« Innocent après cinq ans : le récit accablant de Fallou Fall sur la légèreté judiciaire

« Cinq années de détention pour rien. » C’est en ces termes que Fallou Fall a résumé son vécu, ce samedi 13 septembre à Yeumbeul, lors d’une conférence de presse organisée après son acquittement par la Cour d’appel de Dakar. Reconnu innocent après ce qu’il qualifie de « calvaire », il est longuement revenu sur les accusations de viol qui l’avaient conduit en prison et sur les séquelles humaines et sociales de cette épreuve.

Il a retracé en détail les différentes étapes de l’affaire et les conséquences qu’elle a entraînées. Selon lui, les premières accusations avaient été portées par sa tante en 2019. À l’époque, il avait déposé plainte au commissariat de Yeumbeul Asecna et, d’après son récit, une discussion familiale avait permis de régler provisoirement le différend.

Les mêmes accusations auraient été renouvelées en 2020. Fallou affirme s’être de nouveau rendu au commissariat de Yeumbeul Asecna pour déposer plainte auprès de l’adjudant Diatta, où il s’est retrouvé confronté à sa tante. Il rapporte que les policiers se sont d’abord limités à des questions « banales », avant d’entendre la jeune fille, les enquêteurs estimant que « les enfants ne mentent pas ». À l’issue de cette audition, il a été placé en garde à vue.

« À ce moment-là, je pensais qu’on allait me laisser partir et dire que c’était un problème familial et que c’était réglé », a-t-il expliqué, affirmant avoir informé des amis et des collègues pendant sa garde à vue. Il raconte qu’environ à 17 heures ce jour-là, le commissaire serait venu le voir et lui aurait lancé : « c’est le siwak qui t’a trahi ».

Le récit fait état d’un épisode humiliant au cours duquel on lui aurait demandé d’enlever sa ceinture avant son entrée en cellule, un premier enfermement qu’il qualifie « d’inoubliable ».

« Si le suicide avait été légal, je l’aurais fait », a confié Fallou, évoquant la profondeur du traumatisme et du désarroi vécus pendant sa détention.

Il a ajouté : « Mon parcours en prison, je l’ai vécu comme une mission. Il y a des personnes qui purgent de longues peines pour des accusations de viol, parfois 10, 15 ou même 20 ans, pour des faits qu’elles n’ont pas commis. Elles le font avec dignité. Il faut absolument revoir les dossiers concernant le viol. La justice doit s’assurer que des preuves palpables existent avant de condamner quelqu’un. C’est un sujet tellement sensible qu’il faut être très rigoureux. »

Enfin, il a exprimé sa volonté de créer une structure pour lutter contre l’injustice au Sénégal : « Avec mes proches et mes soutiens, je suis prêt à agir pour défendre ceux qui, comme moi, ont été injustement incarcérés. Il y a beaucoup de Fallou en prison, et je veux mettre en place une structure pour les aider et combattre ces injustices. »