Au Mali, l’ancien Premier ministre de transition Choguel Maïga rattrapé par la justice

L‘abandon du Mali par la France en plein vol, c’est lui. En septembre 2021, Choguel Kokalla Maïga, alors Premier ministre de la transition, accusait à la tribune de l’ONU Paris d’avoir « planté un poignard dans le dos » en annonçant le retrait des troupes de l’opération Barkhane. Trois ans plus tard, celui qui incarnait la voix civile de la junte est inculpé pour détournement de fonds publics et placé sous mandat de dépôt. Autant un coup de tonnerre qui symbolise le durcissement de la transition et la mainmise des militaires sur le pouvoir qu’un renversement spectaculaire pour un homme qui, depuis plus de quarante ans, n’a cessé d’occuper la scène politique malienne.

Dans la presse panafricaine, l’ironie est cruelle. Wakat Séra, au Burkina Faso, titre : « Le tribun de l’ONU au banc des accusés ». « Après avoir muselé les partis politiques et réduit au silence les voix critiques, le Mali franchit un pas de plus dans la criminalisation de l’opposition. L’arrestation de Choguel Maïga ressemble à un avertissement adressé à tous ceux qui songeraient à contester le pouvoir du colonel Goïta. » Le journal burkinabè souligne aussi la dimension personnelle du dossier : « Choguel, longtemps perçu comme l’un des hommes forts de la transition, finit victime du système qu’il a contribué à bâtir. »

Au Mali, l’arrestation et l’inculpation de l’ancien Premier ministre de la transition, Choguel Kokalla Maïga, accusé de « complot contre l’autorité de l’État », a provoqué un choc politique dont l’onde de choc traverse toute l’Afrique de l’Ouest. Tour à tour, la presse du Burkina Faso, du Niger et de la Côte d’Ivoire s’est emparée de l’affaire, y voyant tantôt une manœuvre d’Assimi Goïta pour resserrer son emprise sur le pouvoir, tantôt un signe supplémentaire de la dérive autoritaire des juntes sahéliennes.

ActuNiger évoque « la chute d’un homme qui incarnait la voix civile de la junte », tandis qu’en Côte d’Ivoire, L’Infodrome note le contraste entre « l’orateur flamboyant » et le « justiciable acculé ». Togopresse y voit « l’illustration d’une transition verrouillée par les armes plus que par les urnes ».

Né en 1958 à Tabango, dans la région de Gao, Choguel Maïga appartient à cette génération formée à l’Est, en URSS, où il décroche un diplôme d’ingénieur en télécommunications. De retour au Mali, il s’impose dans les rangs du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), héritier du parti unique de Moussa Traoré. Ses débuts ministériels dans les années 2000 sous Alpha Oumar Konaré puis Amadou Toumani Touré lui permettent d’incarner une certaine technocratie malienne : rigoureux, mais aussi implacable dans ses prises de position.

L’Infodrome, en Côte d’Ivoire, le décrit comme « un homme-orchestre de la politique malienne, toujours à l’affût d’un nouveau rôle ».

L’homme du M5 et l’alliance avec les colonels

Son heure de gloire arrive en 2020, quand le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), coalition de religieux, d’opposants et de syndicats, se lève contre la corruption d’IBK. Porte-parole du mouvement, Maïga devient la figure civile du soulèvement. En 2021, la junte militaire, à la recherche d’un vernis civil, le propulse Premier ministre.