Le PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) a largement remporté les élections législatives anticipées du 17 novembre 2024.
Cette victoire éclatante constitue un important pas franchi dans la réalisation du PROJET. Ce PROJET a suscité, depuis sa conception, et aujourd’hui plus que jamais, l’espoir d’un avenir meilleur pour toute la nation.
La majorité de la population sénégalaise, dans toute sa composante, a consenti de lourds sacrifices humains, financiers et matériels pour la réalisation de ce projet politique et social. Même la lutte pour l’accession de notre pays à l’indépendance n’a pas suscité autant de mobilisation de jeunes, de femmes, de personnes âgées, du monde rural, des intellectuels.
Par conséquent, il est du devoir des gouvernants et de chaque citoyen d’œuvrer pour que ces espoirs ne soient pas vains. Car il est très peu probable que le peuple sénégalais se remobilise avec autant d’énergie autour d’une offre politique et sociale si celui-ci n’aboutit pas.
L’Assemblée nationale, c’est là que bat le cœur de notre démocratie. Ce haut lieu par excellence du débat public doit procéder à de profondes mutations aussi bien dans son fonctionnement que par ses acteurs, que sont les députés.
Le défi de l’analphabétisme en français à relever et la complexité des textes de loi
Tous les documents présentés par le gouvernement à l’Assemblée nationale sont rédigés exclusivement dans la langue officielle. Ainsi de nombreux députés travaillent sur la base de documents dont ils n’ont aucune maitrise. Il est vrai que des efforts considérables sont consentis durant la 12e législature où l’Institution s’est dotée de cabines d’interprétation simultanée. Ce système d’interprétation simultanée de l’Assemblée nationale est équipé de huit cabines. Dans sa première phase, les six langues nationales suivantes : pulaar, sereer, wolof, joola, mandinka, soninke sont utilisées en interprétariat direct, en plus du français. Il permet aux députés qui en expriment le besoin de participer aux débats en séances plénières dans les langues précitées, d’être compris du gouvernement et de leurs collègues par l’interprétariat et surtout de faire figurer toutes leurs interventions dans le journal des débats. Toutefois, cette avancée ne concerne que le travail en plénière, elle n’est pas effective dans les débats en commission et la documentation.
Le problème qui se pose est que certains interviennent sur la base d’une documentation incomprise et/ou incomplète tandis d’autres préfèrent garder le silence pour ne pas subir des railleries politiques.
Au-delà de la compréhension textuelle des documents, l’autre grand défi à relever est la compréhension technique des dossiers.
Les textes de lois proposés couvrent naturellement divers domaines de la vie publique (finances, transports, environnement). Le député est appelé, seul, à étudier ces textes, à les comprendre, à en débattre. Pour mieux outiller les parlementaires, une ONG avait recruté en faveur de l’Institution une quinzaine d’assistants de haut niveau. Ces derniers sont affectés dans les différentes commissions et travaillent dans des conditions précaires sans couverture sociale.
L’idéal serait de régulariser la situation de ces assistants, déjà expérimentés, et de nouer un partenariat avec une université. Une plateforme de doctorants et de docteurs aux profils divers pourrait conseiller tous les députés des différents Groupes et les Non-inscrits.
Une meilleure remontée des doléances des mandants
Le travail de circonscriptions, qui consiste à écouter les populations, à comprendre les problématiques auxquelles elles font face, est essentiel pour une bonne qualité des remontées des doléances. Pour cela, il faut instituer dans chaque département une Permanence parlementaire bien équipée, et un personnel à la charge de l’Assemblée nationale. Cette Permanence sera un local décentralisé de l’Institution, utilisé par les députés élus de chaque circonscription départementale pour recevoir les populations.
Le rôle du personnel de ces permanences serait entre autres « de répondre aux courriers, de recevoir les administrés et de ‘traiter’ leurs demandes, ce qui implique notamment des interventions auprès des administrations » comme l’indique Patrick Lidec, dans son article intitulé « Les députés, leurs assistants et les usages du crédit. Une sociologie du travail ».
La parité n’est pas une fin en soi
La loi n° 2010- 11 du 28 mai 2010 a instauré la parité absolue homme-femme au Sénégal dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives. C’est une disposition législative discriminatoire positive au bénéfice des femmes qui a pour but de donner un coup de fouet au combat des femmes suite au constant qu’il y a une amélioration de la participation féminine mais lente.
Mais il faudrait aussi être plus rigoureux dans la gestion des acquis comme la parité, ne pas se contenter d’envoyer beaucoup de femmes à l’Assemblée nationale parce que nombreuses d’entre elles ont besoin d’encadrement, d’accompagnement dans des aspects divers.
