Le sang-froid de Pape Alioune Fall, présumé meurtrier de Bineta Camara, tuée samedi dernier à Tambacounda, a suscité moult réactions sur les réseaux sociaux. En effet, quelques minutes seulement avant son interpellation, celui qui a avoué le crime, avait toujours semblé compatir à la douleur notamment sur Whatsapp et même dans la maison mortuaire qu’il ne cessait de fréquenter. Joint au téléphone, Abdoulaye Wade, psychologue-conseiller, dresse le profil psychologique de ce jeune de 33 ans qu’il qualifie de « psychopathe ».
«Si vraiment il est l’auteur du crime, on peut le considérer comme un psychopathe. Seul un psychopathe agit de la sorte. Tout ce qu’il montrait depuis le meurtre n’était pas sa vraie personne. Il portait un masque qui, tôt ou tard, allait tomber avec le temps », dit le psychologue-conseiller au Centre académique de l’orientation scolaire et professionnelle (Caosp) de Kaolack.
Il ajoute : «Les psychopathes possèdent un répertoire de techniques de manipulation particulièrement riche. Ils mentent avec un aplomb déconcertant, ils ont recours à des expressions-cadenas pour vous obliger à penser comme eux. Le psychopathe n’a pas vraiment d’identité propre, alors il s’approprie la vôtre et vous la renvoie comme un miroir. C’est ce qu’on appelle “l’effet miroir” ».
Abdoulaye Wade est « sûr » que Pape Alioune Fall ne pouvait pas continuer à dissimuler son acte. « Ce n’était pas sa propre personne. Mais, il ne pouvait pas continuer à vivre comme si rien ne s’était passé. Il l’aurait manifesté », ajoute-t-il.
Commentant sur la recrudescence des cas de meurtres, ces derniers jours, Wade renseigne que « nous pouvons habiter avec des personnes gentilles et hospitalières mais en réalité qui sont de véritables psychopathes ».
« Pulsion incontrôlable »
Pour lui, tous ces actes criminels doivent être pris comme des signaux que la société envoie et qui doivent être interprétés.
« Aujourd’hui, les Sénégalais sont de plus ou plus violents, ils tuent, ils violent, ils égorgent. Cela veut dire que quelque part, il y a un dysfonctionnement dans la société mais également au niveau des individus », fait constater le psychologue-conseiller soulignant que «la violence n’est pas une spécificité sénégalaise, elle est le propre de toutes les sociétés du monde. Elle est le produit de la libération des pulsions naturelles, et les instincts de mort non contrôlés, présents en chacun de nous ».
« Mieux, poursuit le psychologue, dans nos sociétés, nous habitons avec des personnes qui sont aussi malades et qui, parfois, expriment le besoin d’aide mais malheureusement l’entourage ne les écoute pas jusqu’à ce que l’irréparable se produit ».
A l’en croire, ces personnes agissent sous la pression d’une « pulsion incontrôlable ». Car, explique-t-il, «souvent, la personne, quand elle agit, sait en son for intérieur qu’elle ne doit pas faire ce qu’elle a envie ou en train de faire mais elle le fait quand même pour soulager une tension psychique qui s’accumule en lui ».
Toutefois, Wade conseille à éviter une situation de panique généralisée dans les familles en installant un climat de confiance et de sécurité.
« Aujourd’hui au Sénégal chaque personne a une chance égale d’être tué. Si ce n’est pas la route, c’est la mer, ou bien les braquages armés. La panique est à éviter et ça c’est du ressort de nos forces de sécurité qui abattent un excellent travail dans ce sens et il faut les outiller davantage et collaborer avec elles », lance-t-il.