Les élections de 1993 ne constitueraient pas la seule cause de l’assassinat de Me Babacar Sèye. C’est l’affirmation de Khalil Sèye, fils du défunt vice-président du Conseil constitutionnel, tué le 15 mai 1993, à la suite des élections présidentielle (21 février) et législatives (9 mars). «Les enjeux politiques étaient énormes, mais il y avait aussi des enjeux économiques et financiers qui ont été occultés», avance-t-il sur le plateau de ITV, reprise par Bés Bi, à l’occasion des 30 ans de la mort de son père.
Khalil Sèye était en compagnie de son frère avocat, Me Abdy Sèye, face à Alassane Samba Diop, pour l’émission «Questions directes». Il rembobine : «Me Sèye était vice-président du Conseil constitutionnel et non président. Au moment de la proclamation des résultats, d’abord de la présidentielle, il a eu à départager Abdou Diouf (58,40% de voix, réélu) et Abdoulaye Wade (32,03) en tapant sur la table parce qu’il y avait le contentieux des ordonnances qui se posait.»
Il poursuit son récit : «Pour Me Sèye, il fallait les faire accepter (les ordonnances) parce que celles-ci étaient délivrées par les Cours d’appel, donc des juridictions légitimes. Aux Législatives, l’opposition a eu aussi à utiliser les ordonnances comme le Parti socialiste pour la présidentielle. Le PS avait demandé l’annulation des ordonnances reçues à la Commission nationale de recensement des votes. Babacar Sèye a dit non parce qu’elles avaient été acceptées à la présidentielle pour le PS et donc, elles ne pouvaient être rejetées pour les législatives. Or, dans le décompte qu’il avait par devers lui, l’opposition avait 63 (sièges à l’Assemblée nationale) contre 57 pour le PS, ce qu’il devait proclamer.»
Le fils du défunt vice-président du Conseil constitutionnel laisse entendre que le pouvoir socialiste ne voulait pas de ces résultats. «Malheureusement, le décès de Me Sèye est intervenu. À partir de ce moment, tout a été remis en cause», suggère Khalil Sèye, qui interroge : «Pourquoi le parti au pouvoir à l’époque tenait mordicus à être vainqueur aux législatives, à former son gouvernement ?».
Il croit savoir que le contexte économique y était pour quelque chose. Explication : «Entre 89 et 90, on parlait d’une dévaluation (de francs CFA, intervenue en 1994). Mais Houphouët-Boigny (président de Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, décédé en décembre 1993) avait demandé d’attendre. Exactement, un an après l’assassinat de Me Sèye, la dévaluation est intervenue. Toute la classe politico-financière en avait vraiment profité avec le parti au pouvoir. C’étaient des grands enjeux économiques et financiers parce que la dévaluation procurait d’énormes facilités de s’enrichir. Mais la politique l’a emporté sur cet aspect.»