Dialogue politique – Les exigences de la Convention Citoyenne Neneen

 

 

 «Macky Sall doit prendre l’engagement solennel de faire appliquer les conclusions du dialogue»

 

Es qualités d’Inspecteur des Impôts et Domaines, le président de la Convention Citoyenne Neneen, Mamadou Guèye, nous apporte un éclairage afférant à la gestion de la question foncière sous le régime de Macky Sall. Il aborde, dans le même temps, l’épineuse question du dialogue national auquel il participe en tant que plénipotentiaire de l’opposition. Entretien.

 

Vous prenez part aux concertations  avec le ministre de l’Intérieur en tant que plénipotentiaire de l’opposition. Comment appréciez-vous la teneur du processus en cours ?

Je pense que l’appel au dialogue est une bonne chose en soi venant du pouvoir. Il n’était peut-être pas obligé de le faire mais je pense que pour apaiser l’espace politique, pour aussi donner des gages de bonne foi, il est heureux que le pouvoir ait organisé ce dialogue-là. Maintenant il faut des préalables. Pas des préalables que l’on pose comme des conditions sine qua none à la tenue du dialogue, mais il est primordial que toutes les parties puissent s’engager selon un code d’honneur à respecter les conclusions du dialogue. Que surtout le parti au pouvoir, notamment le président de la République puisse s’engager à appliquer et à faire appliquer les conclusions du dialogue. Si on  a ce préalable-là, toutes les questions qui ont pu mener à des divergences ou à des velléités de contestation pourront être réglées de la manière la plus transparence possible. C’est la raison pour laquelle nous avons pris l’option de ne pas bouder la table du dialogue. On y participe avec des propositions concrètes, pour dresser un diagnostic et trouver des solutions. C’est une position responsable que nous assumons, et il est aujourd’hui heureux qu’apparemment tout le  paysage politique s’inscrit dans cette dynamique de dialogue.

 

Il y a cependant une aile dure de l’opposition qui refuse catégoriquement de prendre part à cette concertation…

On verra bien dans les semaines ou les mois à venir. Je ne vais pas présager de ce qui va venir mais j’espère que la situation va se décanter. Je pense d’ailleurs que la meilleure des choses serait que tous rejoignent la table du dialogue parce que cela permettra  de poser les questions et d’y apporter des solutions. Il faut éviter en amont d’aboutir à une impasse. La possibilité nous est donnée de dialoguer, alors dialoguons. Mais faisons-le dans un environnement duquel pourra sortir quelque chose de positif. C’est la solution qui nous semble la plus responsable et qui nous semble aussi la plus à même de nous donner les gages d’échéances futures moins contestables. Parce que suite aux dernières élections législatives, personne – même les gens du pouvoir qui sont de bonne foi  – ne peut se satisfaire de ce qu’on a eu comme organisation. Ces élections ont été catastrophiques. De nombreux citoyens dûment inscrits ont été privés de leur droit constitutionnel de voter, des villes entières ont été laissées en rade et c’est un scandale.

Le dialogue ouvert avant les législatives n’a pas permis d’éviter que l’organisation du scrutin soit contestable et contestée. Ne doutez-vous pas de la bonne foi du pouvoir en perspective des échéances à venir ?

C’est tout le sens de faire prendre à l’autorité suprême un engagement solennel : de dire devant toute la nation qu’elle fera respecter les conclusions issues de ce dialogue. C’est un acte fort que l’on attend du président de la République. Je m’attendais d’ailleurs   que lors de la Déclaration de politique générale, le Premier ministre consacre un chapitre à l’évaluation des élections législatives, qu’il fasse le mea culpa du  gouvernement. Malheureusement ça n’a pas été fait, c’est très regrettable et ça ne donne peut-être pas les gages de bonne foi, d’ouverture pour prendre les mesures idoines afin que l’on n’ait pas de manquements similaires à l’avenir.

 

Le président Macky Sall a mis sur pied une commission nationale de réforme foncière depuis 2012 mais les travaux de celle-ci tirent en longueur plus que de raison. Quel lecture en faites-vous es qualités d’inspecteur des impôts et domaines ?

 

C’est très regrettable. Il s’agit là d’une réforme majeure dans l’optique de développement du Sénégal. Le foncier doit profiter à la nation. Aujourd’hui lorsqu’on voit la pente sur laquelle on semble s’inscrire, on a  l’impression que l’on privilégie le privé étranger à qui on donne des superficies énormes, alors que nous avons des possibilités, si on se projette sur 25 ou 30 ans, de création de richesses diversifiées si nous procédons par anticipation. Il faut faire en sorte que demain on ne puisse pas être sur notre territoire et y être des étrangers. Malheureusement si la tendance actuelle se poursuit, nos paysans, les enfants de ces paysans seront au meilleur des cas des ouvriers agricoles. Parce que la terre ne leur appartiendra pas, l’exploitation qui y sera faite leur sera étrangère. C’est une orientation forte sur laquelle le gouvernement devrait réfléchir avant de brader nos terres. D’ailleurs on voit tous  les scandales que  ça a créés et que ça continue de créer. Et ça va continuer de plus belle si on ne change pas d’orientation. Aujourd’hui moi j’ai peur quand je vois des centaines d’hectares octroyées aux étrangers et qui occasionnent des déplacements de villages entiers avec tous les problèmes sociologiques, sociaux que cela occasionne. Ce qui a été confié à la Cnrf est un travail colossal certes,  mais je pense que les orientations devraient précéder. Que l’on sache de quelle politique foncière nous voulons et que l’on se projette sur les décennies à venir de manière prospective. Et au-delà du foncier, on devrait sur tous les plans définir des axes de développement.

 

Toujours sur le plan foncier, la réserve de l’Aéroport international Léopold Sédar Senghor aiguise bien des appétits. Pensez-vous que les conditions sont réunies pour éviter que ces terres ne soient bradées ?

Si l’on se fie à la déclaration de politique générale du Premier ministre qui semble par contre être contredite par les faits, l’assiette foncière de l’aéroport va être gérée par l’armée. Les faits ne semblent pas corroborer une telle déclaration. Je ne vais pas présumer de bradage ou d’actes malveillants. Je préfère attendre que les faits éclaircissent notre lanterne. Dans quelques semaines ou dans quelques mois, on sera édifiés sur le sort de cette réserve foncière. Si elle est gérée en bon père de famille et que l’armée peut nous garantir que l’on pense aux générations futures et qu’on ne va pas  brader  ces terres-là, nous serons les premiers à applaudir des deux mains. Les pressions seront toujours là mais le gouvernement a la responsabilité d’être imperméable aux pressions et d’avoir une vision globale sur ce qu’il doit advenir de cette assiette foncière. On parle de cité des affaires, de beaucoup de projets  d’intérêt national les Sénégalais seront preneurs. Mais croyez-moi, si ces terres sont bradées au profit d’intérêts individuels, ce sera source de problèmes dont on ne mesure même pas l’ampleur.

 

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