Boy Djiné, ses deux acolytes et les 3 gardes pénitentiaires dans….

Baye Modou Fall, alias Boy Djiné a été appelé, hier, à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de Dakar. Il comparaissait avec ses amis Cheikh Ndiaye et Dame Sy, ses complices. Les trois gardes pénitentiaires impliqués dans cette affaire et poursuivis pour complicité d’évasion ont également été attraits. Le représentant du Ministère public a demandé qu’une peine de 6 mois assortie du sursis soit prononcée à l’encontre des amis de Boy Djiné et des trois (3) gardes pénitentiaires. S’agissant de Baye Modou Fall, alias Boy Djiné, il a requis une peine ferme de 2 ans. L’affaire est mise en délibéré pour jugement devant être rendu le 23 février 2022.

Ses multiples évasions lui ont valu le sobriquet de Boy Djiné. De son vrai nom Baye Modou Fall, il rappelle le héros de la série Prison Break, Michaël Scofield. Mais sa dernière prouesse est suivie de conséquences. Après la sanction disciplinaire qui a relevé de ses fonctions le directeur d’alors de la prison du Camp pénal de Liberté 6, l’enquête ouverte a permis l’arrestation de trois gardes pénitentiaires. Ces faits qui remontent au mois de mai 2020 avaient fait couler beaucoup d’encre et de salive. Baye Modou Fall qui était en détention préventive depuis neuf (9) ans à la Maison d’arrêt de Camp pénal de liberté 6 était, comme dans ses habitudes, sorti nuitamment de sa chambre qui se trouvait dans le quartier spécial avant de prendre la fuite.

D’après les constatations des agents qui ont senti son absence vers les coups de 5 heures du matin, Boy Djiné avait escaladé le mur de la Maison d’arrêt à l’aide d’une corde qui y a été jetée et qui était attachée sur un poteau de l’extérieur. Ce, après avoir cisaillé les grilles d’aération de sa chambre. Après avoir réussi à s’échapper du camp pénal, Baye Modou Fall est entré en contact avec ses amis, en l’occurrence Cheikh Ndiaye et Dame Sy, qui l’ont aidé à prendre une chambre aux Almadies.

Dans cette pièce, il est resté quelques jours alors qu’il était l’homme le plus recherché du pays, à ce moment. Pendant ces 5 jours passés dans la chambre qu’il avait louée, Baye Modou, très rusé, méditait avec ses amis sur comment quitter le pays. C’est ainsi qu’au 6ème jour, à bord d’un scooter suivant ses acolytes qui conduisaient un véhicule, Boy Djiné a eu la malchance d’être alpagué à Tambacounda. En effet, quand il a aperçu les enquêteurs,  il a tenté de prendre la fuite. Mais c’est à l’issue d’une course poursuite qu’il a été arrêté. S’en est suivie l’interpellation de ses acolytes. Aussitôt transportés à Dakar, Baye Modou Fall, Cheikh Ndiaye et Dame Sy ont été conduits à la section de recherches de Dakar.

Poursuivis, tous, pour association de malfaiteurs, Baye Modou Fall, Cheikh NDiaye, Dame Sy et les gardes pénitentiaires, Djibril Cissé, Amath Ngom et Idrissa Diop comparaissaient à la barre de la chambre correctionnelle du tribunal de Dakar.

Boy Djiné : «Je me suis évadé, mais je n’en ai parlé ni à mes amis ici présents ni aux gardes pénitentiaires. Ça m’est juste arrivé par hasard»

Prévenu principal dans cette affaire qui les oppose au ministère public, Baye Modou Fall n’a pas l’air perturbé par les faits qui lui sont reprochés. Tout de blanc vêtu, il parlait sereinement. Sa personnalité contraste avec les agissements qui lui valent sa popularité. Petit de taille, Boy Djiné ne présente aucun caractère excessif. Au contraire, il était d’une politesse inouïe. Interrogé sur les faits, il reconnaît dès l’entame de ses déclarations l’infraction d’évasion qui lui est reprochée. Par contre, il déclare n’avoir reçu aucune aide venant de l’extérieur pour sortir du camp pénal. Ainsi, il réfute le délit d’association de malfaiteurs qui lui est reproché.

«On a préparé aucun coup. Je me suis évadé mais je n’en ai parlé ni à mes amis ici présents ni aux gardes pénitentiaires. Ça m’est juste arrivé par hasard », soutient le natif de Diourbel. Poursuivant son intervention, il a dévoilé sa stratégie d’évasion. « Je suis sorti par la fenêtre de la chambre dans laquelle on m’avait enfermé. La fenêtre était en grille et il y avait deux barreaux dont l’un était cassé. C’est un malade mental qui tentait de s’évader qui avait brisé une barre. Les grilles n’étaient pas cimentées. Quand j’ai réussi à sortir du quartier spécial, j’ai escaladé le mur à l’aide d’une corde dont j’ignorais la provenance. Les faits se sont déroulés à 1 heure du matin mais je les ai entendus dire que c’est à 5 heures du matin », narre-t-il.

Les explications servies par Boy Djiné à la chambre n’ont pas convaincu le juge pour qui le déroulement de son évasion ne peut être le fruit du hasard. « Si tu t’étais évadé fortuitement, pourquoi ton voisin Demba Sow n’a pas profité de ce hasard. Vraiment, au regard des circonstances, tu ne peux pas sortir de la maison d’arrêt sans l’assistance d’une personne », peste le magistrat. À ces observations, Baye Modou Fall rétorque : « Mon codétenu, Demba Sow, n’était pas au courant parce qu’à cette heure, il était déjà tombé dans les bras de Morphée.»

