Le dialogue national serait-il un moyen commode pour le Président Sall de recycler et de légitimer les décisions de la majorité qui ne trouveraient pas l’assentiment de l’opposition ? C’est tout comme si l’on en juge par les récriminations qui commencent à se faire jour. Pourtant, le chef de l’État Macky Sall, présidant la cérémonie officielle d’installation des membres du Comité de pilotage du dialogue national, avait réaffirmé sa volonté de mettre en œuvre “toutes les conclusions consensuelles” qui naîtront de ces concertations. «Je serai à votre écoute, pour la mise en œuvre de toutes les conclusions consensuelles du dialogue national. Et j’ai instruit le gouvernement d’être à votre disposition dans l’exercice de la mission qui vous a été confiée», avait-t-il dit, en s’adressant aux membres de cette instance de concertation.
Seulement, la question qui s’impose de prime abord est de savoir qu’est-ce qui garantit que ces conclusions seront respectées ? Il ne faut pas occulter le fait que pour toutes les décisions qui ne seront pas consensuelles, il appartiendra au chef de l’État de légiférer. Et l’opposition risque de voir la majorité, comme à son habitude faire passer toutes les décisions litigieuses comme lettre à la poste. D’ailleurs, dans un communiqué, Aj/Pads rappelle ainsi la cruelle expérience vécue avec l’introduction du parrainage électoral. Le projet avait été introduit «au dialogue de 2017 et rejeté par la totalité des participants hormis la délégation du pouvoir et ses affidés, mais malgré tout, introduit à l’Assemblée nationale et voté dans les conditions que l’on sait».
Chat échaudé craignant l’eau froide, Aj a voulu mettre en garde «l’opposition et toutes les forces démocratiques et citoyennes» qui participent au dialogue contre l’intention prêtée à «la délégation de la mouvance présidentielle», d’introduire dans le dialogue politique, «un projet dont l’essence est d’enlever aux citoyens de Dakar le droit de désigner leur maire et de conférer au président de la République le pouvoir de nommer par décret une autorité chargée de conduire les destinées de la capitale».
Les camarades de Mamadou Diop Decroix s’offusquent du fait que cette question n’a jamais été discutée au cours des débats, et mieux encore, précisent-ils, «aucune commission n’a envisagé ce genre de question dans ses termes de référence». Ces craintes d’Aj sont d’autant plus légitimes que le Président Sall a l’habitude de rouler son monde dans la farine en le prenant tout le temps au dépourvu. Et aujourd’hui, il est très probable qu’il se serve du dialogue pour faire passer des décisions qui arrangent son camp. Étant donné que la décision ultime lui reviendra sur toutes les questions qui n’auront pas fait l’objet de consensus, il pourra légiférer selon sa convenance. Et l’on imagine mal le Président Sall qui s’est toujours illustré par des décisions unilatérales reculer quand il veut faire passer ses intérêts. Et puis aujourd’hui, ce n’est pas pour rien qu’il a coopté une quarantaine de personnes dans le dialogue. Ces personnes n’ont comme rôle que de faire des propositions destinées à baliser le chemin au Président Sall qui n’aura plus qu’à valider. Le dialogue national, un piège pour l’opposition ? Nous sommes tentés de le croire.