Secrétaire général du Cusems Authentique, Dame Mbodj estime qu’au-delà des effets d’annonce, le président de la République est tenu d’apurer la dette publique de 100 milliards Cfa vis-à-vis des enseignants et de remettre à plat, dans le sens de l’équité, le système de rémunération des agents de la fonction publique. Autrement, il assure qu’il faut craindre le pire pour l’année scolaire 2019–2020, car les enseignants sont prêts à déterrer la hache de guerre pour rentrer dans leurs fonds.
Par Mohamed NDJIM
Le Sénégal est sous le coup d’une dette publique difficilement solvable par l’État, notamment vis-à-vis des enseignants. Comment appréciez-vous l’annonce du président de la République allant dans le sens de mettre en place des restrictions budgétaires et de rationaliser le train de vie de l’État?
Nous sommes très déçus par cette déclaration du chef de l’État qui, après huit ans de gouvernance, devrait être à l’heure du bilan. Ils ont tenu ce qu’ils appelaient l’audit du personnel de l’administration qui leur avait permis de faire une économie d’échelle parce qu’ils avaient pu déceler des manquements très graves dans le recrutement des agents de l’État. Ils avaient également annoncé des mesures d’austérité lors du forum sur la modernisation de l’administration organisé à Diamniadio il y a deux ans. Donc aujourd’hui le président de la République devrait faire un bilan, nous dire ce qu’il est advenu des mesures annoncées il y a deux ans voire cinq ans. Après avoir dirigé ce pays avec des choix catastrophiques, s’il ose regarder les Sénégalais les yeux dans les yeux et leur annoncer les mêmes mesures qu’il y a cinq ans, c’est parce que c’est un président qui nous prend pour des demeurés. Nous les enseignants ne voulons pas être le dindon de la farce. Le président de la République cherche des boucs émissaires, il cherche à mettre le doigt sur le problème tout en essayant de contourner ses responsabilités. Il est responsable de la situation catastrophique que traverse notre pays. C’est lui qui a conduit sa politique pendant huit ans, qui a créé des institutions inutiles, des institutions budgétivores comme le Haut conseil du dialogue social, la Commission nationale pour le dialogue des territoires, il a créé également le Hcct, il a consolidé les pouvoirs du Conseil économique, social et environnemental, il a augmenté le nombre de députés alors que l’Assemblée nationale ne sert absolument à rien, c’est une chambre d’applaudissement qui ne sert qu’à valider les décisions de l’exécutif. Nous considérons que Macky Sall vient de faire un aveu de taille : après avoir gaspillé les ressources nationales, il cherche des boucs émissaires, et il cherche à faire accepter ce discours aux agents de l’État, notamment aux enseignants pour leur dire “taisez-vous, acceptez mon discours parce que je n’ai plus les moyens d’honorer mes engagements”…
Quel est l’encours de la dette de l’État vis-à-vis des enseignants ?
Nous rappelons au président de la République qu’il s’est engagé, devant tous les enseignants du Sénégal, à apurer le stock de rappels d’avancement, de rappels de validation et de rappels d’intégration chiffré aujourd’hui à près de 100 milliards et il avait donné un deadline. La date butoir pour l’apurement du stock c’est 2022, mais malheureusement, au rythme de paiement des rappels enregistrés depuis plusieurs mois, seuls 200 enseignants sur 30.000 sont payés par mois, et si on suit ce rythme les enseignants attendront vingt ans sans pouvoir entrer dans leurs émoluments. Nous refuserons cela et nous allons faire face à cette forfaiture, nous ne l’accepterons pas. Le président de la République n’a qu’à chercher les moyens pour apurer le stock de rappels envers les enseignants. C’est lui qui a gaspillé l’argent du contribuable, c’est lui qui a créé les institutions budgétivores et inutiles, c’est lui qui a augmenté le train de vie de l’État, c’est lui qui a laissé le budget de la Présidence augmenter chaque année sans aucune finalité pour le développement économique et social du pays. Sa déclaration n’est que la manifestation de l’échec de son régime, il n’a qu’à s’assumer. Les mesures palliatives ne peuvent pas se limiter à du saupoudrage. Ce que nous exigeons c’est qu’il respecte ses engagements, qu’il apure la dette envers les enseignants avec un échéancier clair pour respecter le deadline de 2022. On ne sortira pas de 2022 sans apurer le stock de 30.000 enseignants à qui l’État doit de l’argent. Nous sommes très déçus par son discours et il faut qu’il comprenne que ce discours ne peut pas nous divertir.
Est-ce à dire qu’il faut s’attendre à une année scolaire mouvementée si le statu quo persiste ?
Dès la rentrée scolaire prochaine, si le président de la République ne respecte pas le plan d’apurement, s’il n’accélère pas la cadence pour nous permettre d’avoir au moins 1000 enseignants payés par mois afin qu’à terme le stock soit apuré, s’il n’y aucune volonté politique d’aller dans ce sens, nous allons déterrer la hache de guerre et nous allons nous préparer à des confrontations avec son régime parce que nous considérons que le gouvernement n’accorde aucune considération aux enseignants. Ils ont pendant longtemps fait la part belle aux autres secteurs de l’État, surtout ceux qui les aident à se pérenniser au pouvoir. Ce sont les secteurs autour du pouvoir qui ont bénéficié des largesses du régime du Président Macky Sall, et les enseignants ont toujours été lésés dans le système de rémunération. Aujourd’hui il y a deux questions majeures. D’abord il faut que l’État apure la dette et il faut aussi l’ouverture de négociations sérieuses avec tous les syndicats légalement constitués pour qu’on puisse discuter du système de rémunération qui défavorise les enseignants. Il faut que l’on remette à plat le système de rémunération, et qu’on applique le principe de l’équité dans le traitement des agents de l’État. Sur ces deux questions majeures le gouvernement est attendu, et s’il ne va pas dans le sens de satisfaire ces revendications, il faut craindre le pire pour l’année scolaire 2019-2020.