On constate aussi que les femmes députées ne s’expriment pas assez à l’Assemblée nationale. Elles ont effectivement un talent et un leadership avérés parce qu’étant les sujets d’une sélection dans un milieu jadis réservé aux hommes. Mais en dehors de certaines députées rompues aux tâches oratoires et aux joutes politiques, d’autres arrivent rattrapées par certains blocages psychologiques qui interrogent le système social sénégalais.
Finalement, au-delà de l’aspect numérique de la représentation des femmes à l’Assemblée nationale, les véritables défis auxquels doivent faire face les organismes de promotion de la condition féminine s’articulent autour des questions suivantes :
-
Quels sont les voies et moyens pour accroître leur efficacité ?
-
Quelles pratiques ou leçons les parlementaires actuelles peuvent-elles donner à celles qui aspirent à le devenir ?
-
Comment améliorer les méthodes d’intervention des femmes dans le processus parlementaire ?
-
Quelles stratégies mettre en place pour optimiser leur influence sur le processus politique par la voie législative ?
Défis propres aux députés des Sénégalais de l’Extérieur
Le premier défi des députés des Sénégalais de l’Extérieur est de définir et de trouver leur place dans les nombreux modes de représentation de la Diaspora, que ce soit au niveau ministériel, institutionnel et associatif. Toutes ces institutions ou associations peuvent légitimement endosser ce rôle et agir comme porte-paroles ou représentants de ces citoyens établis à l’étranger.
Les difficultés des députés des Sénégalais de l’Extérieur sont essentiellement de deux ordres : les moyens et la visibilité.
Les circonscriptions dans lesquelles ils ont été élus sont très vastes et les doléances variées. A défaut de les doter de moyens de se déplacer à l’intérieur de la circonscription, il faut, dans chaque circonscription de la Diaspora, installer une permanence parlementaire.
L’élu de la Diaspora doit être associé aux rencontres entre les autorités publiques et les Sénégalais de l’Extérieur mais aussi être impliqué dans le déroulement des programmes dédiés à la Diaspora.
Éviter à tout prix le piège des majorités écrasantes
Plusieurs pièges qui sapent la bonne perception et l’influence de l’Assemblée nationale doivent être évités par la majorité actuelle :
-
Les mécanismes de contrôle parlementaire risquent d’être compromis ou même paralysés du fait de la proximité politique et de l’absence d’une opposition significative.
-
La tentation des réflexes autoritaires qui guette les partis dominants. Ce sont des comportements en apparence banals, qui alimentent l’indifférence, l’absence d’intérêt et les désillusions des citoyens à l’égard de l’Institution parlementaire. Ce sont entre autres les invectives entre députés dans les séances plénières, les interruptions intempestives des députés de l’opposition, certains vont même jusqu’à demander aux ministres de ne pas répondre à tel ou tel député….
Le défi de l’automatisation du processus législatif
Le processus législatif est largement manuel avec beaucoup de manipulations de papiers depuis l’établissement du calendrier de travail, les convocations jusqu’à l’exploitation des rapports de Commission.
Plusieurs milliers de papiers sont imprimés pour informer de la tenue d’une Conférence des Présidents, convoquer les députés pour la Commission et la plénière à suivre sans compter les milliers de pages de rapport issues des différentes commissions. Ces mêmes documents sont distribués au personnel administratif concerné. De même, chaque amendement déposé par un parlementaire ou le ministre pendant la Plénière est aussitôt imprimé et distribué à tous les députés et au gouvernement.
Naturellement tout ceci a un coût financier mais aussi un impact sur la qualité du travail et la gestion du temps. L’automatisation du processus législatif et du suivi des interventions parlementaires est bénéfique à plusieurs égards. En plus de l’optimisation des coûts et de la facilitation de la traçabilité, cette automatisation induira incontestablement une diminution de la charge de travail mais aussi une professionnalisation et une rapidité de celle-ci.
L’automatisation du travail législatif peut être une solution au défi de la communication parlementaire pour l’inclusion des populations. Elle donnera aux citoyens une possibilité de suivre le processus législatif et la prise de décision. L’ignorance du public sur le travail du parlement alimente les suspicions et les fantasmes.
Par ailleurs, l’administration devrait être plus proactive surtout concernant l’objectif de donner plus de visibilité aux activités institutionnelles des députés sur le terrain. Le contrôle parlementaire des Commissions entre les sessions est méconnu du public et est pourtant très important.
D’autres aspects comme le déficit de représentation de l’Assemblée nationale et le mode de scrutin sont des obstacles à la performance de l’Institution et nécessitent des concertations plus larges.