Ce lundi 16 août, le producteur, le scénariste et 10 acteurs de la série à caractère pornographique «Cirque Noire» ont été arrêtés par la police. Ce, à la suite d’une plainte de l’Ong Jamra et du Comité de défense des valeurs sénégalaises. Une première au Sénégal. Une occasion pour Seneweb de revenir sur l’évolution du paysage audiovisuel sénégalais.
Quelle est la différence entre les téléfilms et les séries actuelles ? C’est à cette question que tente de répondre le réalisateur Mass Seck, l’acteur Lamine Ndiaye et Mame Mactar Guèye de l’Ong Jamra.
“Il faut faire la différence entre film et théâtre”, Mass Seck
Accusés d’avoir mis sur le marché de l’audiovisuel des séries dont le contenu laisse à désirer, certains producteurs, pour s’en défendre, ont eu à faire appel à des films sénégalais comme «Karmen Geï», «La Noire de…» ou «Tukki Bukki». Des productions dans lesquelles on retrouve des scènes érotiques.
A bien des reprises, Ibou Guèye, réalisateur de la série «Infidèles», a dit que non seulement Evenprod n’est pas le premier à produire ce type de contenu, mais aussi leurs séries ne font que montrer la réalité sénégalaise.
A cela, Mass Seck, réalisateur, répond qu’«il faut faire la différence entre film et téléfilm. Le film est destiné aux salles de cinéma, donc à un public déjà averti. Ce n’est pas le cas des téléfilms qui ont évolué pour donner naissance aux séries actuelles. Celles-ci sont destinées aux télévisions qui sont regardées par un public diversifié. En obtenant des licences, les télévisions ont un cahier des charges qu’elles doivent respecter. Parmi leurs devoirs, il y a l’obligation de diffuser du contenu qui respecte nos valeurs, notre culture et nos mœurs».
Lamarana, Lamine Ndiaye, Assane Fall… Ces scènes osées
Pourtant, dans les téléfilms sénégalais, on a eu à assister à des scènes sexuelles et choquantes. Nous pouvons citer celle jouée par l’acteur Lamarana Diallo. On l’y voit coucher sur un lit, torse nu et les tétons caressés par une femme. Quant à Lamine Ndiaye et Assane Fall, plus connu sous le nom d’«Azou le beau», ils ont eu à interpréter le rôle d’hommes efféminés. Si c’était de nos jours, certains auraient sûrement crié au sacrilège !
Interrogé par Seneweb, Lamine Ndiaye confie qu’il s’agissait juste d’un rôle. «Un personnage que j’ai interprété dans le cadre de mon travail. J’ai également été le premier homme à jouer le rôle d’une femme enceinte. C’est plus pour sensibiliser que pour promouvoir l’homosexualité. Le comédien est régi par 3P : la pensée, la parole et la plastique. Tout au long de ma carrière, j’ai mis en avant la réflexion avant l’action», déclare Lamine Ndiaye.
Aida Patra et Dj Boubs, les premiers à être censurés par le Cnra
Les recherches effectuées par Seneweb démontrent qu’avant «Infidèles» ou «Maîtresse d’un homme marié», il y a eu «Rendez-vous». A l’époque, Aida Patra y jouait le rôle d’une femme aux mœurs légères. C’est ainsi qu’elle a eu à jouer avec DJ Boubs une séquence jugée érotique par le Cnra. Par la suite, le téléfilm a été censuré. C’était en 2012.
«L’audiovisuel sénégalais a changé. Cela ne s’est pas fait d’un seul coup. Il y a eu beaucoup de travail qui a été fait par les acteurs du 7e art. Malheureusement, la tendance actuelle est que les publicités et l’appât du gain facile ont poussé beaucoup de personnes à tourner des séries pour avoir de l’argent. Le plus important n’est plus le contenu, mais les finances», estime Mass Seck.
12 acteurs arrêtés, une suite logique ?
Se prononçant sur l’arrestation des 12 acteurs de la série «Cirque noire», Mass fait savoir que «ce que l’on voit aujourd’hui, est la continuité des censures. Les producteurs ont vu qu’il faut choquer pour avoir des vues et être connus. Ceux qui l’ont fait ont juste, au pire des cas, été censurés. Malheureusement, ceux qui ont été arrêtés sont allés trop loin, en publiant une bande-annonce pornographique».
Pour Mame Mactar Guèye de Jamra, «c’est une victoire pour toutes les personnes qui mènent la lutte pour le respect de nos valeurs, de nos religions et de notre culture. Mieux, c’est une manière de montrer aux autres que ce n’est pas parce que leurs productions sont diffusées sur YouTube que la loi sénégalaise ne peut rien à leur encontre».
Pour terminer, Lamine Ndiaye estime qu’il faut que «ceux qui évoluent dans ce secteur se ressaisissent. Les séries doivent refléter notre culture, notre langue et être notre fierté, car elles sont regardées partout dans le monde».