Le ministère en charge du Commerce, en relation avec les acteurs de la filière, arrête chaque année une quantité de sucre à importer pour couvrir le gap de production de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css). Ce gap est couvert par l’importation de sucre par la Css et les autres importateurs. Les quantités à importer sont déterminées par des quotas d’importation accordés par le ministère du Commerce. Il ressort de l’examen de ce dispositif par la Cour des comptes, «une absence de formalisation du mécanisme de délivrance des récépissés de Dipa (Déclaration d’importation de produits alimentaires : Ndlr) sur le sucre et des risques de dérégulation du marché du sucre».
«L’utilisation du récépissé de Dipa (Déclaration d’importation de produits alimentaires : Ndlr) comme instrument de régulation ne se fait pas de manière formalisée. Contrairement aux produits horticoles, il a été noté l’inexistence d’un comité chargé de la délivrance des récépissés de Dipa sur le sucre et l’absence de critères précis pour l’attribution de ces Dipa», dénonce la Cour des comptes à travers l’un des 45 rapports qu’elle a rendus publics mardi dernier. L’organe de contrôle rappelle que «le ministère en charge du Commerce, en relation avec les acteurs de la filière, arrête chaque année une quantité de sucre à importer pour couvrir le gap de production de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css).
Ce gap est couvert par l’importation de sucre par la Css et les autres importateurs. Les quantités à importer sont déterminées par des quotas d’importation accordés par le ministère du Commerce».
Mais, après avoir passé en revue ce dispositif, les vérificateurs ont découvert que «toutes les Dipa sont signées par le chef de la Dcsc (Division de la consommation et de la sécurité des consommateurs) et par conséquent, engage sa responsabilité pour l’attribution de ces quotas dits de «sécurité» aux importateurs».
La couverture du gap de production de sucre par l’importation se fait suivant la délivrance de quotas affectés à trois catégories d’acteurs. Sur la base des déclarations du chef de la Dcsc et du directeur du Commerce intérieur, une première partie du gap à combler est attribuée à la Css.
La deuxième partie affectée aux acteurs de la filière est déterminée suivant quatre critères : la logistique et le réseau de distribution, la présence sur le marché ou part de marché, l’ancienneté sur le marché et la qualité du produit.
Suivant ces mêmes déclarations, il existe un quota dit de sécurité sur le sucre qui en constitue la troisième partie.
S’expliquant sur les critères d’attribution des quotas dits de «sécurité», M. Moctar Sambe, ancien chef de la Dcsc, indique que «cette attribution est du ressort exclusif de l’autorité sur proposition du directeur du Commerce intérieur. Le ministre les répartit sur la base de critères objectifs, mais aussi en fonction des achats effectués auprès de la Css, afin de promouvoir les produits fabriqués localement».
Selon la Cour, «M. Oumar Diallo, ancien Dci, n’a pas apporté de réponse sur cette observation».
La Cour recommande ainsi au ministre chargé du Commerce de définir les critères de répartition des quotas d’importation du sucre en vue d’assurer une meilleure régulation du marché du sucre.
La Dipa est utilisée comme un instrument de régulation. Cette situation s’explique par la nécessité de protéger le tissu industriel sénégalais. Il en est de même pour l’huile, pour laquelle les quotas de Dipa sont octroyés après assurance de l’écoulement de la production de la Sonacos.
Dérégulation du marché du sucre
Mais tel n’est pas le cas. A preuve, les vérificateurs de la Cour des comptes ont constaté «des dépassements de quotas d’importation de sucre accordés aux industriels». L’exploitation des données sur les quantités totales de sucre importées corrélées aux tonnages autorisés par la Direction du redéploiement industriel (Dri) révèle «des possibilités de dérégulation du marché du sucre à cause de deux facteurs essentiels : l’absence de critères précis pour arrêter les besoins en sucre destinés aux ménages et l’éventualité pour les industriels d’abonder le marché de la consommation.
D’ailleurs, la position tarifaire relative au sucre destiné aux industriels est plus avantageuse que celle destinée à la consommation des ménages ; le sucre étant de même nature». En l’absence de contrôle sur l’utilisation du surplus de sucre importé et non autorisé par la Dri, souligne la Cour, «la Dci ne peut s’assurer de l’absence du sucre destiné aux industriels sur le marché.
De plus, les industriels ne doivent pas bénéficier d’un quota d’importation dépassant leurs besoins».
S’expliquant sur l’observation de la Cour relative au dépassement des tonnages autorisés par la Dci, Moctar Sambe, ancien chef de la Dcsc, soutient que «l’importation du sucre cristallisé à usage strictement industriel est accordée aux bénéficiaires sur la base d’attestations délivrées par la Direction du redéploiement industriel. Ces quantités sont en principe calculées en fonction des besoins des industries estimés par la Direction citée plus haut». Il ajoute que «lors du contrôle documentaire, le chef de la Division s’assure que l’attestation industrielle figure bien dans le dossier avant de signer la déclaration». Il affirme également que «des enquêtes sont régulièrement menées par leurs équipes dans ces différentes industries, pour vérifier la conformité des quantités déclarées aux attestations délivrées par la Dri. Il informe en outre qu’au cours de l’année, la Dri délivre parfois plusieurs attestations à une même industrie (Ets Noujaim, Senico…), l’explication pourrait être recherchée à ce niveau s’il y a écart».
Selon M. Sambe, «entre 2021 et 2022, il a été constaté des dysfonctionnements dans l’approvisionnement du marché en sucre du fait des achats de sucre à usage industriel de certains industriels disposant de quotas industriels auprès de grossistes de la place. Cette situation inédite a montré que non seulement certains industriels n’ont pas les moyens pour importer du sucre, mais ceux qui disposent des quotas rechignent à importer en raison du cours élevé enregistré ces trois dernières années».
La Cour considère que «le contrôle des quantités de sucre importées à usage industriel autorisées par la Direction du redéploiement industriel incombe principalement à la Dci, qui délivre le document principal y relatif et qui assure un rôle de régulation du marché intérieur».
La Cour recommande aux ministres chargés du Commerce et de l’Industrie de mettre en place un dispositif conjoint de contrôle des quotas d’importation de sucre à usage industriel.