NOTRE SOUVERAINETÉ À L’ÉPREUVE DE LA DETTE

Celui qui se tait ne commet une faute que lorsqu’il avait l’obligation de parler, et celui qui parle également est en infraction lorsqu’il était tenu de garder le silence.

Je préfère la fourmi, pour son ingéniosité, à la cigale qui fait beaucoup de bruit pour se retrouver fort dépourvue à la fin de l’été.

Sommes-nous des fourmis ou des cigales ?

Que recouvre la notion de dettes cachées du point de vue juridique et politique ?

Sommes-nous obligés de révéler au monde extérieur nos créances ou nos dettes, notre ingéniosité, nos secrets d’État ?

La souveraineté est la liberté pour un pays de pouvoir cacher à des États étrangers et aux instances internationales ses choix politiques et économiques internes et stratégiques.

Admettre le concept de dettes cachées remet en cause la suprématie et la souveraineté du Sénégal dans le financement de son développement.

Le Sénégal a le droit de se taire sur sa dette intérieure et ne devrait rendre compte que lorsqu’il se retrouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements internationaux, à l’exclusion de ses engagements strategiques. souverains et nationaux.

Les engagements publics sont de deux ordres : internes et externes.

Un État est souverain pour ses engagements internes et n’a aucune obligation de rendre compte, ni à un État étranger, ni même à une quelconque organisation internationale.

Il me semble qu’il en va de même pour les engagements vis-à-vis des entreprises privées étrangères.

Les entreprises publiques n’ont-elles pas le droit de prendre des engagements en toute autonomie ?

Soumettre toutes ces dettes à la censure du FMI, c’est accepter de remettre en cause notre souveraineté dans notre quête d’un développement… endogène.

Chaque organisation a la possibilité de mettre en place une ingénierie financière pour capter des financements.

Cette ingénierie, qui est la propriété de l’État, ne doit jamais être ébranlée par une démarche politicienne.

Ce qui nous arrive est grave.

Nous sommes en train, pieds et poings liés, de remettre notre âme au FMI, qui nous dit : « Oui, puisque vous avez reconnu nous avoir caché votre dette, c’est bien. Vous êtes honnêtes. Maintenant, présentez-nous un nouveau programme dans lequel vous allez prouver que vous pouvez financer votre budget par vos ressources internes, en attendant de voir le rapport du budget 2024-2025. »

C’est un piège !

Voilà que le chasseur qui traquait le loup, et qui avait vainement regardé le sable en s’y couchant pour y voir les traces du grand loup-cervier, se retrouve subitement en face du gibier perdu, parce que surpris.

Nous sommes ainsi surpris, nous sommes perdus… Tous nos chemins sont pris et notre retraite coupée dans notre course vers le développement.

Que va-t-il se passer ?

Les subventions vont être levées, le peuple va encore trimer… Cette démarche n’arrange que le FMI, qui nous tient désormais par la gorge.

Il faut d’ailleurs s’interroger sur l’appréciation qu’il fera de l’endettement du nouveau régime, ainsi que des conséquences de celui-ci sur la valeur de la signature de l’État, qui ne cesse d’être dégradée.

La rupture n’est pas une remise en cause de notre ingéniosité, mais une démarche nouvelle et salutaire, fondée sur une vision spécifique et originale du développement, qui consolide nos acquis et l’État de droit, et qui valorise notre génie créatif.

La volonté de liquider un adversaire politique ne devrait pas avoir de conséquences néfastes sur nos institutions, nos finances publiques et notre crédibilité internationale.

La remise en cause de ces paramètres, au point que notre État en subisse les contrecoups et le discrédit de nos institutions qui en découle, peut être classée à la décharge de leurs auteurs, dans le registre du manque d’expérience…

Nous pouvons réparer cela — dans le silence et le patriotisme — en admettant qu’un discours politique interne ne devrait pas produire autant de dégâts s’il n’était pas suivi d’effets, et en mettant fin à cette polémique interne dont la prolongation ne pourra que nous être fatale.

Les hommes d’affaires qui ont aidé l’État à contourner la difficulté des subventions devraient être libérés.

Par exemple, Khadim Ba a aidé l’État à mettre fin aux délestages et à éviter la hausse du coût de l’électricité et des hydrocarbures.

Nous n’avons pas à rendre compte aux institutions internationales de certains de nos choix qui relèvent de notre souveraineté.

Maintenant, pour parler comme Charles Péguy : pleurer et gémir est également lâche. Répondons là où le sort a voulu nous appeler, pour mourir sans jeter un cri…

Cessons le bruit. Travaillons comme la fourmi et comme les enfants du laboureur, à qui leur père a légué cette maxime : le travail est un trésor.

Assumons nos choix !


Maître Djiby Diallo

Avocat à la Cour

Président du Groupe d’Actions et d’Initiatives pour un Développement Localisé