Le gouvernement du Sénégal affiche son incapacité notoire dans la gestion de l’affaire de contre-façon de monnaie à laquelle est mêlé – à tort ou à raison – le parlementaire et militant de l’Alliance pour la République, Seydina A. Fall, plus connu sous le sobriquet de Boughazeli.
Aucune communication étatique pour éclairer l’opinion publique nationale et internationale, ni sur la disparition volontaire ou non de la personne interpellée, entendue, puis relâchée sur convocation par les enquêteurs de la brigade de recherche, ni sur les dispositions prises par le gouvernement pour mener à terme les enquêtes judiciaires et la suite du traitement par la justice. L’État est presque mis à genoux par des intérêts inavouables devant une affaire grave à la fois au plan politique, financier et économique.
La contre- façon est une activité économique grave. Elle constitue un danger réel dans de nombreux domaines économiques, financiers et politiques. C’est probablement dans le domaine monétaire que la contre-façon exerce une pression énorme de nos jours, par ses effets catastrophiques sur la gouvernance des affaires publiques et du système bancaire. Elle est un mal présent dans les pays du Nord et dans ceux du Sud. Elle se révèle être une des activités criminelles les plus redoutées par les décideurs politiques et par tous ceux qui participent au financement du développement à cause de ses effets multiples sur la déréglementation des systèmes monétaires et les dysfonctionnements potentiels de l’économie réelle.
Les pays développés ont mis, au cours de ces dernières années, des moyens financiers et humains importants pour protéger leur système bancaire sous la menace de la cybercriminalité financière, les transactions monétaires internationales et le fonctionnement du commerce mondialisé. En dépit de ces efforts consentis en matière de lutte contre l’industrie, l’économie et la finance de la contrefaçon, le phénomène persiste à l’échelle de la planète. Il prend d’ailleurs de l’ampleur dans le continent africain, dans les pays asiatiques et de l’Amérique latine. Le Sénégal représente un échantillon parmi les pays subissant une progression rapide du marché de la contrefaçon. Les industries pharmaceutiques ont été récemment affectées. Les banques sont depuis des années au guet. Elles surveillent tous les flux financiers d’origine illicite et douteuse.
L’affaire mettant le parlementaire Seydina Aliou Fall au centre d’une opération de contrefaçon financière massive, puisque estimée pour le moment à plus d’une trentaine de milliards Cfa, permet de mesurer la volonté politique réelle ou superficielle de l’État du Sénégal dans la lutte contre les fraudeurs nationaux. Cette affaire impliquant un responsable du parti présidentiel, semble représenter une épreuve politique majeure pour le Président de la République, les institutions républicaines.
Les enquêteurs ont interpellé et entendu la personne incriminée a priori par des indices concordants de l’enquête de la gendarmerie. Contre toute attente, Boughazeli est libéré par les enquêteurs sur convocation. Depuis quelques jours, l’opinion publique nationale se posait de sérieuses interrogations à propos du refus apparemment de répondre à la convocation, du silence du chef de l’État et la poursuite de l’affaire. Quand bien même le principal concerné a refait surface hier sur les ondes de la Zik Fm en milieu de journal en wolof d’Ahmet Aïdara et Mansour Diop (Dmedia), et a promis de se rendre à 16hH. Il s’est finalement présenté à Colobane accompagné de l’avocat Me El hadji Diouf.
Pour autant, jusque-là, la Présidence de la République s’abstient de communiquer. Les médias distillent les états d’âme du chef de l’État. Certains journaux rapportent que ce dernier serait pour que la justice aille à son terme. Il ne soutiendrait personne. Le ministre de la Justice préfère ne point évoquer le fond d’une affaire pendante devant la justice. Le Parlement en session, observe de loin le déroulement de l’affaire d’un de ses honorables députés. Le ministre de l’Intérieur n’est pas tellement préoccupé par la recherche de celui qui avait disparu avant de réapparaître. Le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur n’établit pas de liens entre ce qui se passe et l’image ternie à terme du Sénégal.
L’État est mis presque à genoux devant une affaire si grave impliquant un parlementaire et un acteur politique de la majorité présidentielle. Le refus de l’État de communiquer pour éclairer les citoyens, rassurer les opérateurs économiques nationaux et internationaux traduit une fuite en avant. Les Sénégalais indignés comprennent difficilement ce silence de l’État et la posture d’une justice assurément à double vitesse.