Avec la fin de l’opération Barkhane, Seneweb fait la revue des troupes françaises en Afrique : effectifs, opérations, non-dits et conséquences sur le continent. Décryptage.
La France a donc décidé de mettre un terme à l’opération Barkhane au Mali. Même si le retrait sera progressif et que le relais sera pris par la force des Nations Unies, cela marque un tournant et pose beaucoup de questions. Pour l’instant, la décision semble être plus liée à la position des tenants actuels du pouvoir, le colonel Assimi Goïta, accusé d’être un pro-russe.
Seneweb prend prétexte de ce retrait pour jeter un coup d’œil sur la présence militaire de la France en Afrique. A l’heure actuelle, la France dispose de 4 bases militaires permanentes dans le continent noir. Une base dite ‘’opérationnelle et logistique’’ à Dakar, à l’extrême ouest, pour un effectif de 350 soldats. Une autre base navale à l’extrême est, à Djibouti. C’est le plus important déploiement composé de 1450 soldats. Il y a également celle d’Abidjan qui compte 900 soldats, et enfin celle de Libreville avec 350 soldats. Au total, il y a donc plus de 3 000 soldats français positionnés en permanence en Afrique.
Mais en réalité, l’effectif total dépasse de loin ce chiffre. La France a positionné ses troupes un peu partout en Afrique, en dehors de la partie Nord et du Sud du continent. Mali, Tchad, Burkina Faso, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine sont autant de pays qui abritent des contingents français. Rien que la force Barkhane au Sahel compte 4 500 soldats.
D’ailleurs, bien avant que le Sahel ne soit le terreau fertile des Jihadistes, la France est toujours intervenue en Afrique, avec des prétextes différents. En 2011, ce sont les militaires français, sous couvert d’un mandat de l’Onu, qui ont facilité l’assassinat de Mouammar Kadhafi. L’argument de la France était qu’il fallait empêcher au Guide de la révolution libyenne de continuer à tuer son peuple.
“L’objectif n’est pas de tuer Kadhafi, l’objectif est de faire en sorte que les Libyens eux-mêmes puissent s’en débarrasser”, déclarait le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, après la mort d’un fils de Kadhafi. On connaît la suite !
En plus, Alain Juppé lui-même avait déclaré en août 2011 que l’intervention de la France en Libye est « un investissement sur l’avenir ». En Septembre 2011, le quotidien français Libération publie un document dans lequel les rebelles libyens (Conseil national de transition) s’engagent à accorder 35% du pétrole brut du pays à la France en échange de la reconnaissance et du soutien de Paris.
Quelques semaines avant la Libye, c’était la Côte d’Ivoire, en avril 2011. L’argument était presque le même, arrêter la violence. Après l’élection présidentielle de 2010, des tueries ont éclaté entre pro Gbagbo et pro Ouattara. Les soldats français de la force Licorn, censés maintenir la paix en Côte d’Ivoire, ont lancé un assaut contre la garde présidentielle de Laurent Gbagbo pour déloger celui-ci du palais afin d’installer Alassane Ouattara.
En 2013, l’ancienne puissance coloniale a envoyé son armée en République Centrafricaine sous l’opération Artemis. Le prétexte était de mettre fin aux affrontements intercommunautaires entre ex-Séléka et Anti-balakas. Cette opération était la 7ème intervention militaire de la France dans le pays depuis 1960.
La dernière intervention a eu lieu au Tchad en février 2019 pour stopper les rebelles qui voulaient prendre N’Diaména qui se trouve être aussi le quartier général de l’opération Barkhane destinée à combattre le terrorisme dans le Sahel.
« La situation au Tchad, au Mali, ce qui s’est en Libye montrent bien que les agissements de la France continuent », souligne le géopolitologue Aziz Salmone Fall, invité sur Iradio le dimanche 13 juin 2021.
Aujourd’hui, la guerre contre le terrorisme est devenue le justificatif idéal pour Paris dans ses interventions en Afrique. « Ça peut paraître conspirationniste, dit-il, mais il y a toujours un agenda », derrière les bonnes intentions.
Les pompiers pyromanes
Il se pose alors la question de savoir pourquoi cette présence militaire de la France en Afrique et ses nombreuses interventions. La réponse est claire : aider certains présidents, assassinés les uns, déloger les autres, aider les rebelles favorables à Paris… Le tout sur un fond économique.
Selon le géo-politologue, c’est parce que Paris a compris qu’il n’a plus la maîtrise sur le champ économique, qu’il cherche à se positionner sur le terrain sécuritaire. « Cela permet une occupation du terrain qu’elles ne peuvent plus régenter sur le plan économique. Les croissances de ces pays ne permettent pas de garder le système de dépendance, puisqu’elles (les puissances occidentales) sont en rivalité avec la Chine, l’Inde… Par contre, au niveau géopolitique, nous ne pouvons pas nous défendre. Et à ce moment, nous devenons immédiatement dépendants des parrains incontournables», analyse Aziz Salmone Fall.
Cette « responsabilité lourde et accablante » de la France sur le continent fait que Paris est aujourd’hui vue plus comme un problème qu’une solution. Même s’il peut y avoir parfois quelques moments d’euphorie comme la visite de Hollande au Mali, son successeur Macron est très vite rattrapé par la réalité, au point d’être agacé par les critiques.
L’Afrique sans la France serait-elle moins stable ? « Je me méfie toujours des pompiers pyromanes », semble répondre le géopolitologue, Aziz Salmon Fall.