La « question électorale » au Sénégal qui a longtemps agité le landerneau politique avant les deux alternances politiques intervenues en 2000, puis en 2012, a rebondi avec une forte intensité, à l’occasion de l’élection présidentielle du 24 février 2019. Tous les observateurs s’accordent à penser qu’elle va déterminer de façon décisive le cours politique dans notre pays, en raison du contexte particulier dans lequel elle va dérouler dans notre pays, avec les découvertes du gaz, du pétrole et d’autres ressources naturelles qui vont entrer bientôt dans leur phase active d’exploitation. Cela ne manquera pas d’avoir des conséquences géostratégiques et géopolitiques sur la place du Sénégal dans la sous- région et dans le monde, en tant que pays intégrant le cercle restreint et convoité des pays pétroliers.
C’est justement cette convoitise effrénée autour des richesses pétrolières et gazières constatée dans nombreux pays dans le monde, qui a fait que certains analystes ont parlé de « malédiction du pétrole ». Mais autant ces richesses peuvent constituer une malédiction, autant, elles peuvent constituer une « bénédiction ». Nous devons donc opter résolument pour la deuxième alternative qui seule, et elle seule peut permettre à notre pays de s’engager résolument et définitivement dans le chemin de l’émergence et du développement durable.
Mais pour atteindre un tel objectif, il revient à tous les Sénégalais et Sénégalaises, singulièrement aux acteurs politiques, de savoir raison garder et d’être gouverné par un comportement authentiquement patriotique et républicain, en ne mettant en avant que les intérêts de la nation et rien d’autre.
C’est la raison pour laquelle le Président Macky SALL avait lancé un appel à l’occasion du référendum du 20 mai 2016, à tous les segments de notre société, pour bâtir un consensus national fort autour de ces nouvelles ressources, pour permettre à notre nation de prendre à bras le corps, les multiples défis qui interpellent son devenir. Certains acteurs politiques, singulièrement ceux considérés comme les plus représentatifs, ont refusé cette main tendue, en s’emmurant dans un boycott systématique de tous les appels au dialogue politique, comme aux concertations organisées par le Ministère de l’Intérieur sur le processus électoral.
L’agitation fébrile de l’opposition à laquelle nous assistons depuis un certain temps, avec des accusations d’une extrême gravité sur le processus électoral en cours, n’a pas manqué de créer de vives inquiétudes quant à l’issue du scrutin sur la paix civile et sociale dans notre pays. Pourtant les acteurs politiques devraient se convaincre, à la lumière de notre trajectoire démocratique riche de plus d’un siècle et demi de compétitions électorales, que les scrutins, si importantes soient ils, ne sont pas une fin en soi. Quel que soient les résultats qui sortiront de la vérité du verdict des urnes, le pays ne cessera pas pour autant de fonctionner parce que l’élection, en démocratie, n’est qu’une étape de la la vie politique et sociale. C’est dire que l’acceptation des résultats des confrontations électorales s’impose à tous les acteurs politiques, en ce qu’elle peut contribuer à l’instauration d’une démocratie apaisée, et à surmonter l’exacerbation des tensions sociopolitiques en contribuant puissamment à instaurer un climat durable de confiance et de pacification de la sphère politique.
Mais tout se passe comme si l’opposition n’est pas disposée à accepter le verdict qui sortira des urnes le 24 février 2019. Pour cela, elle cherche coûte que coûte à créer un contentieux préélectoral artificiel, pour jeter le discrédit sur les résultats électoraux à venir et justifier la défaite cuisante qui lui sera infligée par le candidat de la coalition BBY, au soir de la présidentielle du 24 février 2019. Les accusations de l’opposition sont extrêmement graves. Non seulement, dit-elle, le camp du pouvoir disposerait de trois fichiers électoraux, mais il aurait entre ses mains les résultats électoraux préfabriqués du scrutin présidentiel de février 2019. Les auteurs de telles accusations mériteraient d’être entendus par les autorités judiciaires compétentes, pour administrer la preuve de leurs allégations, parce que les Sénégalais seraient heureux de savoir comment on peut gagner des élections par la fraude dans un pays qui a un système politique multi-acteurs, où les partis et coalitions de partis sont représentés à toutes les étapes de la chaîne du processus électoral, dans un pays où les résultats sont affichés devant les bureaux de vote dès la fin du scrutin et diffusés par la presse à temps réel sur toute l’étendue du territoire national et dans la diaspora. Proclamer de telles accusations, c’est à la limite, manquer de respect au peuple sénégalais. Ceux qui soutiennent l’existence de trois fichiers, devraient être en mesure de démontrer devant le peuple sénégalais, l’existence de trois cartes d’électeur différentes, provenant de trois fichiers différents. Jusqu’à ce jour, aucune preuve concrète n’a été fournie pour établir le bien-fondé de cette allégation.
