Il y a des politiciens dont on n’imaginait pas qu’ils «transhument» aussi facilement un jour, au vu de certaines positions, postures adoptées, et discours tenus, à un moment de leur vie politique. Mais le temps faisant son œuvre, les régimes changeant et la vie se prolongeant, on se rend compte qu’on se trompait.
Le ralliement de Sada Ndiaye, ancien chargé des élections du PDS à l’Alliance pour la République (APR) en cette fin d’année laisse les Sénégalais sans voix. C’est tout comme si l’on était dans un rêve. C’est d’autant plus effarant que quelques mois seulement auparavant, Sada Ndiaye était dans une démarche d’attaque frontale contre le président Sall et son régime, qu’il accusait de tous les péchés d’Israël.
«Aujourd’hui, tous les symboles sont piétinés, les sanctuaires profanés. On constate que de 2012 à 2017, Macky Sall est dans sa logique d’écraser les opposants. Sous Macky Sall, la loi n’est ni générale ni impersonnelle. Elle porte les habits et les ambitions de Macky Sall. Le pouvoir judiciaire est instrumentalisé», dénonçait le maire de Nguidjilone en Mars 2017. Quelques semaines plus tard en avril, il est revenu à la charge dans le même registre. «Macky Sall est un joueur, un opportuniste. Macky Sall méprise le Fouta», disait Sada Ndiaye comme pour dresser sa commune contre l’exécutif. Que se serait-il passé donc entre-temps les 10 mois après ?
Pour revenir en arrière et nous rafraîchir la mémoire, Sada Ndiaye s’était rendu célèbre sous le régime de Me Wade, par la loi à son initiative qui porte d’ailleurs son nom, et par laquelle, le mandat de l’actuel président de la République, alors président de l’Assemblée nationale, est ramené de 5 à 1 an. Il ne pouvait y avoir mieux pour liquider Macky Sall sous le couvert de la légalité, accusé à l’époque d’activités fractionnistes au sein du Pds, alors que la démarche était purement politicienne. Sada Ndiaye était donc le maître d’œuvre de cette manigance qui a poussé à bout Macky Sall, le «pestiféré» du régime Wade d’alors.
Voir aujourd’hui une telle personne retourner sa veste avec autant de facilité ne peut que surprendre. C’est pourquoi l’on peut comprendre aisément la colère noire, mais légitime de Moustapha Cissé Lô qui, à l’époque avait quitté le PDS, lui aussi pour rejoindre Macky Sall dans une aventure incertaine, qui finalement les mènera au sommet.
Le courroux de Cissé Lô
L’arrivée de Sada Ndiaye dans les rangs de l’APR est mal vécue par Moustapha Cissé Lô, alias El Pistolero, qui ne cache pas son opposition. «Je pense objectivement que Sada Ndiaye ne devrait pas être notre allié. Je dis bien que rien et rien ne peut et ne doit justifier l’acceptation de son adhésion à l’Apr. Il faut inculquer aux jeunes qui nous observent le culte des valeurs et de la dignité», s’est emporté Cissé Lô dans un communiqué diffusé en fin de semaine. Comme le dit et à juste titre le co-fondateur de l’APR, la politique doit être une question de dignité et de préservation de valeurs.
Par contre, la démarche des personnes comme Sada Ndiaye et autres caméléons politiques confortent ceux qui pensent que s’engager en politique, c’est chercher à se caser, c’est trouver facilement un poste pour se requinquer, c’est se servir et non servir son pays. Autrement comment comprendre ce retournement de veste de M. Sada Ndiaye ? Bien sûr la transhumance des Souleymane Ndéné Ndiaye, Awa Ndiaye, Serigne Mbacké Ndiaye et autres n’ont pas manqué de surprendre mais moins tout de même que celle du maire de Nguidjilone. Moustapha Cissé Lô, est bien placé pour savoir comment le ralliement du chargé des élections du PDS est incompréhensible. Il se rappelle comme si c’était hier, les conditions dans lesquelles naquit l’Alliance pour la République.
«L’Apr est née dans la douleur, au prix d’énormes sacrifices consentis par des hommes et des femmes de valeur et de courage qui ont fait face à des Sada Ndiaye et autres, qui avaient comme mission commandée la liquidation politique de Macky Sall; Moustapha Cissé Lo, Mbaye Ndiaye et tant d’autres qui avaient cru au destin futuriste de l’actuel locataire du palais de la République», se remémore Cissé Lô. En clair si cela ne tenait qu’au président du parlement de la CEDEAO, un Sada Ndiaye qui toque à la porte de l’APR serait tout simplement éconduit. Où est donc la morale dans tout ça ? Que défendent nos hommes et femmes politiques ? Leur bifteck ou des convictions ?
In fine, la transhumance nous est devenue si familière et si banale qu’elle peut parfois nous amuser alors que c’est un vrai problème. On est en droit de se demander sur quoi repose l’idéologie de ces transhumants ? Quelle est leur ligne politique ?
En vérité, ils ne font que contribuer à pervertir la politique, qui aurait dû être une chose noble qui inspire la jeunesse. Malheureusement, quand les aînés ont en tête que faire de la politique, c’est en vivre, la jeunesse, socle de tout développement, se place aujourd’hui dans cette même posture. Et donc c’est mal partie. La politique devient un ascenseur social. Ce qui fait qu’en période de vaches maigres, faire l’opposition n’est pas toujours donnée. Certains habitués aux délices du pouvoir ne supporteraient pas de se retrouver dans la galère et des sacrifices de l’opposition. La solution dans ce cas, c’est «transhumer».
Fais de la politique et ton enfant aura quelque chose
Nombre de jeunes sont persuadés que s’engager en politique est synonyme d’ascension sociale rapide. Parce qu’ils ont connu des personnes très modestes, peut-être pauvres comme des rats d’église, mais devenus subitement riches comme Crésus de par leur proximité avec un régime.
En la matière, on a beaucoup parlé du défunt régime de Wade qui était, semble-t-il, une machine à fabriquer des milliardaires ex-nihilo. La transhumance ne constitue qu’à renforcer cette perception qu’on peut s’embourgeoiser sur le champ politique assez rapidement.
Un jeune docteur vétérinaire il y a environ 7 ans, au détour d’une discussion, me fit part de sa volonté de s’investir en politique un jour. Sans lui demander pourquoi cette envie de s’engager, il enchaîna en disant clairement: «si tu ne fais pas de la politique, tu n’auras rien et ton enfant n’aura rien». C’est donc clair, pour bien de jeunes, la politique c’est une affaire de postes, un moyen de décrocher un job. Quand une telle personne s’engage, son objectif est clair: se remplir les poches. Lire la suite
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