Par Younoussa BALDÉ
Quartier Sant’Yallah à de Djeddah Thiaroye Kao (Pikine), une maison de près de 50 personnes où vivent des locataires, a vu ses occupants confinés dans différents endroits de Dakar. Et pour cause, un des locataires a été testé positif au covid-19. Mais, selon les ex-confinés, leur situation est un «cas» qui cache des zones d’ombres à explorer.
«C’était un mercredi. La nuit, un de nos colocataires ne se sentait pas bien. Il a appelé les services de santé. Lorsqu’ils sont venus, ils ont effectué des prélèvements sur lui. Les agents de santé sont revenus samedi pour nous dire qu’il a été testé positif au covid-19. Mais lorsque je leur ai demandé pourquoi ils ont attendu tout ce temps pour nous mettre en isolement ? Ils m’ont rabroué. Lorsque je leur ai aussi demandé dans quel hôpital se trouve notre colocataire ? Ils m’ont méprisé», se désole d’emblée Mamoudou Camara.
Ainsi, tous les membres de la maison ont été mis en quarantaine dans différents réceptifs de Dakar. C’est aussi le début d’un calvaire inoubliable pour eux. Du moins, pour ceux qui étaient logés à Lac Rose. «Une fois dans notre hôtel, nous sommes restés quatre jours sans eau de javel ni savon. Dire qu’il nous fallait se laver les mains à chaque fois, c’est incroyable. En ce qui concerne la nourriture, elle était de mauvaise qualité. Au début, ils ne nous donnaient qu’un petit pain qui coûte 50 frs. En confinement, ils nous ont appris la faim. C’est ça la réalité. Il a fallu se rebeller pour que la situation change», craque M. Camara.
«Rentrer chez vous si vous avez de l’argent»
Cependant, le calvaire n’est toujours pas terminé. Ces familles ont retrouvé leur domicile depuis samedi passé (Ndlr, le 09 mai dernier). Mais les ex-confinés sont victimes de stigmatisation dans leur quartier. «Les voisins nous regardent avec du mépris et avec des yeux bizarres. Certains s’éloignent même en passant devant notre maison. Je viens de mon lieu de travail, mais en cours de chemin, les gens me pointaient le doigt. «Regardez-le, c’est lui qui a été mis en quarantaine». Vous voyez que c’est difficile», s’offusque le jeune. «Depuis que nous sommes revenus, je ne suis pas sorti de la maison. J’ai honte des regards des gens», ajoute un autre ex-confiné, Oumar Sy, la cinquantaine bien sonnée. Pour lui, les autorités leur ont causé beaucoup de torts. «Notre colocataire déclaré positif n’a fait que 5 jours à l’hôpital. Il a été déclaré guéri. Alors que nous, nous avons été confinés pendant 15 jours, nous sommes sortis sans qu’ils nous disent quoi que ce soit. C’est anormal», crache O. Sy.
À les en croire, durant leur période de confinement, ils n’ont été testés qu’une seule fois. «Au terme de notre délai de confinement, nous avons appelé l’agent de santé qui nous avait embarqué à plusieurs, mais il ne répondait pas. Toutefois, lorsqu’il a décroché son téléphone, il nous dit de sortir et rentrer à la maison si nous avons de l’argent. Ce qui est bizarre ! Nous n’avons aucun document qui prouve que nous avons été mis en quarantaine et que nous ne sommes pas malades du coronavirus», s’étonne-t-il avec amertume.
Mamoudou reprend la parole et confesse ceci : «Lorsque nous avons poussé nos investigations, nous nous sommes rendus compte que l’agent de santé qui nous avait embarqué n’était qu’un chauffeur d’ambulance. Nous ne disons pas que cette maladie n’existe pas, mais il y a des non-dits dans la gestion», cognent Mamoudou et Oumar. Les ex-confinés du quartier Sant’Yallah garderont un souvenir amer de leur odyssée. Deux jours après leur confinement, leur maison a été cambriolée. Les voleurs ont emporté plus d’un million, des tissus de valeur et des bijoux, appartenant à la dame nommée Néné Bâ. D’ailleurs, les locataires envisagent de porter plainte contre le délégué de quartier et l’agent de santé qui les avait embarqués.