Dans notre Code électoral qui organise les règles de la compétition électorale, il n’existe qu’un seul fichier électoral, appelé « Fichier général des électeurs ». Selon les dispositions de l’article L.48 du Code électoral, ce dernier comprend deux fichiers spécifiques : d’une part, le fichier des électeurs établis sur le territoire national, composé des civils, des militaires et paramilitaires, et d’autre part, le fichier spécial des Sénégalais de l’extérieur. Et, il est précisé qu’un « électeur ne peut figurer qu’une seule fois dans le fichier général ».
Une des caractéristiques essentielles des listes électorales, c’est la règle de la permanence. L’article L.39 du Code électoral, dispose que : « les listes électorales sont permanentes ». Cela signifie que chaque année, elles font l’objet d’une révision annuelle. Avant chaque élection générale, une révision exceptionnelle est décidée par décret. La révision signifie trois choses :
1). ajouter sur la liste, ceux qui viennent d’avoir l’âge électoral (18 ans) ou ceux qui n’étaient pas inscrits ;
2). retirer de la liste les personnes décédées ou ayant perdu leurs droits civiques ;
3). procéder à des modifications d’adresses électorales pour ceux qui veulent changer leur lieu de vote.
Pour montrer le caractère fallacieux des accusations selon lesquelles, il existerait trois fichiers électoraux, il y a lieu, de revenir sur la genèse et l’évolution du fichier électoral.
GENESE ET EVOLUTION DU FICHIER ELECTORAL.
Avant 1976, on ne parlait pas de fichier électoral et de Code électoral. Ces deux concepts sont nés ensemble, en 1977. Le premier renvoi et vise le support électronique contenant des informations concernant les électeurs, tandis que le second désigne un document unique relié sous forme de brochure et qui contient un certain nombre de textes législatifs et réglementaires épars concernant la matière électorale. Avant l’indépendance de 1960, les textes qui organisaient les élections, étaient régis par les lois coloniales. Avec l’accession de notre pays à la souveraineté internationale celles-ci ont été abrogées pour l’essentiel. C’est dire que l’histoire du Code électoral et du fichier électoral sénégalais sont donc intimement liées à l’évolution des différentes convulsions politiques et sociales qui ont émaillé la vie démocratique dans notre pays.
De 1960 à 1974, les élections se déroulaient sous le régime de Parti unique ou unifié, avec des scores qui avoisinaient les 100%. A partir de 1974, avec la naissance du Parti Démocratique Sénégalais (PDS), un tournant s’est opéré sur la scène nationale, avec l’apparition de plusieurs formations concurrentes sur la scène politique. C’est l’époque du multipartisme encadré en 1976, avec le Président L.S. SENGHOR, qui a reconnu dans un premier temps trois (3), puis quatre (4) courants politiques. C’est ainsi que le législateur a senti la nécessité de disposer d’un instrument d’organisation et de régulation des règles du jeu électoral. D’où l’adoption du Code électoral en 1976, en vue de l’organisation des élections présidentielles et législatives de février 1978.
Par la loi n°76-96 du 02 août 1976, le législateur a institué un nouveau Code électoral en sa partie règlementaire par le décret n°77-871 du 5 octobre 1977. Les dispositions de ce code qui devrait entrer en vigueur le 1er mars 1977 (article L.162) ont été modifiées par la loi n°77-57 du 26 mai 1977, la loi n°77-83 du 21 juillet 1977 et la loi organique n° 77-95 du 17 octobre 1977.
Il convient de préciser qu’au moment de l’informatisation du fichier électoral en 1977, il a été procédé à une annulation par l’article 1er de la loi n°77 du 05 janvier 1977, de toutes les listes électorales qui régissaient l’organisation des scrutins. Pour la constitution du fichier naissant, l’on a procédé à un recensement exhaustif des populations avec de nombreuses pièces très différentes. Une des caractéristiques majeures du fichier de 1977, c’est le nombre indéterminé des pièces exigées pour l’inscription de l’électeur sur les listes électorales, mais qui servaient en même temps pour la justification de l’identité de l’électeur à l’occasion du vote : « Passeport Carte Nationale d’Identité ; Livret militaire ; Permis de conduire ; Extrait de naissance ; Livret de pension civile ou militaire ; Carte d’artisan ; Carte de coopérateur, » et « toutes autres pièces permettant d’établir l’identité de l’électeur ». La loi n° 82-10 du 20 juin 1982, ajouta la carte d’étudiant et la loi n° 89-33 du 12 octobre 1989, pris en compte la carte consulaire.