Djibril Ciss, agent pénitentiaire : «Boy Djiné était dans le quartier spécial de la prison de haute sécurité de Camp pénal. Il y était avec les présumés terroristes»

Interrogé à son tour, le garde pénitentiaire dit avoir constaté l’absence de Boy Djiné à l’aube. S’agissant des moyens qu’il a utilisés pour réussir son évasion, l’agent pénitentiaire en liberté provisoire dit les ignorer. « Sincèrement, je ne saurais vous dire comment il a fait pour sortir de la chambre où il était incarcéré. Il était dans le quartier spécial de la prison de haute sécurité camp pénal. Il y était avec les présumés terroristes. Ce sont les autorités qui ont jugé nécessaire de l’extirper de la grande détention et de l’amener dans le quartier spécial », indique-t-il. À l’en croire, les fenêtres des chambres étaient bien sécurisées pour empêcher que quelque chose venant de l’extérieur soit introduite dans les pièces.

Pour se dédouaner, Djibril Ciss soutient avoir surpris à maintes reprises Baye Modou Fall dans la chambre en train de répondre au téléphone. « La dernière fois qu’on l’a surpris avec un téléphone, il s’est précipité dans les toilettes et a jeté l’appareil avant de le faire pénétrer avec un seau d’eau. Ainsi, on a fait la mention et le rapport. C’était la 10ème fois qu’on le surprenait avec des téléphones qu’on confisquait. Tout de même, le garde pénitentiaire qui dit ne pas connaître la personne qui a aidé Boy Djiné à quitter les lieux déclare qu’après les faits, il a vu la corde à l’aide de laquelle il a fait l’ascension du mur.

«C’est vers 5 heures du matin quand je suis entré en détention que Demba Sow m’a alerté me disant que son voisin n’était plus dans la chambre. Ainsi, on a constaté une corde qui a été attachée sur un poteau à l’extérieur et jetée dans l’enceinte de la maison d’arrêt », informe l’agent. Ses déclarations ont été confortées par ses collègues qui disent n’être en rien mêlés à cette affaire. Pour leur défense, les hommes de tenue indiquent qu’ils n’étaient pas en nombre suffisant pour assurer la sécurité totale de la Maison d’arrêt.

Jugés pour recel de malfaiteur, entrave à l’action de la justice et complicité d’évasion, Cheikh Ndiaye et Dame Sy ont partiellement reconnu les infractions qu’on leur impute. Selon eux, ils voulaient juste aider un ami qui était dans le désarroi, en le logeant et en l’aidant à sortir du pays. Mais, précisent-ils, la corde qui a aidé Boy Djiné à escalader le mur de la Maison d’arrêt ne venait pas d’eux.

2 ans ferme requis contre Boy Djiné

Prenant la parole pour ses réquisitoires, le maître des poursuites a demandé à la chambre de mettre hors cause les agents pénitentiaires en les relaxant des faits d’association de malfaiteurs. Pour le chef de complicité d’évasion, le parquetier a demandé qu’il soit disqualifié en négligence et les condamner, tous les trois, à une peine d’emprisonnement de 6 mois assortie du sursis. La même peine a été requise à l’encontre des amis de Boy Djiné, Cheikh Ndiaye et Dame Sy. Le ministère public a demandé au juge de retenir l’entrave à l’action de la justice et le délit de recel de malfaiteurs à leur encontre. S’agissant de Boy Djiné, une peine ferme de 2 ans a été requise par le représentant du parquet. « Certes on peut dire qu’on ne détient pas d’éléments objectifs pour dire que Cheikh Ndiaye et Dame l’ont aidé à s’évader. Peut-être que les faits peuvent déduire cela mais il manque des preuves. L’association de malfaiteurs est bien établie à l’encontre de Baye Modou Fall. C’est une personne très futée. Il a réussi à s’évader de prison au moins 3 fois », fulmine le parquetier.

Me Doudou Ndoye annonce l’annulation de la procédure de l’affaire Boy Djiné, le représentant du Ministère public le dément et lui réclame le procès-verbal d’annulation

Dernier à prendre la parole après ses jeunes confrères qui ont assuré la défense des prévenus, Me Doudou Ndoye a déploré l’injustice qu’est en train de subir « son fils », Boy Djiné. « Il a été arrêté à Dakar et jugé en 2017 pour des faits qualifiés criminels. La chambre criminelle a ordonné l’annulation de la procédure. Il devait être libéré. Le parquet le convoque une nouvelle fois pour les mêmes faits. Il est victime d’injustice », dénonce la robe noire. Pour aider son client à recouvrer la liberté, Me Doudou Ndoye promet que le nom de Boy Djiné ne sera jamais mêlé à des entreprises délictuelles.

«Je le considère comme mon propre fils maintenant. Il manquait juste de repères. Je vais désormais l’aider et l’assister. Il ne perturbera plus l’ordre public parce qu’il a appris à m’écouter !» Le représentant du ministère public, qui s’est senti visé par la plaidoirie de Me Doudou Ndoye, réclame à ce dernier le procès-verbal d’annulation de la procédure concernant Boy Djiné qu’il a évoquée car dit-il, c’est la justice qui est attaquée. Les débats clos, Boy Djiné et ses amis retournent dans leurs cellules respectives en attendant le verdict du tribunal qui sera prononcé le 23 février 2022.

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