Pourquoi ce sentiment de haine et de violence ?
On peut avancer deux hypothèses pour comprendre ce phénomène persistant de manière notoire dans le paysage politique africain sans qu’il ne soit l’apanage d’un environnement particulier. La première hypothèse s’adosse à l’incompréhension du politique ou sa dénaturation consistant à en faire un autre usage dérivant de son objectif initial afin de satisfaire des intérêts spécifiques selon la logique clientéliste d’accès et de partage des ressources dans une perspective de survie. Cette perception du politique est largement répandue en Afrique poussant des dirigeants à faire mains basses sur les biens communs pour satisfaire les besoins de leur famille ou communauté, marginalisant et appauvrissant des populations, consignées à la résignation ou exposées à la répression
Ainsi, la contestation de cette forme de gouvernance est interprétée comme une remise en cause de leurs privilèges. Par conséquent, tous les moyens sont utilisés pour préserver la pérennité de ce système qui semble correspondre à une question de vie ou de mort. On ne lésine pas sur la mobilisation des ressources matérielles ou immatérielles pour corrompre et garder le pouvoir. Le constat est que la plupart de ces engagés politiques n’ont pas de métier, c’est par le truchement de la politique qu’ils sont devenus une « bourgeoisie comprador » pour reprendre le vocable des révolutionnaires marxistes. Ils résistent à tout changement pouvant anéantir leur place dans la configuration politique et sociale.
L’impérieuse valorisation de la culture démocratique
Cette nécessité de placer la culture démocratique au cœur de l’activité politique dépend d’une volonté clairement exprimée devant servir de canevas pour impliquer tous les acteurs dans la consolidation d’un cadre politique pacifié. Ce dernier ne peut être établi que dans la confiance restaurée, la crédibilité et la croyance aux idées qui fondent la République. Cela dit, la consécration de la démocratie, qui suppose la participation active de l’opposition dans les mêmes conditions que les autres acteurs, impose un modèle de comportement politique en cohérence avec des valeurs universellement partagées et celles relevant de notre histoire et culture. Certes, nous avons besoin d’institutions fortes mais la question est de savoir si nous disposons d’hommes truffés de valeurs et capables de les faire fonctionner de manière rationnelle. C’est dans ce sens que la culture démocratique trouve toute son importance en fonction de la capacité d’agir pour conforter la démocratie par des initiatives s’inscrivant dans les logiques qui ouvrent des perspectives dans la légalité et l’équité entre les acteurs politiques quelles que soient leurs convictions et références idéologiques. Pour que l’opposition joue sa partition dans un paysage politique répondant aux critères de régimes démocratiques, il faut un changement de paradigmes, dicté par le souci de préserver la stabilité et le contrat social existant dans certaines entités politiques afin de garantir l’avenir dans un environnement trouble.
Moussa DIAW, enseignant-chercheur en science politique, UGB, Saint-Louis.