Les auditions de témoins à la Dic pour élucider le scandale Petrotim ne sont rien d’autre qu’une opération de brouillage et les populations risquent, une fois de plus, d’être les dindons d’une farce de mauvais goût.
Le ministre de la Justice Malick Sall n’avait-il pas blanchi Aliou Sall, frangin du chef de l’État cité dans cette affaire avant l’heure ? Lui qui soutenait : «Je ne pense pas qu’un musulman comme Aliou Sall, revenant de La Mecque pour la Oumra, puisse se fourrer dans ces histoires de corruption. De toute façon, cette affaire ne me concerne point, car étant une affaire privée. Elle ne concerne qu’Aliou Sall et celui qui l’accuse.
Après cette sortie, pourquoi le Garde des Sceaux a-t-il publié un communiqué pour informer que le gouvernement a saisi le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar pour diligenter une enquête aux fins de faire la lumière sur cette affaire (les ordres du prince) ? Comme si cela ne suffisait pas, le chargé de la communication présidentielle n’a-t-il pas, dans un premier temps, nié avec véhémence l’existence du rapport de l’Ige, avant de revenir, toute honte bue, dire que le Président n’a pas encore reçu le rapport incriminé ?
que du bluff…
Que c’est laborieux tout cela ! Comme pour confirmer que ces auditions ne sont que du bluff ; parce que si l’État était vraiment dans les dispositions de faire la lumière sur cette ténébreuse affaire, il n’aurait pas autant tergiversé et aurait créé une commission indépendante qui aurait les coudées franches pour démêler ce sac de nœuds. Aujourd’hui, pour une enquête sérieuse, il aurait fallu auditionner tous les protagonistes de cette affaire, à commencer par l’ancien Président Abdoulaye Wade, Karim Wade ancien ministre, Ali Ngouille Ndiaye, Aliou Sall et même Macky Sall, l’actuel locataire du Palais.
Seulement, en l’état actuel des choses, même dans les rêves les plus fous, on ne peut imaginer voir ces personnalités auditionnées par la Dic. Ce qui explique la moqueuse tirade du procureur de la République, Bassirou Guèye, déclarant en ouolof à la fin de sa conférence : «Diakk mba ngok, ku munn nodd kay nodd…». Ce qui veut donc dire que ce ballet des «connaisseurs» du pétrole devant les enquêteurs n’est qu’une diversion, le temps que la clameur s’estompe. En atteste l’audition de Samuel Sarr, qui n’a eu d’autre souci que d’enfoncer Nafi Ngom Kéïta, alors que c’est un des principaux protagonistes dans cette nébuleuse pour avoir été celui qui a introduit Frank Timis, cet homme peu recommandable, au Palais.
Selon «l’Observateur» qui relate l’audition de Samuel Sarr, l’ancien ministre a donné les détails sur les «connexions occultes» de Nafi Ngom Kéïta qui ont permis à une organisation basée à Washington, d’avoir les informations sur les contrats pétroliers en question. À la question de savoir ce qui fonde sa conviction, Samuel Sarr enfonce, pince-sans rire, «c’est une personne qui est capable de tout».
préoccupations du pouvoir aux antipodes de celles des populations
Ce qui annonce la couleur quant aux préoccupations du pouvoir en déclenchant cette enquête aux antipodes de celles des populations. Parce qu’il semble que le régime est plus intéressé par le fait de savoir d’où provient la fuite qui a permis de mettre le rapport de l’Ige sur la place publique alors que les populations veulent juste savoir comment leurs ressources naturelles ont atterri dans les mains de Frank Timis. D’ailleurs ce qui importe le plus, est-il le fait de connaître l’identité du délateur ou de vérifier la véracité des faits contenus dans le rapport ? Pourquoi diable Macky Sall a-t-il éprouvé le besoin de signer les décrets octroyant des permis à Frank Timis alors que l’Ige le lui avait déconseillé ? Comment un chantre de la gouvernance sobre et vertueuse a-t-il pu travailler avec un homme qui traîne une réputation de trafiquant de drogue et de délinquant financier ?
Loi bafouée en toute impunité
En tout cas, une chose est sûre : ce n’est pas le régime actuel, englué jusqu’au cou dans cette marée noire, qui va éclairer la lanterne des Sénégalais, d’autant qu’il a confié ce travail à la Justice, qui, aujourd’hui plus qu’hier, est accusée d’être son bras armé. Et dire que Macky Sall a signé le code de Transparence dans la gestion des finances publiques publié dans le Journal officiel numéro 6711 du samedi 2 février 2013. La loi n°2012-22 du 27 décembre 2012, en son article 7. 3, dit : «des sanctions prononcées dans le respect des règles de l’État de droit sont prévues à l’encontre de tous ceux qui, élus ou agents publics, ont violé les règles régissant les deniers publics. La non dénonciation à la Justice de toute infraction à ces règles par un agent public qui en aurait eu connaissance, est sanctionné pénalement».
La même loi en son article 4.6 stipule que «les contrats entre l’administration publique ou privée, notamment les entreprises d’exploitation des ressources naturelles et les entreprises exploitant des concessions de service public, sont clairs et rendus publics. Ces principes valent tant pour la procédure d’attribution du contrat que pour son contenu». “Ya khayti”, comme on dit du côté de nos voisins du nord, difficile d’être plus clair !
Mais à voir ce que dit la loi et ce que font nos dirigeants en toute impunité, nous sommes tentés de donner raison à Honoré de Balzac qui soutenait que «les lois sont des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites». Soyons sérieux ! Pensons-nous une seule fois, une seule seconde que la Justice, en l’état actuel des choses, pourrait envoyer Aliou Sall – quel que soit son degré de culpabilité – goûter les joies d’un séjour tous frais payés à Rebeuss, taillant bavette avec Khalifa Sall au cours de la promenade quotidienne ? D’autant qu’il se susurre que Frank Timis est train de fermer boutique, en vendant les dernières parts qui lui restaient, coupant ainsi petit à petit les ponts avec Aliou Sall et les miasmes du bourbier Pétro-Tim au Sénégal. Toutefois, qu’on se le dise, vérité d’aujourd’hui n’est pas forcément vérité de demain. À bon entendeur…