AFFAIRE OUMAR DIAWARA VS CÔTE D’IVOIRE : Nouveaux rebondissements

Détenteur de la formule exécutoire signée par le greffier en chef de la cour de justice de la CEDEA ,le 4 février 2022, l’homme d’affaires congolo-malien Oumar Diawara s’est lancé dans une offensive juridico-diplomatique avec pour objectif de faire exécuter la décision de justice. Entre tentatives de saisie d’actifs et batailles procédurales, voici les derniers épisodes d’un dossier à rebondissements.

L’affaire Oumar Diawara part d’une banale acquisition de terres en Côte d’Ivoire dans l’optique d’une promotion immobilière. Seulement, le volume des terres concédé à l’homme d’affaires était largement réduit par rapport au coût payé. Constatant cet écart, Oumar Diawara a mené des démarches pour que le reliquat lui soit remboursé.  D’où l’emprisonnement de la directrice générale de la BNI  Gestion, Sakandé Cissé Fatoumata, pour malversations au détriment de Oumar Diawara. Comme relaté par Financial Afrik, la directrice de la filiale de BNI ne sera élargie qu’après versement d’une caution de 100 millions de FCFA. Un paiement qui a permis à cette importante partie au dossier de bénéficier d’une liberté provisoire pour se retrouver ensuite aux États-Unis où elle vit jusqu’à ce jour dans une discrétion quasi monastique.

L’Etat ivoirien, reconnaissant cette faute, avait dans un premier temps entrepris des démarches pour transiger avec Oumar Diawara, ce qui signifie que le problème était presque résolu, puisque la transaction en droit civil éteint tout litige existant et prévient tout litige à naître en ayant autorité de la chose jugée entre les parties. Alors que M. Diawara attendait la signature de l’acte transactionnel et s’était momentanément déplacé de la Côte d’Ivoire, il a été surpris de l’ouverture contre lui au niveau de l’instruction préparatoire par le juge de la 5ème chambre, d’une procédure sous le couvert  de complicité d’abus des biens sociaux et de blanchiment des capitaux. Aussi, avant même d’être entendu c’est-à-dire inculpé en première comparution, Madame le juge en charge du dossier avait déjà pris des décisions plaçant les biens de ce dernier sous séquestre, décernant un mandat d’arrêt à son encontre et gelant ses avoirs personnels, entre autres mesures.

Vu ce que son conseil a qualifié de “partialité nettement affichée et de  violation des principes élémentaires de l’instruction préparatoire”, Oumar  Diawara a saisi la Cour suprême d’Abidjan pour obtenir le dessaisissement du juge d’instruction.

Dans la foulée, un arrêt rendu en plénière avait dessaisi le juge, lequel a refusé de remettre le dossier à son collègue désigné. Par une alchimie judiciaire encore inexpliquée, le juge récalcitrant a obtenu une ordonnance de la cour suprême lui permettant de poursuivre l’instruction. Ce qui revient à tordre le cou à la justice ivoirienne puisque ce n’est que sur la base d’un arrêt rendu en formation collégiale et en chambre réunie que ceci pouvait se faire après rétractation de l’arrêt qui l’avait dessaisie antérieurement.

“Toutes ces violations des droits et libertés fondamentaux de Monsieur Diawara a conduit le juge d’instruction sans contrôle, à violer  ses propres compétences  en statuant dans le fond, ce qui n’existe dans aucune législation au monde”, fulmine  l’avocat de Monsieur Diawara.

En effet, le juge d’instruction, statuant à la place du juge de fond et avant même un renvoi devant le tribunal correctionnel, a restitué les biens de Monsieur Oumar Diawara à l’Etat Ivoirien, lequel a commencé à faire usage desdites propriétés sans attendre une décision définitive, c’est -à-dire après jugement et épuisement de toutes les voies de recours. 

Pour parer à cette injustice, Monsieur Diawara  a pris le soin de saisir la Cour d’Appel et notamment la chambre d’accusation ou la chambre d’instruction du second degré pour obtenir l’annulation de cette procédure. Malheureusement, le dossier n’a jamais été transmis à la cour d’appel faisant ainsi obstacle aux voies de recours au niveau interne.

