C’était une décision « courue d’avance », estiment plusieurs éditorialistes cités par notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Israël fonce « la tête contre le mur », estime, pour sa part, le quotidien d’opposition Haaretz. Le pays est « isolé » en raison de son offensive à Gaza et Netanyahu a « trouvé la solution », explique ironiquement le journal.
« Prise de contrôle »
« Renforcer encore plus la guerre : absent de la décision, souligne Yediot Aharonot, le mot occupation qui a été remplacé par prise de contrôle ». Une nuance qui a une importance juridique. Il n’est pas non plus question du projet de transfert des Gazaouis, initialement suggéré par le président Donald Trump. Autant de points qui ont provoqué le mécontentement des ministres d’extrême droite Smotrich et Ben Gvir qui n’ont pas voté en fin de compte avec la majorité du cabinet.
Le piège du Hamas
Nous allons « tomber » dans le piège du Hamas, a lancé le chef d’état-major aux ministres. Ils n’ont pas tenu compte de son avertissement. Selon le quotidien Maariv, 46% des Israéliens se rangent du côté du général Zamir. Ils sont 22% seulement en accord avec le Premier ministre israélien. Pour un chroniqueur, le résultat du jusqu’auboutisme israélien sera double : une recrudescence de l’antisémitisme dans le monde et la création d’un État palestinien.
Émoi chez les réfugiés palestiniens
Ahmed est resté éveillé toute la nuit, accroché à son téléphone. Il a découvert la décision d’Israël au petit matin : « Oui, ça a été un choc pour nous, parce qu’on pensait que l’opération se terminerait bientôt, confie-t-il à Alice Moreno, correspondante de RFI à Ramallah. Je pense que nous en avons eu assez… Gaza n’en peut plus ». Ce père de famille, réfugié à Al-Mawasi, ne voit pas comment les habitants de Gaza ville vont pouvoir être accueillis dans le camp : « Les tentes sont déjà les unes à côté des autres. Il n’y a pas d’espace, il n’y a pas d’eau, il n’y a rien, ce sont des tentes au milieu du désert. »
Il rappelle que les Gazaouis, à bout de force, affamés, ne peuvent pas se déplacer une fois encore : « Personnellement, j’ai déjà dû me déplacer plus de quinze fois, il faut beaucoup d’argent, beaucoup d’efforts sous les bombardements, les frappes aériennes, ils ne donnent pas d’occasion aux gens de se déplacer en sécurité. »
À terme, il redoute bien sûr les assauts d’Israël qui veut s’emparer de tout le territoire : « Nous souffrons, vraiment, nous avons un futur inconnu, j’ai toujours peur de ne pas me réveiller le jour suivant. Je regrette de m’être marié et d’avoir eu un fils. Ils ne méritent pas de vivre ça ». L’évacuation de Gaza ville pourrait durer deux mois, avant l’offensive totale de l’armée israélienne.
Avec ses 45km2 la ville de Gaza représente un peu plus de 10% du territoire de l’enclave palestinienne. Située au nord, la ville de Gaza borde la Méditerranée sur quelques kilomètres et possédait un port de pêche, maintenant détruit par l’armée israélienne. Lors du dernier recensement de 2023, la plus grande ville de l’enclave palestinienne comptait près de 750 000 habitants dont plus de 90% auraient été contraints de quitter leur domicile pour fuir les bombardements.
Avant cet exode, la ville de Gaza était l’une des plus densément peuplée au monde avec plus de 16 000 habitants au kilomètre carré. Conséquence : son tissu urbain était lui aussi très dense, rendant les bombardements israéliens particulièrement destructeurs et faisant désormais ressembler la ville à un gigantesque tas de gravats.
Poumon économique, politique et culturel, la ville de Gaza comptait plusieurs marchés, des universités ainsi que de nombreux bâtiments administratifs. Avant d’appartenir à l’État de Palestine, la ville s’est développée sur la route commerciale reliant l’Égypte à la Syrie, et aurait été fondée il y a plus de 3000 ans.