Guinée : la bauxite peut-elle tenir toutes ses promesses ?

ANALYSE. L’exploitation de la bauxite est devenue le carburant de l’économie guinéenne, mais les défis pour faire du secteur minier un pilier du développement sont encore nombreux.

« En 2010, on ne produisait que 93 000 tonnes de bauxite, 7 % de la réserve internationale. Aujourd’hui, nous sommes en train de devenir le premier producteur mondial. Voilà la réalité. » Le 13 janvier, alors qu’il célèbre l’indépendance de la Guinée, le président Alpha Condé est très en verve : il se voit déjà champion mondial de la bauxite – un minerai utilisé dans la fabrication de l’aluminium. Signe d’un excès de zèle, en amont des élections locales du 4 février ?

Force est de reconnaître que ce secteur se développe au pas de charge en Guinée. Sixième producteur de bauxite en 2015 (18 millions de tonnes), le pays se classe quatrième en 2016 (27 millions de tonnes), et certainement troisième, voire deuxième, en 2017 – les données sont en train d’être finalisées. Pas de quoi détrôner encore l’Australie (85 millions de tonnes), mais, avec près de 50 millions de tonnes exportées en 2017, la Guinée double le Brésil et peut-être la Chine, pour figurer dans le trio de tête des producteurs mondiaux.

Main basse sur la bauxite guinéenne

Faire du secteur minier un pilier du développement économique est une ambition nationale depuis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, en 2010. Après la déconvenue dans le fer, qui se solde en 2016 par le retrait définitif de l’anglo-australien Rio Tinto du méga-gisement de Simandou, tous les espoirs se tournent alors vers la bauxite. Signe encourageant, la demande d’aluminium semble solide. Portée par la construction, les infrastructures ou l’automobile, elle est estimée à environ 5 % de hausse annuelle.

Mais surtout, la Chine, qui assure plus de la moitié de la production mondiale d’aluminium, se cherche de nouveaux fournisseurs depuis que l’Indonésie, en 2014, puis la Malaisie, en 2016, ont cessé d’y exporter leur bauxite. Une fenêtre de tir idéale. La Société minière de Boké (SMB) s’y engouffre aussitôt, et ne lésine pas sur les moyens. Près de 1,5 milliard de dollars sont investis dans des chantiers titanesques (ports fluviaux, ponts, routes). En deux ans d’activité, ce consortium guinéo-sino-singapourien devient le numéro un mondial de l’exportation de bauxite, avec 31 millions de tonnes expédiées en 2017 vers le marché chinois.

« Le climat des affaires s’est amélioré »

Demain, dans la région de Boké, au nord-ouest de Conakry, d’autres commenceront à extraire cette roche rose-rouge qui affleure parfois : les chinois Chinalco et China Henan International Cooperation Group, l’emirati GAC (Guinea Aluminia Corporation) – qui a confié l’exploitation de sa mine au français Bouygues en juillet 2017 –, le britannique Alufer ou encore l’Aaustralien AMC (Alliance Mining Commodities). 6,5 milliards de dollars devraient être investis dans la production de bauxite, d’alumine et dans les infrastructures ces trois prochaines années, selon le rapport de décembre 2017 du FMI. Ce qui ces miniers à miser en Guinée ? L’appétit des raffineries chinoises, la qualité de la bauxite – avec une teneur en alumine de plus de 60 % dans certaines zones, c’est une des meilleures au monde –, mais aussi les réformes institutionnelles mises en œuvre depuis 2010.

« Le climat des affaires s’est amélioré, avec une plus grande ouverture sur le monde, la mise en place d’un guichet unique qui favorise l’installation des sociétés en Guinée et une fiscalité plus avantageuse pour les promoteurs en phase de projet », note Aïssata S. Beavogui, directrice générale de GAC, filiale d’Emirates Global Aluminium. Chez Alliance minière responsable (AMR), junior française qui a signé un contrat d’amodiation avec la SMB, le directeur général adjoint Thibault Launay apprécie, quant à lui, le « renouvellement de la classe politique et les échanges devenus plus fluides avec les jeunes cadres des ministères ».

Vers une transformation des matières premières en alumine…

De fait, la Guinée progresse dans le classement Doing Business de la Banque mondiale, qui mesure l’environnement des affaires. Elle se classe 153e sur 189 pays dans l’édition 2018 (163e en 2017). Récemment, elle a même annoncé des projets d’industrialisation. Le géant de l’aluminium russe Rusal, d’abord, doit rouvrir en avril l’usine de transformation d’alumine – matière intermédiaire dans la fabrication d’aluminium – de Fria. Tout un symbole. Première raffinerie d’Afrique de l’Ouest construite en 1957 par Pechiney, puis rachetée et relancée par Rusal en 2006, elle a dû fermer en 2012 à l’issue d’un mouvement de grève. La production initiale est fixée à 650 000 tonnes d’alumine par an.

En décembre, c’est la SMB qui a annoncé un investissement de 3 milliards de dollars en vue de bâtir une raffinerie d’alumine et une ligne de chemin de fer de 120 km. La source d’approvisionnement en énergie – qui conditionne la capacité de production de l’usine prévue pour 2022 – est à l’étude. « Construire une usine d’alumine est un défi technique et financier », résume Frédéric Bouzigues, directeur général de la Société minière de Boké. Si le consortium a sauté le pas, c’est parce qu’« il y a une demande du gouvernement, qui s’est montré rassurant, et un bon timing, avec la Chine qui est en train de réduire la voilure en termes de transformation de la bauxite, en raison de la mise en conformité environnementale de certaines de ses usines », ajoute-t-il. 10 000 emplois pourraient être créés durant la phase de construction.

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6 Commentaires

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