Élargissement du champ politique : Macky dos au mur

Le régime de Macky Sall a été présenté par ses opposants comme désireux d’éliminer ses adversaires par l’instrument de la justice. Mais cela ne lui pas servi pour éliminer le dernier, plus teigneux. L’élargissement du champ politique pourrait réduire la capacité de nuisance de ce dernier.

Le Forum du Justiciable a tenté de justifier son appel à une loi d’amnistie qui permettrait à des politiciens déchus de retrouver la plénitude de leurs droits politiques et judiciaires.
Beaucoup d’acteurs ont critiqué l’idée, et ni la majorité ni l’opposition ne la soutiennent ouvertement. Si l’on peut critiquer la forme, on peut se demander néanmoins si le pouvoir de Macky Sall n’a pas intérêt à approfondir la reflexion sur le bien-fondé de la proposition.
Car en vérité, le pouvoir Benno bokk yaakaar a-t-il encore un intérêt à maintenir Karim Wade et Khalifa Sall à la marge de l’arène politique nationale dans les circonstances actuelles ? En d’autres termes, le pouvoir de Macky Sall trouve-t-il toujours son compte dans le face à face qui l’oppose à Ousmane Sonko et à son parti Pastef actuellement ? Tout le monde a déjà relevé la forte capacité du pouvoir de Macky Sall à créer et à renforcer lui-même ses opposants avec une communication calamiteuse.

Qui a oublié qu’en 2012, lorsque le président Wade et son parti le Pds ont perdu le pouvoir, Karim Wade était l’un des hommes politiques les plus honnis de l’opinion sénégalaise. Il a juste fallu d’un procès «en sorcellerie» de détournement des deniers publics sur plus de 100 milliards de francs Cfa, par une instance judiciaire remise en selle pour l’occasion, et dont il était le seul prévenu, avec son comparse Bibo Bourgi, pour que des Sénégalais, criant au déni de justice, éprouvent de la compassion d’abord, et de la sympathie à son égard. Sentiments qui se sont renforcés après sa sortie de prison, quand il a été embarqué dans un aéronef de l’Emir du Qatar, affrété pour l’occasion, juste pour l’évacuer dans ce pays – sans qu’aucune explication ne soit servie à l’opinion sénégalaise !
Et pour Khalifa Sall ! Il faut se rappeler qu’en 2012, le leader de Takhawu Sénégal était un baron du parti socialiste, derrière Ousmane Tanor Dieng. Il était donc l’un des alliés de Macky Sall dans Benno Bokk Yaakaar, et aurait même pu devenir l’un de ses ministres, si Tanor, son mentor, avait jugé bon de présenter sa candidature au président de la République, en lieu et place des trois noms qu’il lui avait servis à l’époque. Barthélémy Dias, son lieutenant, a été sorti de prison, où il croupissait pour le meurtre de Ndiaga Diouf, par la grâce de l’arrivée de Macky Sall à la magistrature suprême. L’idylle a commencé à tourner au vinaigre quand l’Apr, ivre de sa victoire et remplie de morgue, a voulu traiter ses alliés comme des serfs. Le ministre Mbaye Ndiaye, avec le sens de l’à-propos qui le caractérise, n’a pas hésité à déclarer avant les Locales de 2014 : «Si Khalifa veut garder la Mairie de Dakar, il doit rejoindre l’Apr». La suite est connue de tous, car cela a fini par faire de Khalifa Sall un des plus fermes opposants à Macky Sall, et un allié de circonstance de Sonko.

Ce dernier a d’ailleurs bien profité de la propension du régime de Macky Sall à se servir de la justice pour éliminer ses opposants tout en épargnant ses fidèles. Pour éviter de se retrouver face à la justice, Sonko a su jouer de la tendance des Sénégalais à considérer tous ceux qui s’opposent au pouvoir comme étant des opprimés, en criant au complot à chaque tentative de l’Etat de le salir ou de l’emprisonner. Au point qu’il se sent aujourd’hui intouchable et se permet parfois de lancer impunément des appels à l’insurrection.
Sachant que les Sénégalais commencent à le considérer comme la seule alternative crédible à Macky Sall, Ousmane Sonko n’a aucun intérêt à voir aujourd’hui, s’élever dans l’opposition, un autre pôle de contestation, à côté de celui qu’il incarne. Ce n’est pas pour rien qu’il s’en est pris, lors de la campagne des Législatives, aux membres de la Coalition Aar Sénégal.
Ce n’est pas pour rien qu’il a lancé aux deux députés non-inscrits de cette législature une «injonction » à se joindre au groupe parlementaire de l’opposition. Donc à être sous ses ordres. On peut donc subodorer que, sans le dire de manière claire, il ne soutiendra jamais le combat de ses alliés de circonstance pour leur réhabilitation politique avant la fin du mandat de Macky Sall, de manière à leur permettre de se présenter à l’élection présidentielle… contre lui.
Ousmane Sonko ne peut garantir à personne qu’il sortirait victorieux de joutes électorales où il serait opposé à Karim Wade, Khalifa Sall et Macky Sall ou son champion. Ce qui l’arrange le plus, c’est que Macky Sall déclare sa volonté de briguer un autre mandat, considéré par une frange de l’opinion comme le mandat de trop. Cela lui permettrait de jouer sur le sentiment d’indignation, et d’espérer qu’il lui profite et lui permette de gagner la présidentielle sans coup férir. Le sentiment d’autisme politique de Macky Sall et de benno dans leurs rapports avec l’opposition ne sont donc pas blâmer pour gêner Ousmane Sonko.

Avec le QTD

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