Imaginez un État qui tend la main à sa diaspora et lui demande un prêt pour financer ses projets nationaux. La diaspora, animée d’un mélange de patriotisme et de logique d’investissement, répond généreusement, prêtant 100 dollars à son État. À ce moment précis, 1 dollar vaut 500 francs CFA, et l’État reçoit donc 50 000 francs CFA, qu’il considère comme le montant qu’il devra rembourser (hors intêret), même en cas de fluctuations du dollar d’autant, plus que l’emprunt est libéllé en monnaie nationale. Suivant cette logique, la pertinence du diaspora bond reside sur le fait qu’il constitue une alternative face à l’un des plus grands risques associés à la dette extérieure, notamment le risque de fluctuation du taux de change.
A l’heure du remboursement, le temps, impitoyable, joue son rôle. Les fluctuations de l’économie mondiale font monter le dollar : il faut désormais 600 francs CFA pour avoir un dollars. Mais toujours est il qu’au moment du remboursement, l’État ne rend que 50 000 francs CFA, exactement ce qu’il avait emprunté. Pour la diaspora, le choc est rude : ces 50 000 francs CFA, convertis au nouveau taux, ne représentent que 83 dollars. Ce qui était un prêt de 100 dollars devient alors un remboursement partiel, amputé de près de 17 %. Le risque de change, jadis hypothétique pour l’État, s’est transformé en une réalité tangible et supportée directement par les populations prêteuses. Encore une logique de l’Etat Tok Mouy Dokh.
Cette approche, appliquée au détriment de la diaspora, est profondément irresponsable. En transformant la diaspora en bouclier contre les fluctuations de change, l’État fait supporter à ses propres citoyens un risque financier qu’il aurait pu gérer autrement.
On pourrait imaginer le scénario inverse : si le dollar avait baissé par rapport au F CFA, la diaspora aurait pu tirer un avantage. Mais cela ne change rien au principe fondamental : le peuple n’est pas suffisamment outillé pour être un acteur sur le marché des changes, un espace complexe où l’incertitude, les fluctuations rapides et les mécanismes financiers sophistiqués rendent toute manœuvre risquée. Il ne doit jamais servir de bouclier face à ces variations.
Il existe pourtant des solutions responsables pour se prémunir contre les variations du taux de change dans le cadre de la dette exterieure, sans sacrifier la diaspora.
Diaspora Bond oui mais à condition que le prêt soit libellé dans la monnaie de résidence du prêteur. Ce qui n’est guère une innovation puisqu’à l’etat actuel, la diaspora, ben organisée et informée, peut tout aussi souscrire directement aux Eurobonds. Et ici le probleme restera entier, l’Etat devra encore faire face aux risques de change.
Bon dimanche….