C’est ainsi que les élections présidentielles et législatives couplées de 1978, 1983 et 1988 qui étaient organisées sous l’empire du Code électoral de 1976, furent violemment contestées parce que non transparente. Ce qui était surtout indexé, c’est le nombre indéterminé de pièces qui servaient à l’identification de l’électeur et qui ne présentaient aucune fiabilité.
Pour amoindrir les conflits et contentieux électoraux, les acteurs politiques ont trouvé un consensus, par la réduction drastique du nombre de pièces d’identification de l’électeur. C’est ce qu’on a appelé le « Code Kéba Mbaye » de 1992, qui a supprimé le nombre indéterminé de pièces avec lesquelles on votait et qui étaient à la base des votes multiples, pour les limiter. Les pièces exigées ont été limitativement énumérées conformément à l’article L.36 de la loi n° 92-15 du 07 février 1992. Il s’agit de : « passeport ; carte nationale d’Identité ; livret militaire ; permis de conduire ; livret de pension civile ou militaire ; carte consulaire (pour les Sénégalais de l’extérieur) ».
Incontestablement, le Code de 1992 constitue un exemple légistique d’un texte consensuel et le substrat sur lequel se sont agrégées les couches des diverses réformes ultérieures du Droit électoral sénégalais. Ce consensus fera dire au Président Abdou Diouf avec une certaine emphase que « c’est le meilleur Code du monde »
C’est ainsi que les contentieux électoraux furent considérablement amoindris, à défaut d’être définitivement éradiqués. Le Code électoral de 1992 a également préconisé la séparation de l’élection présidentielle et des élections législatives. Cela a fortement contribué à la clarification des règles du jeu électoral, jusqu’à la survenue de la première alternance politique de l’an 2000. Bien que leader libéral, Maître Abdoulaye Wade ait remporté le scrutin présidentiel de 2000 qui s’est déroulé dans la transparence, il a estimé que le fichier avec lequel il a gagné les élections, n’était pas son fichier. C’était celui du Parti socialiste. D’où la décision qu’il a prise de procéder à une refonte totale du fichier électoral, en procédant à l’annulation de toutes les listes électorales par la loi n° 2004-32 du 25 août 2004, qui a prescrit l’établissement de nouvelles listes basées uniquement sur une carte nationale d’identité biométrique numérisée. Celle-ci devait avoir une durée de vie de 10 ans (2005- 2015), mais la validité de cette carte a été prorogée à plusieurs reprises jusqu’en 2017.
La refonte partielle du fichier électoral de 2017, a institué une nouvelle carte biométrique CEDEAO, à la fois d’identité et d’électeur, et à usage multiple.
Il y a lieu de préciser que le fichier électoral, dans son évolution, a subi un processus de fiabilisation qui remonte aux législatives de 1998. Puis, il a subi deux mises à jour qui ont fortement contribué à sa crédibilisation.
La première mise à jour a été effectuée en 1999 à partir des électeurs qui avaient retiré leurs cartes aux élections législatives de 1998.
La deuxième mise à jour, a eu lieu du 18 septembre au 18 octobre 2000, sur la base du noyau dur de la présidentielle 2000, par la loi n° 2000-25 du 1er septembre 2000 portant mise à jour des listes électorales. En plus de ces deux mises à jour du fichier, il y a lieu de rappeler l’initiative prise par le Front de la Société civile pour un audit du Fichier électoral à quelques semaines de la présidentielle de l’an 2000, pour exiger la transparence du scrutin, en vue de parvenir à des élections apaisées et régulières.
Après l’alternance en 2000, il a été procédé à un audit international du processus électoral intitulé MAFE 2010 (Mission d’Audit du Fichier Electoral), avec l’appui de l’Ambassade des Etats-Unis, de l’Allemagne et de l’Union Européenne. Cet audit de grande amplitude qui a démarré du 13 octobre 2010 au 31 janvier 2011 a abouti à d’importants résultats attestant de la fiabilité du fichier électoral en perspective de l’élection présidentielle 2012, assorti de 108 recommandations. Au lendemain des élections législatives du 30 Juillet 2017, qui ont connu de nombreux dysfonctionnements, le CCPE (Cadre de Concertation sur le Processus Electoral) présidé par l’ambassadeur Seydou Nourou BA a été mis sur pied, pour procéder à l’évaluation critique approfondie de tous les manquements constatés lors de ces législatives, corriger et rectifier tout ce qui pouvait et devait l’être en perspective de la présidentielle du 24 février 2019. Malheureusement, l’opposition dite significative a boycotté cette concertation extrêmement importante. Pour éviter ce qui s’est produit aux législatives du 30 juillet 2017, un audit international du fichier électoral a été mené grâce à l’appui financier de l’Allemagne et de l’Union Européenne dans le cadre du Projet d’Appui au Processus Electoral (PAPE) du Sénégal, conduit par le Centre Européen d’Appui Electoral (ECES). Cet audit mené par des experts indépendants, intitulé MAFE 2018, s’est inscrit dans le prolongement de la mission d’audit MAFE 2010. Un diagnostique pointu du processus électoral a été mené autour de quatre axes :
1). la revue du cadre légal et réglementaire ;
2). la revue de la chaîne des inscriptions des électeurs ;
3). les examens des fichiers ;
4). l’examen de l’adéquation technologique.
