Ils l’ont fait et ils sont à féliciter. La mission qui leur a été assignée est réussie avec brio et le monde entier leur déroule les honneurs de Yaoundé à Dakar. Les Lions de la téranga pour ne pas les nommer, ont rugi comme jamais ; ils ont fait peur et ont imposé leurs talents à leurs adversaires pour enfin rentrer à Dakar auréolés du trophée continental. Pour le moral d’un pays, le Sénégal avait bien besoin de cette victoire de nos Jambars du football. Le temps de taire, tant soit peu, les querelles politiciennes ; le temps d’oublier, avec regrets, nos autres Jambars retenus en otages par un mouvement rebelle dans le sud du pays. Mais au-delà de l’euphorie qui a occasionné des drames humains et des blessés à travers le pays, retour aux priorités urgentes. Retour aux urgences prioritaires occultées depuis trois jours par une victoire éclatante qui dissimule mal, un mal-être : la « défaite » des « gens-saignants » dont les grèves interminables paralysent un système éducatif boiteux.
Sur la question, les autorités restent aphones et la sortie de crise se fait attendre. Sans doute leurs enfants ne sont pas scolarisés dans ces établissements qui ne diffusent plus le savoir. Les potaches partent le matin et rentrent aussitôt sans rien apprendre. Pris en otages par un système qui renforce les inégalités sociales tant il dépeuple les écoles publiques au profit du privé. Des apprenants pris entre le marteau du gouvernement et l’enclume des syndicats d’enseignants qui avaient annoncé la couleur. Pour les honneurs, le geste du chef de l’Etat à l’endroit des Lions est à saluer, mais sans doute a-t-il été excessif pour superstars du ballon rond qui n’en demandaient pas autant, eux qui sont grassement payés par leurs clubs respectifs. Si l’Etat a pu aller aussi loin dans la satisfaction d’une « doléance » qu’aucun football n’a posée, alors il peut faire mieux pour satisfaire une partie des revendications légitimes des «gens-saignants» qui, eux, ne jouent pas – car on ne joue pas à l’enseignement -, mais forment nos élites d’aujourd’hui et de demain. Sans doute méritent-ils eux aussi les largesses d’un Etat qui gagnerait à éteindre le feu qui couve dans nos établissements en proie à un « en-saignement » supérieur comme élémentaire .