Surfinancement de l’État : Problème ou Fonds de Roulement Positif ? (Par Souleymane Aw Comptable senior – financier – contrôleur de gestion)

Le rapport de la Cour des Comptes met en avant un “surfinancement” de l’État, qu’il présente comme une anomalie budgétaire. Cependant, cette notion peut être interprétée différemment : ce que la Cour considère comme un problème pourrait en réalité correspondre à un fonds de roulement positif, une situation souvent recherchée pour assurer la liquidité et la flexibilité financière d’une entité publique ou privée.
1. Que signifie le surfinancement dans le rapport de la Cour des Comptes ? Selon le rapport, le surfinancement désigne une situation où l’État a mobilisé plus de ressources financières qu’il n’en avait besoin pour couvrir ses dépenses immédiates.
Ce phénomène s’explique par :
• Des emprunts contractés au-delà des besoins réels de financement budgétaire.
• Une accumulation de disponibilités non utilisées sur les comptes du Trésor, entraînant des soldes bancaires élevés.
• Un manque de traçabilité claire sur l’affectation réelle de ces fonds excédentaires.
Problème soulevé par la Cour :
1️ Absence de justification claire sur l’utilisation de ces fonds.
2️ Risque d’endettement inutile, les emprunts excédentaires générant des charges d’intérêts superflues.
3️ Mauvaise planification budgétaire, car l’État aurait pu limiter ses emprunts et éviter de stocker de la trésorerie non exploitée.
Interprétation de la Cour :
• Le surfinancement est présenté comme une anomalie budgétaire.
• Il pourrait refléter une absence de cohérence entre les besoins réels et les ressources mobilisées.
. Surfinancement vs. Fonds de Roulement Positif : Une Autre Lecture Possible Le fonds de roulement est un concept clé en gestion financière qui représente la différence entre les actifs circulants et les passifs à court terme. Un fonds de roulement positif signifie que l’État dispose de suffisamment de liquidités pour couvrir ses engagements à court terme sans stress financier. Ce n’est pas nécessairement un problème, tant que ces ressources sont bien gérées et utilisées efficacement.
Pourquoi un État pourrait volontairement maintenir un fonds de roulement positif ?
1️ Prévention des crises de trésorerie : L’État peut anticiper des besoins futurs et éviter une tension de liquidité soudaine.
2️ Stabilisation des finances publiques : Un excédent de liquidités permet d’absorber des chocs budgétaires imprévus.
3️ Renforcement de la crédibilité financière : Maintenir une trésorerie saine améliore la confiance des investisseurs et des bailleurs internationaux.
4️ Optimisation des coûts d’emprunt : Avoir des liquidités disponibles permet d’éviter le recours à des financements d’urgence à des taux élevés.

Ce que cela signifie : Le “surfinancement” pourrait être une stratégie délibérée plutôt qu’une anomalie comptable.
Ce n’est un problème que si l’excédent n’est pas utilisé efficacement ou s’il génère des coûts d’intérêts inutiles.
Que dit le Décret n°2020-978 sur la gestion des excédents de trésorerie ? Le Décret n°2020-978 encadre la gestion des ressources de l’État et prévoit des règles pour l’utilisation des excédents.
Articles clés applicables :
1️Article 3 – Planification et gestion des ressources financières “Les ressources et les charges de l’État sont prévues et autorisées, pour chaque année civile, par une loi de finances. Toute ressource excédentaire doit être gérée conformément aux besoins budgétaires définis.” Implication :*
• Si le surfinancement découle d’une volonté stratégique de gestion des ressources, il doit être intégré dans la planification budgétaire et justifié dans la loi de finances.
• Si les fonds sont mobilisés sans objectif précis, cela peut poser un problème de sincérité budgétaire. 2️ Article 21 – Régulation budgétaire et ajustement des crédits “Le Ministre chargé des Finances veille au respect de l’équilibre budgétaire et financier. À ce titre, il dispose d’un pouvoir de régulation budgétaire qui lui permet, au cours de l’exécution du budget :
• D’annuler un crédit devenu sans objet ; • D’annuler un crédit pour prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire et financier de la loi de finances. En outre, le Ministre chargé des Finances peut subordonner l’utilisation des crédits par les ordonnateurs aux disponibilités de trésorerie de l’État.”
Implication :
• L’État peut ajuster son budget en annulant des crédits inutilisés pour éviter un excès de liquidités non planifié.
• Les crédits gelés doivent être justifiés et communiqués à l’Assemblée nationale.
• Si un excédent existe, il doit être affecté à des besoins identifiés (ex. remboursement de dettes, investissement stratégique).
Point clé : Si l’État justifie le maintien d’un excédent de trésorerie par des besoins futurs clairement identifiés, il n’y a pas d’irrégularité. Si ces fonds excédentaires sont simplement stockés sans planification, alors il y a une mauvaise gestion de la trésorerie.
4. Quelle est la vraie problématique derrière ce débat ?
La Cour des Comptes met en avant un problème de planification budgétaire plutôt qu’un réel surfinancement problématique.
Un excédent de trésorerie n’est pas nécessairement une anomalie, tant qu’il est bien géré et qu’il a un objectif clair.
La question clé n’est donc pas “y a-t-il un surfinancement ?” mais plutôt “cet excédent est-il utilisé efficacement ?”
Si l’État emprunte au-delà de ses besoins sans raison claire, cela génère des coûts inutiles en intérêts. ✅ Si l’État constitue un fonds de roulement positif pour anticiper des besoins futurs, cela peut être une stratégie de gestion prudente. 👉 Il est essentiel de clarifier la destination de ces fonds pour distinguer un excédent stratégique d’une anomalie budgétaire.
5. Recommandations pour une Meilleure Gestion des Excédents Que faire pour éviter qu’un excédent de trésorerie ne soit perçu comme un problème ?
1️Améliorer la transparence budgétaire Publier un rapport détaillé sur la gestion des excédents de trésorerie et leur affectation. Intégrer ces ressources dans un cadre budgétaire prévisionnel clair.
2️ Limiter les emprunts inutiles ✅ Éviter de mobiliser des fonds par emprunt si les liquidités disponibles sont déjà suffisantes. ✅ Optimiser la structure de la dette pour minimiser les charges d’intérêts.
3️ Planifier l’affectation des fonds excédentaires ✅ S’assurer que les excédents sont réaffectés à des projets ou au remboursement de la dette.
Utiliser l’Article 21 pour ajuster le budget en fonction des besoins réels.
4️ Renforcer le contrôle de la Cour des Comptes sur la gestion de trésorerie
Vérifier l’impact réel de ces excédents sur la stabilité financière de l’État.
Conclusion : Le Surfinancement n’est pas Toujours un Problème . Ce que la Cour qualifie de surfinancement pourrait être un choix stratégique pour maintenir un fonds de roulement positif. L’État doit clarifier la destination de ces excédents pour éviter toute suspicion d’anomalie budgétaire. Recommandation finale : L’État doit renforcer la transparence sur l’utilisation de ses excédents financiers pour prouver qu’ils servent une stratégie budgétaire cohérente et non une mauvaise gestion des ressources publiques.
Souleymane Aw Comptable senior – financier – contrôleur de gestion