L’oisiveté est mère de tous les vices. À Ranérou, certains jeunes, à force de ne rien faire, s’adonnent à l’alcoolisme. Et de quelle manière! Leur boisson prisée est le «boul faalé», un parfum de 90° qui inonde les loumas de Ranérou qu’ils absorbent. Une fois ivres, bonjour les dégâts. Les bagarres ne manquent pas. Et elles sont suivies d’homicides ou de graves blessures. Et c’est l’oisiveté qui est tenue par certains pères de famille comme responsable de cette situation désolante. Aveu d’impuissance ? «Un jeune oisif ne peut pas résister à toutes les tentations», nous dit-on.
Le préfet du département dénonce l’usage fait de ce parfum et qui fait des ravages chez les jeunes. «C’est un alcool à 90°, mais sur le plan sanitaire, il a des conséquences néfastes notamment sur la santé mentale», note Amadoune Diop. Le phénomène du «boul faalé», dit-il, est très répandu dans le département, notamment dans la commune de Louguéré Thiolly. «C’est la cause de beaucoup de conflits et d’insécurité parce quand on est ivre, on est capable de faire des atrocités», note-t-il. Pis, regrette-t-il, «il arrive de voir des parents acheter ce produit pour leurs enfants pour les amener à être encore plus courageux». De l’avis du préfet, seul l’argumentaire médical peut aider les populations, surtout les jeunes, à abandonner l’usage de cette «boisson» néfaste à leur santé.
Pour Adama Ba, le «boul faalé» est une réalité dans le département mais, se défend-t-il, «les jeunes qui usent de cette boisson viennent de Louguéré Thioly, Vélingara et autres localités». Selon lui, «Ranérou a une jeunesse saine dont le seul souci est d’aller de l’avant». Bocar Diallo, président du Cdj, soutient que la donne a complètement changé par rapport aux années 2007-2008. «Les jeunes abusaient dangereusement de cet alcool, mais depuis il y a eu quelques changements avec notamment la présence de la gendarmerie qui a pris des mesures pour limiter les dégâts».
Les efforts du préfet en ce sens sont salués par le directeur du Cdeps. «Il en a fait son cheval de bataille et essaie d’éradiquer l’utilisation du «boul faalé». Lors de ses tournées dans le département, il ne parle que de ça», indique Mamadou Diallo.
Le préfet Amadoune Diop assure que des séances de sensibilisation ont été menées sur les méfaits du «boul faalé» et aux catastrophes qu’il représente au sein de la société. «L’action fondamentale, c’est de lutter contre ce produit nocif, eu égard aux conséquences qu’il engendre. Si l’enfant est malade, tous les biens de la famille sont mobilisés pour le soigner et ce sont les femmes les principales perdantes dans cette affaire parce que ce sont elles qui s’occupent des familles», note le préfet.
Des mesures sont prises pour contrecarrer l’usage de ce produit, selon le préfet, avec notamment une surveillance accrue dans les différents marchés hebdomadaires du département. «La gendarmerie a déjà mené une grande opération dans le département. Il y a eu des arrestations et d’importantes quantités de «boul faalé» ont été saisies». Pour lui, c’est par la sensibilisation que la tendance pourra être inversée. Dans le cadre du renforcement de la sécurité de la zone, ajoute le préfet, une compagnie de gendarmerie sera installée à Ranérou, avec des postes à Louguéré Thioly, Vélingara, Salalatou. Ce qui permettra, à son avis, de renforcer le maillage et permettre une meilleure sécurisation contre la délinquance dans le département. «Une partie de Ranérou est frontalière avec Koumpétoum, dans la région de Tambacounda. C’est une zone qui fait souvent l’objet de braquages. Nous allons aussi sécuriser les “loumas” (marchés hebdomadaires), le territoire et toute la zone», soutient le préfet Amadoune Diop.
L’Etat et les collectivités locales pointés du doigt
Les autorités locales et l’Etat sont pointés du doigt pour avoir négligé des années durant l’aspect loisirs, laissant ainsi la jeunesse livrée à elle-même. De l’avis de Coumba Diallo, les autorités sont incapables de répondre aux attentes des jeunes en matière de loisirs et d’activités distractives. Et pourtant, dit-elle, ces espaces auraient permis aux jeunes de se détendre, mais aussi d’assurer une stabilité sociale en luttant contre l’oisiveté qui est la mère de tous les vices. «Le ministère de la Jeunesse, celui des Sports et aussi de la Culture sont censés mettre en place une politique dans ce sens pour permettre à notre jeunesse de s’épanouir comme tous les jeunes du pays, mais je ne crois pas qu’ils puissent localiser Ranérou sur la carte du Sénégal», se désole cette élève.
Pour Bocar Diallo, les collectivités locales ont leur part de responsabilité dans cette oisiveté des jeunes. «Depuis l’érection de Ranérou en département en 2002, aucun investissement pour la jeunesse n’a été noté. On n’a eu que des promesses à la place. Les autorités promettent qu’elles vont accompagner la jeunesse, mais elles n’accordent aucun moyen aux jeunes. Elles n’ont pas de politique de jeunesse». Cette situation freine, à son avis, l’épanouissement des jeunes qui n’ont d’autre choix que de prendre leur mal en patience.
Le directeur du Cdeps estime pour sa part que c’est à l’État d’aider la population en mettant en place des infrastructures. «Le ministère de la Jeunesse sait ce qui se passe ici. Pendant les vacances citoyennes, il vient à Ranérou. Alioune Sow et Mamadou Lamine Kéïta sont tous venus ici. C’est peut-être l’actuel ministre (Mame Mbaye Niang) qui n’est jamais venu à Ranérou, mais avant lui, tous les ministres sont venus et à chaque fois ce sont les mêmes problèmes que les jeunes posent : celui de l’emploi». Toutefois, note-t-il, le Cdeps organise, en partenariat avec les collectivités locales, des sessions de formation à l’intention des jeunes. «Nous les avons formés sur la gestion administrative des associations, les règlements généraux des “navétanes”, l’arbitrage, etc. Avant, les terrains de football étaient de véritables champs de bataille avec des violences inouïes. Après toutes ces formations, un changement de comportement a été noté. Avec la mise en place du Conseil départemental de la jeunesse, les jeunes ont commencé à prendre conscience de beaucoup de choses», explique-t-il.
Le Cdeps, indique-t-il, sensibilise aussi les jeunes à travers l’Odcav et le Conseil départemental de la jeunesse ; deux structures qui fédèrent toutes les associations à Ranérou.
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