L’île française de Corse vit depuis deux semaines au rythme des tensions provoquées par l’agression d’un célèbre prisonnier indépendantiste. En pleine campagne présidentielle, le gouvernement a évoqué mercredi la perspective d’une plus grande autonomie de l’île méditerranéenne à l’histoire mouvementée.
Le détonateur
Le 2 mars, à la prison d’Arles (sud-est), un détenu jihadiste a attaqué le plus célèbre prisonnier corse, Yvan Colonna, condamné pour l’assassinat d’un préfet, Claude Erignac, en 1998, une des plus retentissantes actions des nombreux mouvements indépendantistes de l’île.
L’ancien berger de 61 ans, qui demandait de longue date à purger sa peine en Corse, se trouve dans un état “gravissime”, selon son avocat.
Aux cris d’”État français assassin”, des milliers de personnes ont manifesté plusieurs fois sur l’île, donnant lieu à des heurts avec les forces de l’ordre.
France-Corse, une relation compliquée
L’île de 350.000 habitants est devenue française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle après avoir connu la domination de plusieurs royaumes européens et une brève période d’indépendance.
Profondément ancrée dans la culture française, elle a vu naître en 1769 l’un des Français les plus connus au monde, l’empereur Napoléon Bonaparte. Son statut a évolué au fil du temps, incorporée à la région de Marseille (sud-est) sur le continent, à un statut spécial octroyé au début des années 1990, présentant des similarités avec ceux d’autres territoires français dans les Caraïbes.
Depuis 2018, la Corse est une “collectivité territoriale”, cumulant les prérogatives des départements et des régions, deux échelons administratifs français, avec certaines compétences en plus comme le sport, les transports, la culture et l’environnement.
Selon un sondage Ifop la semaine dernière, 60% des Français sont opposés à une indépendance de la Corse, mais 53% sont favorables à “un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice”.
Que demandent les manifestants ?
Ils disent vouloir la “vérité” sur l’agression d’Yvan Colonna, le rapprochement des prisonniers corses détenus sur le continent, et faire évoluer le statut de l’île.
La reconnaissance du caractère officiel de la langue corse, aux côtés du français, est aussi une revendication récurrente d’une partie de la population.
“Il est urgent de construire avec la Corse une véritable solution politique”, a déclaré lundi à l’AFP Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, en commentant l’annonce par le gouvernement de l’ouverture d’un “cycle de discussions”.
Que propose le gouvernement ?
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin se rend mercredi et jeudi en Corse avec l’objectif de ramener le calme et offre la perspective d’une “autonomie” de l’île. “Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie. Voilà, le mot est dit”, a annoncé le ministre dans un entretien au journal Corse-Matin. Quelle forme prendrait cette autonomie? “Il faut que nous en discutions (…) Voir quel calendrier on peut mettre en place”, a-t-il ajouté.
Quel impact sur la présidentielle ?
À quelques semaines du premier tour de la présidentielle le 10 avril, le sujet n’a pas pour l’instant pris trop d’importance dans la campagne qui est de toute façon éclipsée par la guerre en Ukraine. Les candidats commencent toutefois à s’emparer du sujet. Valérie Pécresse, pour la droite, a accusé Emmanuel Macron de “céder à la violence”. “Il faut ramener l’ordre en Corse avant d’entamer les négociations”, a-t-elle affirmé. “Passer de l’assassinat d’un préfet à la promesse d’autonomie, peut-il exister un message plus catastrophique? Je refuse que le clientélisme cynique d’Emmanuel Macron brise l’intégrité du territoire français: la Corse doit rester française”, a tweeté Marine Le Pen (extrême droite), favorite des sondages pour affronter Emmanuel Macron au second tour. Le candidat écologiste Yannick Jadot s’est, lui, prononcé en faveur d’”une autonomie de plein droit”.