La conclusion de cet audit a établi la fiabilité du fichier électoral à 98%. En outre, elle a prescrit 38 recommandations en vue de l’amélioration de notre système électoral, dont on a confié la mise en œuvre au Comité de suivi présidé par monsieur Issa SALL de la CENA.
Il faut se féliciter du fait que le Ministre de l’Intérieur a donné un avis favorable à la requête de l’opposition, pour lui permettre d’exercer son droit de regard et de contrôle du fichier électoral, conformément à l’article L. 48 du Code électoral.
C’est ici le lieu de rappeler que la MAFE 2010, tout comme la MAFE 2018, ont établi que trois (3) conditions au moins, doivent être remplies pour qu’un fichier électoral soit considéré comme fiable. Le fichier électoral du Sénégal remplit ces conditions
- lorsque l’unicité de l’électeur dans la base des données est garantie, c’est-à-dire que chaque électeur à un identifiant unique, ce qui pose le problème de la corrélation entre l’identification et l’authentification ;
- lorsque le système garanti la cohérence de la carte électorale, c’est-à-dire de la géographie des lieux et bureaux de vote ;
- lorsque les procédures mises en œuvre dans les différentes phases de la chaîne de révision des listes électorales, garantissent un processus égalitaire à tous les citoyens, sans discrimination aucune sur la base d’une appartenance ethnique, religieuse ou encore politique.
S’agissant de la revendication formulée par l’opposition à disposer du fichier électoral, les dispositions du Code électoral sont limpides comme l’eau de roche. L’article L.11, alinéa 7 dit : « veiller à ce que la liste des électeurs par bureau de vote, soit remise quinze (15) jours au moins avant la date du scrutin aux candidats et aux listes de candidats sur support électronique et en version papier ». Nous allons à une élection présidentielle, et à l’heure actuelle, il n y a pas encore de candidats à la présidentielle, il n y a que des candidats à la candidature. C’est quand le Conseil constitutionnel validera les candidatures que l’on connaitra en définitive les candidats retenus pour briguer les suffrages des Sénégalais.
EN CONCLUSION.
L ’opposition doit savoir raison garder. Elle doit en vouloir à elle-même si elle est incapable de s’unir. Elle doit en vouloir à elle-même puisqu’elle a délibérément choisi de tourner le dos à tous les cadres de concertation sur le processus électoral et à refuser la main tendue du Président Macky SALL pour un dialogue républicain et patriotique. Les graines semées par le leader de la coalition Bennoo Book Yaakaar (BBY) dans les sillons profonds du terreau national, sont si fertiles, qu’elles sont en train de germer à une vitesse vertigineuse, d’éclore partout dans le pays, à travers les projets et programmes du Plan Sénégal Emergent (PSE) que sont entre autres, le PUDC, le PUMA, le PRODAC, PROMOVILLES, la CMU, les BOURSES DE SECURITE FAMILIALE, la LOI D’ORIENATION SOCIALE, la CARTE D’EGALITE DES CHANCES, etc.
Ce sont précisément ces réalisations sociales de grandes envergures au profit des populations des villes et des campanes, qui font peur à l’opposition qui ne veut pas du tout croiser le fer avec le candidat de la Majorité en février 2019, parce qu’étant convaincue en son âme et conscience qu’elle sera battue par le Président Macky SALL. C’est la raison pour laquelle, elle cherche dès présent des justifications à sa défaite inéluctable, à travers les accusations fallacieuses de résultats préfabriqués par le pouvoir et de l’existence supposée de plusieurs fichiers électoraux. Mais, c’est peine perdue puisque l’intoxication des esprits ne passera, car le peuple souverain à déjà porté son choix sur le candidat de la Majorité présidentielle pour lui renouveler sa confiance, au soir du 24 février 2019.
DAKAR LE 21 NOVEMBRE 2018.
OUSMANE BADIANE CHARGE DES
ELECTIONS DE LA LIGUE DEMOCRATIQUE.
PLENIPOTENTIARE DE BBY.
Mail : ousmanebadiane1@gmail.com
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