“C’est donc en raison de ces abus à répétions des droits de Monsieur Diawara, que la Cour de Justice de la CEDEAO a été régulièrement saisie par ce dernier”, explique son conseil.

Cette saisine a été notifiée à l’Etat Ivoirien qui, selon nos sources,  n’a pas déposé son mémoire dans les délais. Etant forclos, la CEDEAO, jouant la largesse, a tout de même accepté de recevoir les  observations de l’Etat ivoirien en défense.

La CEDEAO a tranché  au profit de Monsieur Diawara. La décision de la Cour commune de Justice annule  toutes les décisions des juridictions nationales ivoiriennes dans le cadre de cette affaire.

Notifié, l’Etat Ivoirien disposait de trois (3) mois pour s’y opposer. A contrario, l’Etat devait prendre toutes les mesures nécessaires pour payer les causes de la condamnation et rétablir Monsieur Diawara dans ses droits. L’Etat Ivoirien n’a pas réagi dans les délais impartis et donc ne s’y est pas opposé et a volontairement accepté ce jugement, ce qui a permis au greffier en chef de la justice communautaire d’apposer la formule exécutoire sur ce jugement, qui non seulement était définitif mais aussi avait acquis autorité de la chose jugée dans l’espace de la CEDEAO. Les Etats membres sont tenus dès lors à en faciliter l’exécution.

Batailles judiciaires autour des saisies

Cette situation explique la saisie régulière de l’aéronef de la compagnie Air Côte d’Ivoire à Bamako au Mali, dont l’Etat Ivoirien détient 57% des parts. La Côte d’Ivoire qui a dénoué cette saisie en se basant sur les rouages diplomatiques et politiques et en exerçant une pression sur l’Etat malien a également violé la loi, puisqu’en cas de mesure conservatoire, elle devait saisir le juge des référés compétent pour en solliciter la main levée dans un procès contradictoire, afin de permettre à Monsieur Diawara de produire ses arguments en défense.

Surpris, touché dans son orgueil à travers cette procédure régulière et normale qui se fait partout dans le monde, l’Etat Ivoirien, agissant en représailles, a accéléré la pression sur le juge d’instruction  dont les actes ont été déclarés nuls par la CEDEAO, à prendre une ordonnance  renvoyant Monsieur Diawara devant un tribunal correctionnel pour répondre des chefs de complicité de blanchiment des capitaux, d’abus des biens  sociaux et autres infractions alors que l’auteur  principal n’a jamais été connu, ni renvoyé devant le tribunal correctionnel. La complicité n’étant qu’une infraction d’emprunt, le complice ne peut être jugé que si l’auteur principal a été également jugé. Or l’Etat Ivoirien est passé outre ce principe en violant son propre code de procédure en la matière. Devant le tribunal correctionnel qui avait mal cité   Monsieur Diawara à comparaitre, les avocats de ce dernier avaient soulevé une exception préjudicielle visant à faire observer l’existence du jugement de la CEDEAO et la violation de certaines règles de procédure.

Cependant, les magistrats ivoiriens ont refusé volontairement la parole auxdits conseils et ont refusé de répondre aux exceptions soulevées. Seuls ont eu droit à la parole les avocats de l’Etat Ivoirien et le Ministère Public dans un procès expéditif d’une durée de trois (3) heures, ayant conduit à la condamnation de Monsieur OUMAR DIAWARA à 20 ans de prison ferme, à une amende de 75.000.000.000 FCFA, à la confiscation de ses biens personnels, à l’interdiction de séjour en Côte d’Ivoire etc…”Cette condamnation à des peines criminelles dans une audience correctionnelle prouvait ainsi l’instrumentalisation de la justice par l’Etat Ivoirien” commente-t-on dans l’entourage de Diawara. Pour preuve, l’homme d’affaires a aussitôt fait  appel de cette décision mais le dossier n’a jamais été transmis à la Cour d’Appel. C’est pourquoi, il est reparti à nouveau devant le juge de la CEDEAO pour faire observer la persistance des violations ou des abus postérieurement au jugement communautaire rendu.   Cette affaire est encore pendante et l’Etat Ivoirien a encore réagi hors délai en forçant le juge communautaire à accepter  ses observations en défense.

