Ministre de la Microfinance et de l’économie sociale et solidaire, et responsable à l’Alliance pour la République (Apr), Zahra Iyane Thiam revient de long en large sur des sujets qui sont au cœur du débat national. Dans cet entretien, elle revient sur l’affaire Aliou Sall, la gestion du pétrole et du gaz, les tensions de trésorerie. Mais aussi, sur le dialogue politique et la microfinance. Entretien !
Par Abdoulaye MBOW
Quelle est votre appréciation suite à la démission jugée populiste d’Aliou Sall de la direction générale de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) ?
C’est d’abord une question de gouvernance qui m’intéresse en demandant quelle est la posture de l’État face à la gouvernance pétrolière et gazière, pour ne pas dire de nos ressources naturelles de manière générale. À ce niveau, il faut dire qu’il y a un dispositif qui est mis en place par l’État que tous les Sénégalais peuvent apprécier. Ce qui nous permettra de savoir si le dispositif mis en place répond aux normes internationales, répond au contexte national, aux attentes. Ce qui est sûr, il y a des mécanismes qui existent comme l’Itie, qui nous permet d’assurer la transparence dans la gestion sur toute la chaîne de valeur. Il y a aussi l’Institut national du pétrole et du gaz, qui nous permet d’avoir, sur la chaîne du métier du pétrole, des ingénieurs de haut niveau bien formés. Il ne faut également oublier la loi sur le contenu local qui peut, sur toute la chaîne des activités parapétrolières, permettre l’implication effective du secteur privé, sans oublier la bonne place des générations futures. Tout ceci, pour dire qu’il y a tout un dispositif d’encadrement de nos ressources, sans oublier le nouveau Code pétrolier. Donc, mon appréciation se fait à ce niveau, tout en rappelant qu’il nous faut toujours essayer de renforcer ces dispositifs. Pour en revenir aux questions subsidiaires comme le reportage de la Bbc, il faut signaler qu’il y a toute une interprétation politicienne, avec des opposants qui veulent se refaire une santé, après que le peuple se soit prononcé. Maintenant, la coalition Benno bokk yakaar est là pour apporter également des réponses politiques.
Justement, en ce qui concerne votre coalition, ne peut-on pas dire qu’il y a eu trop d’erreurs communicationnelles commises ?
Je dois d’emblée dire que la justice a ses réalités. Il faut d’ailleurs saluer la saisine du Procureur. Maintenant, s’il nous faut revenir sur la question politique, il faut surtout noter que nous sommes dans une démocratie. Donc, chaque structure et chaque citoyen a le droit de donner son point de vue sur une question précise, surtout lorsqu’il s’agit d’un débat national qui interpelle tout le monde. Mais, ce qui demeure constant, est que la coalition Benno bokk yakaar, bien structurée, sait saisir la bonne opportunité pour effectuer ses sorties. Donc, il y a bel et bien des instances habilitées à parler pour prendre une position.
Faut-il croire en cette justice après la sortie tant décriée du Procureur de la République ?
Le Sénégal n’est pas né hier. C’est un pays qui a des décennies de vie démocratique qui nous ont permis aujourd’hui, d’être à la station où nous sommes. Autrement dit, une démocratie enviée, forte, avec des alternances démocratiques. C’est dans ce pays qu’il y a eu, à travers les Chambres africaines, le jugement d’un ancien président d’un autre pays africain. Donc, c’est pour dire que nous avons des institutions fortes et une justice crédible. De tels acquis ne doivent pas être dilués dans des considérations d’opposants politiques qui n’ont même pas pu passer l’étape des parrainages. Ce ne sont pas ces gens-là qui vont décrédibiliser notre justice et d’autres de nos institutions qui se fortifient toutes les années. Je pense bien que nous avons une justice qui fait ses preuves. Il faut accepter que le temps de la justice n’est pas le temps des hommes. En plus de cela, le déroulement de la justice ne peut se faire sur la base de désirs, mais plutôt de faits. Tout ce que nous pouvons demander, est que la justice s’exerce en toute impartialité.
L’ensemble de ces faits ne peuvent-il pas saper l’esprit du dialogue national lancé par le Président Macky Sall ?
À ce propos, chacun prendra ses responsabilités et l’histoire retiendra. Nous arrivons à un tournant décisif pour l’ensemble des acteurs. Le Président Macky Sall, après avoir été élu et bien élu, a jugé nécessaire et dans une situation de non crise. La seule donne qui est nouvelle, nous passons de pays non pétrolier à pays pétrolier et gazier. Et, il est certain que ces nouvelles ressources vont profiter aux Sénégalais, compte tenu de nos orientations stratégiques qui prennent en compte tout cela. Et, s’il est vrai que des États n’ont pas d’amis, il est aussi vrai qu’il y a des multinationales qui n’ont que des intérêts. Donc, à charge pour les citoyens, au-delà des acteurs pris individuellement, à prendre leurs responsabilités. Ceci, pour dire que toutes les personnes qui cherchent à saborder le dialogue n’y parviendront pas. La personnalité consensuelle qui préside aux destinées de ce dialogue est acceptée par l’ensemble des acteurs. Donc, nous en appelons à plus de responsabilités, pour pouvoir débattre de questions d’intérêt national qui interpellent tous les Sénégalais et l’avenir de notre pays. Nous devons nous retrouver sur des consensus forts autour de l’exploitation de nos ressources comme le pétrole et le gaz. Donc, encore une fois, la responsabilité de tous les acteurs est interpellée sur la posture à adopter à propos du dialogue national. Tout de même, je reste confiante par rapport à son issue, surtout que nous allons y aborder beaucoup de questions qui concernent la marche du pays dans toutes ses composantes.
