Affaire Mamour Diallo : Le silence du procureur…

Vu le jeu de ping-pong auquel est en train de se livrer le député Ousmane Sonko et la commission d’enquête parlementaire dans l’affaire Mamour Diallo, il est à craindre que ce dossier ne soit finalement enterré pour de bon. Ce qui ne serait rien d’autre qu’une offense de plus infligée au peuple.

Et ce qui est le plus révoltant dans cette situation, c’est le silence troublant du procureur de la République. Le maître des poursuites qui avait pourtant été saisi d’une plainte par Ousmane Sonko pour élucider cette affaire, n’a, à ce jour, pas réagi, laissant les députés se saisir de ce dossier pour finalement passer Mamour Diallo à la blanchisserie ; et ce, en violation flagrante de la loi.

Ce qui, sans nul doute, participe à la banalisation des institutions. Qu’attend le ministre de la Justice pour réagir, lui qui disait tantôt que «L’État, la Justice, n’autorisera plus quiconque, quel que soit son statut, de fouler au pied, par ses paroles ou par ses activités, les fondamentaux de la République ; de fouler au pied les institutions… » ? Ce qui est plus grave et inadmissible dans cette affaire, c’est le fait que ce sont des députés censés voter les lois qui les violent.

En décidant de blanchir Mamour Diallo, alors qu’elle n’a aucune prérogative juridictionnelle, la commission a outrepassé ses droits. Et aujourd’hui, tous les juristes s’accordent à dire que la commission d’enquête parlementaire a violé la loi. «La commission parlementaire devait remettre son rapport au président de l’Assemblée nationale. C’est ce dernier qui convoque ensuite une session extraordinaire, pour commenter et discuter de ce rapport. La commission ne doit pas publier le rapport. C’est une violation de l’article 48 du règlement intérieur de l’Assemblée», déclare le pénaliste Ousseynou Samba.

Même son de cloche pour l’avocat Me Babou, qui estime que «la Commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale a commis un délit en déclarant qu’un des protagonistes a été blanchi par l’enquête». Mieux, poursuit-il, «ils ont enfreint l’article 363 du code pénal parce qu’ils sont tenus au secret professionnel du règlement intérieur alors qu’ils avaient juré de remplir leur mission». Me Assane Dioma Ndiaye est du même avis que ses collègues juristes. Rappelant le rôle même d’une commission parlementaire, l’avocat d’informer : «La commission n’a pas pour vocation de juger, de dire que tel a détourné ou pas. Une commission parlementaire,  elle est d’essence démocratique, c’est comment éclairer d’abord les citoyens, faire des recommandations et dire “attention ! Ce qui s’est passé, c’est ça ! À l’avenir, il faut éviter ça”. Mais elle n’a aucune prérogative juridictionnelle».

Ce qui est grave, aujourd’hui, dans l’affaire Mamour Diallo, c’est le fait que cette commission parlementaire, au lieu d’éclaircir la lanterne des citoyens, essaie plutôt de brouiller les pistes. Malgré tout, Ousmane Sonko déclare à qui veut l’entendre, qu’il maintient ses accusations et détient par devers lui tous les documents qui prouvent ses allégations. La Justice, au lieu de mettre un holà à ce concert d’accusation et de dénégations, en diligentant ce dossier, ferme les yeux et se bouche les oreilles. Aujourd’hui, ce qui est attendu du Garde des Sceaux, c’est qu’il «assume toutes ses responsabilités» comme ce fut le cas avec l’affaire Adama Gaye. Parce que les actes posés par les députés de cette commission d’enquête  risquent  de jeter le discrédit sur l’institution parlementaire. Et le Garde des Sceaux doit réagir, lui qui menaçait tous ceux qui se hasarderaient à affaiblir les institutions, parce que, dit-il, «des institutions faibles, des institutions banalisées, ouvrent la voie à la déstabilisation.», dixit.

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