La meilleure dans cette affaire, explique un spécialiste du droit, est  que “l’Etat Ivoirien se serait  fourvoyé  et ne pourra disposer d’aucune chance devant le juge communautaire parce qu’après la condamnation de Monsieur Diawara tel que spécifiée plus haut, l’auteur principal ainsi qu’il ressort de l’extrait du plumitif du 11 février 2022, a bénéficié d’un non-lieu  du juge d’instruction qui a annulé toutes les pièces de procédure et a mis à néant les décisions prises contre lui. Ceci implique que si l’auteur n’a rien fait pourquoi le complice serait-il condamné ?”

 

Cette affirmation justifie de plus en plus les manœuvres employées par l’Etat Ivoirien pour déposséder Diawara de ses biens.

“Etant détenteur de l’arrêt de la CEDEAO,  Diawara est en droit d’en poursuivre l’exécution”, rappelle le conseil de l’homme d’affaires congolo-malien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il a entamé d’une part, par voie légale une procédure en France et dans d’autres pays pour exequaturer cette décision et poursuivre cette exécution conformément à la loi.

D’autre part, se fondant sur les dispositions de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, Monsieur Dawara a saisi les comptes de l’Etat Ivoirien par la procédure de saisie attribution de créances auprès de la BCEAO à Dakar au Sénégal, pour avoir sûreté et paiement de sa créance consacré dans le titre exécutoire de la CEDEAO.

Ainsi la BCEAO en sa qualité de tiers saisi, avait l’obligation   de déclarer l’étendue de son obligation envers l’Etat de Côte d’Ivoire pour éviter de faire engager sa responsabilité personnelle devant la Cour de Justice de l’UEMOA qui au regard des immunités de cette banque, est seule compétente pour assurer le contrôle juridictionnel sur ses organes et ses membres ou les condamner pour des dommages causés à autrui.  Là encore, de l’avis des avocats de Diawara, l’Etat Ivoirien tire les ficelles de partout, la BCEAO est restée muette au point de faire engager sa responsabilité personnelle ainsi qu’il ressort de l’article 156 de cet acte uniforme qui dispose : « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives. Ces déclarations et communications doivent être faites sur le champ à l’huissier ou à l’agent d’exécution et mentionnées dans l’acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l’acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts ».

“Cette saisie dénoncée à l’Etat Ivoirien à travers sa représentation diplomatique à Dakar et dans les formes requises par la loi, permet donc à Monsieur Diawara qui entend le faire à saisir la Cour de Justice de l’UEMOA pour obtenir la condamnation de la BCEAO aux causes de la saisie et aux dommages intérêts pour son attitude et ses agissements de nature à faire obstacle/obstruction à la saisie ou permettre à l’Etat ivoirien d’organiser son insolvabilité ou vider ses comptes”, poursuit-on dans l’entourage de Diawara.

Etant conscient que la BCEAO jouit de l’immunité de juridiction devant les juridictions nationales et ne peut être que traînée devant l’UEMOA, Monsieur Diawara se dit prêt à affronter tous les obstacles pour que justice soit rendue.

Nous avons tenté en vain de rentrer en contact avec le ministre de la justice de l’Etat de Côte d’Ivoire.  Nos  sollicitations se sont avérées vaines. Selon nos  informations, une réunion de 7h s’est tenue le 23 février au tour du pôle financier, de la présidence et des experts du ministère de la justice pour préparer le dépôt des mémoires à la cour de justice de la CEDEAO. Celle-ci a sommé la Côte d’Ivoire en date du 4 février de s’exécuter à travers la formule exécutoire adressée par son greffier en chef au ministre de la justice Ivoirien.

Cette affaire à rebondissements est loin de son épilogue.

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