La Cour des comptes a relevé beaucoup de manquements dans la gestion de la Sicap, dans son rapport 2014-2018 qui coïncide avec le mandat de M. Ibrahima Sall.
Que dire ? La Sicap Sa est un organisme généreux envers son personnel, des hommes politiques, des chanteurs, des hommes religieux et des sportifs. Le Rapport définitif de contrôle de la Sicap (2014-2018) montre des dépenses irrégulièrement imputées. «L’examen des situations d’exécution budgétaire a permis de constater que des dépenses ont été imputées à des rubriques autres que celles prévues par la nomenclature budgétaire. Au-delà de son caractère irrégulier, cette pratique vise à masquer et à minorer les dépassements budgétaires», note la Cour des comptes. C’est dans cette rubrique que sont logés les soutiens accordés à certaines personnalités publiques comme Waly B. Seck, qui a reçu de la société 300 mille F, Mame Goor Diazaka (1 million), Doudou Ndiaye Mbengue (750 mille), l’Unacois-Jappo (500 mille), d’autres anonymes comme Zeinab Aïdara (900 mille), Ibrahima Sarr (1 million), Thierno Ndiaye (1 million), Abdou Lakhat Ndiaye (1 million), Makhtar Diakhaté (1 million 500 mille). La liste est évidemment loin d’être exhaustive.
S’il y a plusieurs dizaines de bénéficiaires, les plus réguliers en termes de dons reçus restent Mbaye Badiane (20 fois pour 6 millions 200 mille), El Hadj Malick Sy Djamil (9 fois pour 3 millions 750 F), Gnima Sonko (6 fois pour 3 millions 300 mille), Serigne Sidy Moctar Mbacké (5 fois pour 2 millions 800 mille), Serigne Mahmadane Mbacké (3 fois pour 2 millions 700 mille) et Ndèye Marème Badiane (4 fois pour 2 millions 500 mille).
La Cour relève que les dépenses au titre des dons et subventions accordés par la Sicap durant la période sous revue s’élèvent à un montant cumulé de 703 millions 456 mille 450 F Cfa. Pour elle, il s’agit de «dons et subventions irrégulièrement imputés à des rubriques telles que 627000 «Publicité, publications et relations publiques», 658300 «Mécénat», 658810 «responsabilité sociétale» et 831000».
Elle a publié, à titre illustratif, «un échantillon de dons et subventions, abusivement accordés par la Sicap, de montant supérieur ou égal à 1 million F Cfa, durant la période sous contrôle». La Cour fait le même constat : «il est relevé que ces dons et subventions sont destinés notamment à des responsables politiques, à des chefs religieux, à des communicateurs traditionnels et à des artistes, pour des motifs sans rapport avec l’objet social de la société, malgré les prescriptions de la circulaire 000379/Pm/Sgg/Bsc/Sp du 3 juin 2015 relative à l’abus dans l’octroi des dons et subventions dans les entreprises publiques», avance-t-elle. Elle poursuit : «Les motifs mentionnés sur les demandes renseignent à suffisance sur le caractère abusif des dons et subventions, à titre d’exemples : soutien à Pape Diouf pour organisation Grand Bégué, appui pour journée de prières de l’Assemblée nationale, subvention journées culturelles Association Gossas émergent, aide financière pour des jeunes talibés endettés, soutien pour organisation Ndogou Ramadan. Il est également relevé que des particuliers bénéficient, sur toute la période sous revue, de dons et subventions selon une périodicité régulière.»
Par ailleurs, la Cour des comptes a aussi constaté des irrégularités dans la gestion des missions, qui ont connu une grosse évolution. Les indemnités de mission sont passées de 53 millions 508 mille 156 F en 2014 à 60 millions 251 mille 983 F en 2015, ensuite 75 millions 094 mille 266 F en 2016, avant de chuter en 2017 à 72 millions 363 mille 766 F, puis de monter jusqu’à 103 millions 255 mille 866 F en 2018. Elle s’est surtout désolée que «des frais de mission à l’étranger sont réglés alors que les ordres de mission ne sont visés ni au départ ni à l’arrivée». Sans oublier le «règlement d’indemnités sans production de pièces justificatives».
Indemnités de mission
Dans le lot, il y a le directeur Ibrahima Sall, Mame Bounama Sall dont les noms reviennent le plus souvent, avec des cumuls qui atteignent des dizaines de millions F Cfa avec des visites dans des pays européens, en Amérique du Nord et en Asie. «Il ressort des réponses de l’ancien Directeur général que celui-ci a effectué des déplacements à Paris pour assister à des réunions de Conseil d’administration prévues pour se tenir durant un après-midi, mais les jours de missions décomptés ont atteint, suivant les cas, 8, 9 ou 10 jours. Concernant le président du Conseil d’administration, il a produit des copies de pages de ses passeports portant des visas, du reste insuffisantes pour attester l’effectivité des missions. Ainsi, en l’absence de pièces attestant l’exécution effective de ces missions, la régularité des dépenses listées n’est pas établie et elles ne devraient pas faire l’objet de paiement», remet en cause la Cour.