Mais, est-ce que le Président Macky Sall a adopté la bonne démarche économique pour son pays ?
D’abord, je ne pense pas que l’on puisse parler de tension de trésorerie dans ce pays, avec tous les secteurs prioritaires où intervient l’État. Il ne faut pas oublier la subvention par l’État de plusieurs secteurs pour leur permettre d’être à jour et de suivre l’activité économique. Il faut avoir des équilibres et c’est ce qui est nécessaire. En ce qui concerne les normes, nous sommes dans les limites du normal, surtout par rapport à la dette. Il arrive, dans certains cas et par rapport au contexte international, de mieux verser dans les normes, de se réorganiser… Mais tout cela ne signifie pas qu’il y a des tensions budgétaires dans le pays.
Est-ce qu’il y a véritablement de bonnes perspectives économiques pour ce quinquennat ?
Bien entendu ! Il faut faire des choix par rapport à vos ambitions. À ce propos, nous avons le Plan Sénégal émergent (Pse) comme référentiel. N’oublions pas que c’est l’ancien président qui disait en 2012, qu’au bout de deux mois, aucun salaire ne pourra être payé. Et je rappelle, qu’à cette date, il n’y avait rien de prévu pour la campagne agricole. Donc, par rapport à tout cela, le Président Macky Sall avait fait de bons choix et de bonnes orientations. Tous ces choix ont connu des décisions qui sont allées dans le sens d’une stabilisation bien constatée. Aujourd’hui, nous changeons de statut et il nous faut donc atteindre d’autres paliers avec des ambitions contenues dans le champ d’actions prioritaires.
Et avec ce niveau élevé de la dette, ne risquons-nous pas de revivre d’autres plans d’ajustement structurel ?
À mon avis, c’est une analyse superficielle de la réalité. Tout le monde ne peut pas avoir des partenariats qui permettent de mettre en œuvre vos ambitions économiques. Nous avons été au Groupe consultatif de Paris par deux fois et nous avons tous constaté la diversification des partenaires, sans oublier l’environnement des affaires mis en place pour attirer les investisseurs. Pour cela, il faut être crédible, avoir une politique transparente et claire, tout en se donnant les moyens de respecter ses engagements. À ce niveau, le Sénégal fait ce qu’il doit faire.
Par ailleurs, dans le secteur de la microfinance, quelles propositions nouvelles faites-vous aux Sénégalais ?
Comme, vous le savez, le secteur de la microfinance est associée à ce que l’on appelle l’économie solidaire, qui est un modèle de développement entrepreneurial. C’est vraiment dans le cadre de notre politique d’inclusion financière qui est de chercher à savoir comment avoir un plus grand nombre, une majorité de personnes qui contribuent effectivement à l’augmentation de la valeur nationale. Nous estimons qu’il y a un modèle de développement qui se nomme économie sociale solidaire qu’il faut structurer, qu’il faut qualifier, réglementer avec une situation de référence qui nous permettra de voir, avec quels leviers de la microfinance, comment les gens participent à la contribution de valeur. Cela passe maintenant par le renforcement des chaînes de valeur, des filières. L’économie solidaire, faut-il le rappeler, est un champ transversal. Il y a des acteurs qui sont dans l’agriculture, l’élevage, le tourisme, l’énergie, entre autres. Donc, il est impératif de voir comment, chacun dans son secteur, peut apporter une contribution économique avec des incidences sociales. Nous irons donc à la rencontre des populations, pour partager avec elles les instruments que nous avons présentement et recueillir leur expertise, leurs bonnes pratiques qui nous permettront, sur la base de nouvelles générations de programmes avec de nouveaux partenaires techniques et financiers que nous avons, de booster ce secteur qui fait partie des initiatives nationales du président de la République dont il place beaucoup d’espoir pour l’inclusion des femmes, des jeunes et pour le renforcement des acteurs de manière générale.
Cela permettra-t-il de réduire le taux de chômage et de la pauvreté ?
C’est l’objectif visé qui pourra même participer à la réduction de l’exode rural. Dans le cadre des objectifs du ministère, c’est de tout faire pour encourager les différents acteurs par rapport à leur secteur d’activité, renforcer les activités de la microfinance. Nous avons de grandes institutions, mais aussi des initiatives locales. Il nous faut équilibrer la carte d’actions du ministère pour avoir les possibilités de financement à Dakar, Thiès, Ziguinchor, mais aussi dans les coins les plus reculés pour pouvoir encadrer les initiatives afin de pouvoir mieux encadrer, pour justement subvenir aux préoccupations des concernés. Tout cela permettra de mieux les accompagner et d’avoir les résultats escomptés. Nous sommes une institution de la République et travaillerons avec tout le monde. L’ambition du Président de la République est d’avoir toutes les compétences et les mettre à contribution, puisque le développement n’a pas de couleur. Tout se fera donc de manière participative, inclusive et transparente.