA) à Harlem, quartier multiculturel et populaire du nord de l’île de Manhattan.
L’association lui fournit le gîte et le couvert et l’aide à naviguer entre les écueils de la bureaucratie new-yorkaise.
– Mari violent –
Si Blanca est sûre d’une chose, c’est qu’elle et ses filles ne retourneront pas dans leur pays qu’elles ont fui pour échapper à un conjoint et père violent, membre d’un gang criminel.
Elle est l’une des 66.000 personnes demandeuses d’asile hébergées dans des foyers de New York, mosaïque multiculturelle qui s’est bâtie au cours des siècles grâce à des vagues d’immigrations d’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie.
Mais pour son maire Eric Adams, ancien capitaine de police afro-américain à poigne, la mégapole de 8,5 millions d’âmes risque tout simplement d’être “détruite” par ces arrivées qui provoquent une “crise nationale de la demande d’asile”.
De fait, depuis avril 2022, plus de 142.000 migrants et demandeurs d’asile, essentiellement de pays d’Amérique latine comme le Venezuela mais aussi d’Afrique de l’Ouest, ont échoué à New York.
Comment ? Par autocars et avions affrétés gratuitement par des Etats américains du sud du pays — comme le Texas frontalier du Mexique et la Floride — dirigés par des gouverneurs républicains souhaitant mettre en difficulté des villes refuges démocrates du nord et de l’ouest des Etats-Unis.
– Politique migratoire de Biden –
Et contester ainsi la politique migratoire du président Joe Biden jugée laxiste.
La crise migratoire à New York devrait “nous coûter cinq milliards de dollars durant cet exercice budgétaire” 2023-24, a prévenu récemment M. Adams, un démocrate de centre droit, contraint selon lui à des arbitrages sur la sécurité, la jeunesse et les personnes âgées.
Le cas de New York est presque unique aux Etats-Unis.
La Grosse Pomme a l’obligation légale et historique de fournir un toit à tous ses arrivants.
Pour pourvoir accueillir 3.000 personnes par semaine, le maire vient de limiter la durée de séjour en foyer à 30 jours pour un migrant seul et à deux mois pour une famille.
Si bien qu’après Noël, des milliers de familles comme celle de Blanca devront trouver un logement dans une ville aux inégalités socio-économiques abyssales et au prix du m2 stratosphérique.
“Ils doivent lui donner un toit”, proteste Lucia Aguilar du centre LSA car la fille cadette de Blanca est née aux Etats-Unis.
Eric Adams devait se rendre à Washington cette semaine pour réclamer des fonds fédéraux et davantage d’autorisations de travail pour les étrangers sans-papiers.
– Trois millions d’emplois –
D’autant que trois millions d’emplois sont vacants dans le pays — surtout dans les services comme la restauration — et que plus de cinq millions de migrants et demandeurs d’asile sont entrés aux Etats-Unis ces trois dernières années, a calculé Adriel Orozco de l’ONG American Immigration Council.
Adriel Orozco réclame une “réponse coordonnée” de Washington pour que les “progressistes” New York, Chicago, Denver, San Diego et Los Angeles ne soient pas en première ligne face à l’afflux de migrants.
A New York, où des étrangers commencent à dormir dans les rues glaciales, la situation est si critique qu’Eric Adams a averti le Mexique, l’Equateur et la Colombie que sa mégapole avait “atteint sa pleine capacité” d’accueil.
Pas de quoi dissuader des migrants qui par des réseaux familiaux pensent pouvoir se débrouiller et obtenir permis de conduire, cartes d’identité…
A l’instar d’Ayoub Chaikhi, un Marocain de 28 ans: après avoir quitté femme et enfant au Chili où il a travaillé sept ans et vécu six mois au Texas, il a fait la grande remontée vers le nord et New York qui “aide vraiment les migrants avec toute la paperasserie”.
“Il faut juste être patient et voir à long terme”, lâche l’homme dans un sourire.