Crise de l’assistance judiciaire : trois ans sans paiement, la justice sénégalaise au bord du blocage

La justice sénégalaise traverse une crise profonde. Selon L’Observateur, l’État n’a pas versé depuis trois ans les fonds destinés à rémunérer les avocats commis d’office, laissant une dette estimée entre 2 et 2,5 milliards de FCFA. Résultat : de nombreux avocats se désengagent progressivement, compromettant l’accès à la défense pour les plus démunis.

Dans les chambres criminelles, les procès s’enlisent. Certains accusés, comme Hamath D., en détention provisoire depuis quatre ans pour viol présumé, voient leurs audiences sans cesse reportées, faute d’avocat. Sa famille dénonce une justice devenue « une affaire de riches », où les pauvres sont les premiers à en payer le prix.

Les avocats, eux, tirent la sonnette d’alarme. « Depuis plus de trois ans, nous assurons ce service sans être payés », confie un jeune confrère. Me Baba Diop raconte avoir défendu des dossiers à travers le pays en supportant lui-même ses frais de déplacement : « On finit par se relâcher », admet-il, soulignant la baisse de qualité des plaidoiries.

La commission d’office, autrefois attractive avec un barème de 500 000 FCFA plus frais de mission, ne séduit plus. Le bureau de l’assistance judiciaire peine à trouver des volontaires et doit supplier les avocats pour prendre les dossiers.

Pour Me Ousseynou Gaye, ancien président du bureau, l’État a failli à son obligation constitutionnelle en suspendant le financement : « Le fait que les arriérés atteignent près de 2 milliards montre que l’assistance judiciaire n’est pas une priorité. »

Des voix s’élèvent pour alerter sur le risque de paralysie. Certains juges d’instruction en viennent même à solliciter personnellement des avocats pour faire avancer les affaires. Mais la profession prévient : sans paiement, le système risque de se gripper totalement.

Les autorités, qui promettent une solution « dans les plus brefs délais », tardent à agir. Pour les avocats, cette situation fragilise la démocratie elle-même, l’assistance judiciaire étant une condition essentielle d’équité et de bonne gouvernance.