Le maire de la Médina, Bamba Fall, regrette que, contre toute attente, l’ensemble des services de l’État ne tirent pas dans le même sens face à la pandémie. Pire, il dénonce une machination politicienne orchestrée au sommet contre sa municipalité. Entretien express.
Par Mohamed NDJIM
En pleine pandémie la mairie de la Médina est à couteaux tirés avec la sous-préfecture de Dakar Plateau qui a bloqué ses délibérations. Quel est le fond du problème ?
La Médina est en train d’être combattue au plus haut niveau et ce n’est pas du tout élégant. Quand le président de la République a demandé aux maires de s’impliquer dans le cadre de la riposte, dès les premiers jours, la Médina a désencombré les alentours du marché, même si nous avions prévu plus de 6 millions de recettes par mois. On a été aussi la première commune à procéder à la désinfection avec le marché Tilène et les environs ; on a aussi doté les Asc des produits, des masques… ainsi qu’une subvention financière afin qu’elles puissent nous représenter à la base pour respecter les mesures préventives. Après les imams, bajènu gox et délégués de quartier, on a reçu les professionnels scolaires, c’est-à-dire les directeurs d’écoles. On les a dotés de moyens afin que l’ouverture puisse se faire dans de bonnes conditions, vu qu’on doit vivre avec la maladie. Au moment où nous consentions tous ces efforts, il y a quelques comploteurs qui demandaient à ce que la Médina et son maire soient cassés, soient brisés, ce qui n’est pas sérieux. Macky Sall, le président de la République, ne peut pas demander à l’opposition de taire les querelles politiques, demander aux marabouts de se mobiliser, afin que tout le Sénégal puisse se concentrer pour combattre cette maladie, et que maintenant, dans son camp, dans l’administration, des gens complotent contre un maire qui veut travailler pour sa population. Ça doit leur poser un cas de conscience. Vu que notre district sud est le district le plus contaminé du Sénégal, vu que la Médina fait partie des trois communes les plus contaminées du Sénégal, c’est eux qui devaient m’encourager pour briser cette chaîne de contamination. J’ai voté un virement de crédit de 125 millions dont les 110 millions sont destinés à 4000 packages kits alimentaires, à raison de 27.500 francs l’unité. Les autres 15 millions étaient destinés aux produits pharmaceutiques, masques, gants et thermo flash. Le sous-préfet de Dakar Plateau (Djiby Diallo, Ndlr) a osé bloquer la délibération au motif que sur les 66 conseillers, il a reçu une pétition de 18 personnes qui ne sont pas d’accord. Mais où est la démocratie ? On a 46 votants pour. Si on est 66, même si la moitié plus un est d’accord la minorité se range derrière la majorité. Je sens que le sous-préfet a même créé une écurie contre le maire dans le Conseil municipal. Il monte des délégués de quartier partout aussi. Il nous demande une seconde lecture pour pouvoir arbitrer. C’est un pyromane, il crée le feu et veut l’éteindre.
Qu’en est-il de l’ordonnance présidentielle aménageant des mesures dérogatoires au fonctionnement des conseils départementaux et municipaux en période de covid ?
Le président de la République a sorti une ordonnance pour alléger tout cela, notamment en permettant aux collectivités d’engager des dépenses hors budget dans le cadre de leurs opérations et activités courantes. On a re-convoqué le conseil. Pour prendre les mesures justes, on a invité six présidents de commission dont la mission est relative au combat contre le covid. On a convoqué la commission sécurité, la commission santé, la commission sociale, la commission des affaires extérieures, la commission éducation… Le sous-préfet a osé me dire qu’il annulait les délibérations parce que j’ai convoqué des présidents de commission. Je lui rappelle que dans les textes de la décentralisation, les séances de décision du conseil sont ouvertes au public, et c’est pareil pour le bureau municipal. Au moment du vote on a libéré ces présidents de commission, seul le bureau municipal a voté. Il y avait le maire, les trois adjoints, un seul adjoint était absent. D’ailleurs il était là, il n’a pas voulu monter dans la salle. Je ne sais pas ce que le sous-préfet s’est dit avec ce gars, mais il a annulé la délibération de nouveau parce que ce gars n’était pas monté. Où est la démocratie ? La majorité a délibéré en bonne et due forme. En démocratie, une fois que le quorum est atteint, il ne reste plus qu’à savoir dans quel sens la majorité se situe. Voilà ce qu’on appelle contrôle de légalité. Ce n’est plus un contrôle de légalité, mais c’est une haine contre le maire et contre la Médina. Au moment où il bloque la délibération, les gens continuent de souffrir dans les maisons, la contamination suit son cours. Ils ne savent pas que demander aux gens de rester chez eux requière des conditions préalables.
Au profit de qui le sous-préfet bloquerait-il les délibérations de la municipalité ?
Il y a un grand politicien qui est derrière et qui finance. Du fait que le président a demandé à tous ses collaborateurs d’arrêter leurs activités politiques, il active des gens pour perturber la mairie. On a compris que le sous-préfet, tout comme l’adjoint au maire, sont sous sa coupole. Mais je pense que ce n’est pas le moment de faire de la politique. Tout le monde devait se regrouper : Seydou Guèye est venu nous appuyer, les écologistes sont venus, le Pds est venu, les karimistes sont venus, la société civile, les imams, le curé. Chaque dimanche on se réunit pour trouver les moyens de bloquer l’épidémie. Il n’y a que ces gens-là qui se réunissent avec le sous-préfet pour bloquer la mairie. Pire, il a même embarqué dans ce combat notre ministre de tutelle qui est Oumar Guèye (le ministre des Collectivités territoriales, du développement et de l’aménagement des territoires, Ndlr). Je comprends qu’ils sont deux amis de Sangalkam, parce que l’actuel sous-préfet était le président de la délégation spéciale à Sangalkam avant qu’Oumar Guèye ne devienne maire. Il a embarqué Oumar Guèye dedans et ce dernier veut aussi nous perturber par des inspections pour bloquer la mairie. La Médina comprend maintenant que c’est une cabale, et je pense que le président de la République doit agir. On n’a pas peur d’une inspection parce qu’on n’a jamais fauté et on ne fautera jamais.