Systèmes alimentaires en Afrique: Les chercheurs nourrissent l’avenir

Face à la progression inquiétante des maladies liées à la malbouffe, des chercheurs africains unissent leurs forces pour repenser les systèmes alimentaires et dessiner une feuille de route vers une nutrition plus saine et durable.

D’ici 2030, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) prévoit que les décès causés par les maladies liées à l’alimentation dépasseront ceux causés par les maladies infectieuses en Afrique. Pour inverser ce pronostic inquiétant, l’initiative Cchefs (Catalyzing Change for Healthy and Sustainable Food Systems), qui réunit plusieurs institutions de recherche, vise à soutenir des systèmes alimentaires plus sains et plus durables en Afrique. L’objectif est d’accroître la compétitivité des aliments nutritifs et durables en Afrique. C’est dans ce cadre que se tient, à Saly, du 8 au 10 septembre, un atelier visant à définir une vision et une feuille de route pour la transformation du système alimentaire en Afrique afin de garantir une alimentation saine. L’atelier réunit plusieurs équipes de recherche en provenance de huit pays, financées dans le cadre de l’initiative Cchefs, ainsi que des organisations régionales et des partenaires au développement. Au Sénégal, deux projets de recherche-action sur les systèmes alimentaires sont mis en œuvre sous le leadership du Conseil national du développement de la nutrition (Cndn).

Il s’agit, pour le volet nutritionnel, du projet Renforcer les actions politiques fondées sur des données probantes pour garantir un environnement des régimes alimentaires sains et durables en Afrique de l’Ouest (Reper), piloté par le Laboratoire de recherche en nutrition et alimentation humaine de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Larnah/Ucad) et, pour le volet économique, du projet Agir sur les environnements alimentaires pour un accès universel à des régimes alimentaires sains au Sénégal (Auras), conduit par le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres).

Campant les enjeux, le Pr Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du Cres, a expliqué que l’atelier de Saly constitue une étape importante pour consolider les acquis en matière de recherche et définir une vision et une feuille de route pour les cinq prochaines années. D’après Madiha Ahmed, cheffe de programme au Crdi, l’initiative Cchefs essaie de résoudre l’un des plus grands problèmes de société dans le monde : la malbouffe. Elle pointe la concurrence des produits malsains qui pousse les consommateurs à faire souvent de mauvais choix en matière d’alimentation. La recherche vise donc à éclairer le choix des décideurs.

Après cinq ans de mise en œuvre, l’initiative Cchefs a permis de déterminer les défis spécifiques à chaque pays et de comprendre comment la réglementation peut changer l’alimentation. « En cinq ans, on sait quoi faire et comment le faire ; ce qui est déjà un bon acquis ». À son avis, le Sénégal est un bon exemple en matière de collaboration entre chercheurs, gouvernement et société civile. La malnutrition est un défi énorme dans toute l’Afrique. « Il y a de plus en plus de personnes, y compris dans le monde rural, concernées par la malbouffe », dit-elle. Cofinancé par le Crdi et la Fondation Rockefeller à hauteur de 23 millions de dollars canadiens (environ 9,32 milliards de Fcfa), le programme Cchefs vise à recueillir de nouvelles données probantes pour les gouvernements et les autres intervenants des systèmes alimentaires. Il soutient notamment la recherche et les interventions politiques menées par les pays du Sud qui favorisent les changements des systèmes alimentaires afin de lutter contre la malnutrition sous toutes ses formes.

Taxer les aliments malsains ?

L’une des pistes envisagées par les chercheurs est l’utilisation potentielle de la subvention ou de la fiscalité pour encourager la consommation d’aliments sains. À en croire le Pr Abdoulaye Diagne du Cres, cette politique, déjà appliquée sur le tabac, donne un effet. « On constate que si on augmente de façon régulière le prix du tabac, la consommation recule. Donc, il faut des augmentations régulières corrélées au coût de la vie, parce qu’avec le temps les revenus augmentent et si le prix réel du tabac ne bouge pas, la consommation augmente. C’est valable aussi pour les aliments. Il faut que l’État fasse en sorte que les aliments malsains soient surtaxés », préconise le Pr Diagne.

D’autres pays comme le Kenya et le Ghana travaillent également sur des restrictions commerciales des aliments malsains, l’adoption d’une taxe spécifique sur les boissons sucrées, la labellisation ou encore l’amendement de la loi sur la santé publique pour prendre en compte ces défis.