De l’avis de Ndiaga Sylla, expert électoral, s’il est vrai que la loi interdit tout financement provenant de l’étranger, il est également avéré que cette disposition n’est nullement respectée par les formations politiques au Sénégal.
Que faut-il réellement retenir sur la réglementation du financement des partis politiques ?
Il est vrai que la dernière modification de la loi n°81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, intervenue en 1989, interdit tout financement provenant de l’étranger en application des dispositions de son article unique qui dispose que la dissolution intervient également dans le cas où un parti a reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal. Mais, force est d’admettre que cette disposition n’est nullement respectée par les formations politiques au Sénégal. Il en va de même de l’obligation du dépôt annuellement des états financiers par chaque parti politique.
Des exemples ?
Pour rappel, il y a quelques années, j’ai participé à un débat télévisé avec un responsable du parti présidentiel (Apr) qui se targuait de la capacité de leurs militants établis à l’extérieur à mobiliser des fonds en vue de contribuer au financement de la campagne électorale. Évidemment, j’avais tenu à préciser qu’une telle pratique est contraire à la loi. Toutefois, il me semble que, par-delà la motivation légitime de veiller à la préservation de la souveraineté nationale, il y a lieu de revoir cette disposition dès lors qu’à partir de l’adoption du Code électoral consensuel de 1992, les Sénégalais résidents à l’extérieur participent aux élections nationales. Au surplus, ces compatriotes élisent des députés dédiés à la Diaspora en vertu de la loi constitutionnelle issue du référendum de 2016. Aussi est-il paradoxal de constater que la révision constitutionnelle de 2001 tout comme celle de 2016 ont visé le système partisan sans que la loi relative aux partis politiques ne soit réactualisée.
Et le mode de financement des partis dans tout cela ?
J’ose croire que les conclusions auxquelles a abouti la commission cellulaire du dialogue politique permettront de disposer d’une législation actant la rationalisation du système partisan, le mode de financement direct des partis politiques ainsi que la création d’un organe indépendant chargé de leur régulation. L’expérience et la pratique ont fini de montrer qu’en l’absence d’un système de financement public direct, il est mal aisé d’opérer un contrôle judicieux des fonds des partis politiques. Du reste, cette situation favorise plus le parti au pouvoir et ses alliés. Le cas de feu A. Diack avec les fonds russes est encore là pour prouver que cette loi n’est pas respectée. Cependant, il est difficile de savoir l’origine de fonds détenus par un Sénégalais si on n’a pas de solides connexions extérieures. La preuve est que le Président Wade ignorait l’origine des fonds utilisés contre lui… À propos du concept “subsides étrangers”, l’on pourrait saisir l’esprit énoncé à l’exposé des motifs de la loi qui bannit “le financement par des subsides reçus de l’étranger “, et ne laisse subsister aucune équivoque. En tout état de cause, la loi, adoptée dans le contexte de l’instauration du multipartisme intégral, reste encore en vigueur bien qu’elle soit devenue désuète. Par conséquent, toute formation politique devrait s’y conformer.
Avec Tribune (Ablaye MBOW)