Par ailleurs, la Cour des comptes est aussi revenue sur l’existence d’un plan-autos ne «garantissant pas la préservation des intérêts de la société». Elle constate un «cumul de l’indemnité de transport et de la dotation de carburant». «Les cadres de la Sicap bénéficient d’une indemnité compensatrice de transport fixée à 300 000 F Cfa net pour les directeurs et 200 000 F Cfa net pour les chefs de service. Durant la période sous revue, les indemnités versées sont passées de 65 millions 128 mille 235 F en 2014 à 72 millions 151 mille 299 F en 2018. Il est néanmoins relevé qu’outre l’indemnité compensatrice de transport, ces agents bénéficient de dotations en carburant, ce qui constitue un cumul indu d’avantages et de primes destinés à couvrir le même objet.
En outre, il est relevé qu’une dotation mensuelle de 1250 litres de carburant est accordée au Dg et au Pca. Or, l’article 9 du décret n°2014-696 du 27 mai 2014, fixant la rémunération et les avantages des directeurs généraux ou directeurs, des présidents et membres des conseils d’administration des entreprises du secteur parapublic et des autres établissements publics, ne prévoit de dotation que pour les directeurs généraux, soit 500 litres par mois», regrette la Cour.
Octroi de logements à des prix préféreantiels au personnel de la Sicap
Charité bien ordonnée commence par soi-même
La Sicap loge d’abord ses hommes à des prix préférentiels. Dans son rapport, la Cour des comptes a constaté «des écarts significatifs entre les prix appliqués aux particuliers et ceux appliqués aux agents de la Sicap Sa». Pour elle, cette «attribution d’unités d’habitation aux agents à des taux préférentiels est entachée d’abus puisque certains ont été attributaires de plus d’une unité d’habitation sur différents projets réalisés par la société». Par exemple, le Directeur général, Cheikh Gaye, Secrétaire général, Ndèye Merry Ba, Directrice commerciale, Maïmouna Kane se sont octroyé deux logements à Sacré-Cœur, Sicap Keur Gorgui. Alors que Mariama Sonko, cheffe Service financier (Sacré-Cœur, Sicap Grand Mbao), Papa S. Doumbiya, Directeur technique (Sacré-Cœur, Keur Gorgui), Oumar Diagne, Dcgaq 2 (Sacré-Cœur, Keur Gorgui), Oumar Ba, chef service Marketing (Grand Mbao, Mbao Villeneuve), Elie Kotor Diémé, chef service Travaux (Grand Mbao, Mbao Villeneuve), Aliou Seck, chef service Locataires (Grand Mbao, Mbao Villeneuve), René Stanislas Sarr, chef service Audit interne (Grand Mbao, Keur Gorgui), Abdourahmane Senghor, chef service Réseaux et exploitation (Grand Mbao, Mbao Villeneuve). «Il convient de relever que l’ancien Directeur général s’est fait attribuer un logement suivant un tarif préférentiel, sur le projet Sicap Sacré Cœur-Vdn extension. Un Terrain viabilisé à bâtir (Tvb) lui a également été cédé, toujours à conditions préférentielles, sur le site de Keur Gorgui, d’une superficie de 596 m2, pour un prix de cession de 45 millions 319 mille 646 F. L’octroi de plus d’une villa à un agent de la Sicap, à conditions préférentielles, constitue un avantage indu et ne peut être justifié par le souci de permettre aux agents d’avoir accès à un logement», note la Cour. «Par exemple, un logement cédé à un particulier à 55 millions revient à un agent à 23 millions 113 mille 918 F, soit une différence de 31 886 082 F. Avec 9 agents de la Sicap Sa bénéficiaires de logements à tarif préférentiel sur ce projet, le manque à gagner est évalué à un montant de 286 millions 974 mille 738 F. Dans le cadre du projet Sicap Grand Mbao, l’affectation de 20 villas à des agents, à des tarifs préférentiels, devrait entraîner un manque à gagner d’un montant de 323 millions 884 mille 900 F Cfa», évalue la Cour des comptes. Sa conclusion est implacable : «Il est donc nécessaire de rationaliser l’octroi de logements aux agents dans les différents programmes, notamment en fixant un quota, pour que les marges réalisées ne soient pas accaparées par les avantages consentis au personnel.»
Avantages indus
Dans ses réponses, l’ancien Directeur général «soutient que toutes les attributions se sont faites suivant les délibérations du Conseil d’administration au cours des séances des 23 avril et 25 juin 1986, et des dispositions de l’accord d’établissement. Il précise que tous les programmes présentés sous la revue ont dégagé un solde bénéficiaire pour le compte de la Sicap». Alors que la Cour insiste sur «le caractère irrégulier de l’octroi de plus d’un logement à un agent de la Sicap suivant les conditions préférentielles», elle considère également que «la cession de logements au personnel à tarif réduit doit être rationalisée pour limiter son impact sur la rentabilité des projets».
AVEC LQ