Chronique juridique : La «guerre du Ticketing Aftu» à Dakar : entre droit de propriété intellectuelle et service public

La défense d’un transport urbain accessible et souverain est une cause noble, qui nous rassemble tous. Cependant, sous le manteau de ce plaidoyer citoyen, se dissimule une campagne de dénigrement et de manipulation d’une gravité insondable, qui mérite un examen minutieux à la lumière du droit de la propriété intellectuelle, tel que scrupuleusement défini par l’Accord de Bangui acte révisé de 2015. L’objet du litige n’est pas, comme on veut nous le faire croire, une querelle de basse-cour sur le «ticketing» en tant que concept universel. Quelques jeunes de l’Aftu et ses alliés déboutés par notre juridiction s’emploient à semer le doute, à obscurcir la réalité pour masquer la
violation flagrante d’un droit exclusif, légalement reconnu et protégé.
La véritable victime dans cette affaire, ce n’est pas le citoyen pénalisé par des convois de bus interrompus, mais l’inventeur, M. Moustapha Ndiaye, et son entreprise, TranspaY, qui sont la cible d’une stratégie de sabotage orchestrée pour exploiter sans droit une invention brevetée. Revenons aux faits. Le brevet d’invention Oapi n°17225, déposé le 22 septembre 2014, ne porte pas sur le «ticketing». C’est une erreur délibérément entretenue. L’invention de M. Ndiaye, comme en atteste la description du brevet dans le fascicule brevet publié par l’Oapi, est un procédé technique d’émission de tickets de transport qui automatise et optimise la gestion des informations liées au trajet et aux transactions. Il ne s’agit pas de «données internes de l’Aftu», mais d’une solution novatrice, un «système de solution ticketing électronique informatisé» pour le transport de voyageurs, dont les revendications précises sont clairement énoncées et ont été validées par l’Oapi. L’article 6 de l’annexe 1 de l’Accord de Bangui, acte révisé de 2015, est d’une clarté limpide : «Le brevet confère à son titulaire le droit exclusif d’exploiter l’invention brevetée.» Ce droit exclusif est un rempart contre toute exploitation non autorisée. L’inventeur a le droit d’interdire à quiconque de reproduire, d’utiliser ou de commercialiser son invention sans son consentement. C’est le fondement même de la protection intellectuelle, un droit qui garantit aux créateurs le fruit de leur labeur et de leurs investissements. Les allégations selon lesquelles le «ticketing n’est pas brevetable» sont une aberration juridique, une tentative de noyer le poisson dans un océan d’approximations. L’Oapi, institution respectable et garante de la propriété intellectuelle dans notre espace commun, a délivré le brevet n°17225 après avoir examiné la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle de l’invention de M. Ndiaye.

Les détracteurs de l’inventeur osent-ils remettre en question l’expertise de l’Oapi ? L’argument de certaines personnes très minoritaires de l’Aftu, concernant le Ter, le Brt et Dakar Dem Dikk, est une diversion habile mais fallacieuse. M. Ndiaye n’a jamais revendiqué un droit absolu sur tout système de ticketing. Il a tout simplement, dans une démarche citoyenne et de bonne foi, choisi de ne pas exercer son droit d’interdiction contre ces entités étatiques, contribuant ainsi au service public. Ce geste de tolérance, loin d’être un aveu de faiblesse, est un droit discrétionnaire que lui confère son brevet. Ce qui est permis à certains ne l’est pas forcément pour d’autres, surtout lorsque ces derniers cherchent à reproduire sciemment l’invention sans licence. Quant aux condamnations pénales évoquées avec tant de véhémence, il est crucial de les replacer dans leur contexte. Elles n’ont aucun rapport avec le brevet d’invention n°17225 et sont l’aboutissement d’une procédure distincte.

La Cour suprême, ultime gardienne de la légalité, aura sans nul doute l’occasion de réexaminer ces décisions, et de casser celles où le juge a été manifestement induit en erreur. En conclusion, la rhétorique de certains jeunes de l’Aftu, aussi bien intentionnée qu’elle puisse paraître, ne doit pas masquer la réalité juridique. Derrière la défense d’un transport public «souverain», se cache le refus de reconnaître et de respecter le droit d’un inventeur. L’innovation est le moteur du progrès, mais elle ne peut prospérer sans un cadre juridique solide qui protège les créateurs. M. Ndiaye, victime d’une contrefaçon systématique, ne fait qu’exercer le droit exclusif que lui confère son brevet. Un droit qui est son dû, et un droit que l’on ne peut pas lui confisquer sous le prétexte d’une modernisation de façade.

Ces jeunes de l’Aftu, avec leurs complices déjà condamnés par le Tribunal, sont face à un choix : se conformer à la loi et négocier une licence, ou continuer sur la voie de la violation des droits, au mépris de l’innovation et de l’équité. L’espace Oapi est fondé sur le respect de ces principes. Il est impératif que la Justice s’en fasse la garante.
Armel Lane ZOGNING
Conseil en propriété industrielle
Cabinet Sen Intelligence, mandataire agréé auprès de l’Oapi