Entre la manœuvre politicienne et l’alternative citoyenne (Mamadou SY Albert)

Le Président de la République, Macky Sall, a été réélu par les électeurs sénégalais en février 2019 avec une majorité qualifiée de près de 58,26%. Le second mandat présidentiel est en cours. Le Sénégal est désormais entre la manœuvre politicienne classique et l’alternative citoyenne. Il faudra que la majorité politique républicaine choisisse une option stratégique pour les cinq ans à venir. Les questions sociales récurrentes feront difficilement bon ménage avec la manœuvre politicienne.

Après la réélection du Président de la République, Macky Sall, les problèmes fondamentaux des Sénégalais restent toujours et encore entiers. C’est le paradoxe de la situation politique post-électorale. Elle est quasi récurrente depuis des décennies politiques. Quelques mois après la reconduction du candidat-Président sortant, les difficultés rejaillissent ainsi sous des formes nouvelles. L’élection n’aura été qu’un moment de l’expression formelle de la démocratie électorale. C’est l’autre versant de la démocratie électorale. On vote par devoir citoyen, on proteste et se révolte par conviction citoyenne.

Les questions sociales, de plus en plus poignantes dans la vie de tous les jours, expliquent ce double visage du Sénégalais-électeur, en survie permanente. Ces questions sociales traduisent, à n’en pas douter, le niveau de vie et du développement du pays. Ce sont des indicateurs constants du vécu commun de franges importantes des populations. Elles ont trait à l’éducation, aux soins de santé, au transport public ou privé, et à la satisfaction des besoins primaires, en l’occurrence manger, se loger, s’habiller et travailler.

La dernière fête de Tabaski vient juste d’administrer une piqûre de rappel, à une échelle grandeur nature, des difficultés énormes de la famille sénégalaise à accomplir les exigences d’une grande fête de la religion musulmane. Le malaise du mal-vivre sénégalais se mesure par l’ampleur de l’impact de ce social étouffant des familles entières, et par la densité de l’angoisse sociale, collective, et individuelle des Sénégalais. Cette angoisse est singulièrement ressentie au niveau de la cellule familiale, dans les quartiers et dans les lieux de travail.

Personne ne sait plus de quoi demain sera fait, après les élections régulières. Pendant ce temps du marasme corrosif du tissu social et culturel, les spoliateurs de l’économie, des finances publiques et de la terre, règnent en “maîtres absolus” à la tête des destinées du Sénégal. Ils ont chassé des pans entiers des  populations de nombreux quartiers historiques de Dakar. Ces familles désemparées et esseulées ne savent plus où habiter. Ils ont réduit le travailleur à un éternel citoyen à la quête de sa dépense quotidienne.

En dépit de l’image positive d’un pays démocratique, où des élections se déroulent normalement et dans la paix, les hommes et femmes politiques, au pouvoir ou dans l’opposition, s’éloignent du traitement salutaire des questions sociales, et du sort des populations. Le jeu politique se transforme progressivement en un mécanisme de clivage de la société politique et de division prononcée de la société sénégalaise. La majorité gouverne,  l’opposition cherche, vaille que vaille, le climat apaisé lui permettant de jouer pleinement sa fonction critique et de proposition.

Ce tableau de bord des réalités du Sénégal, plombé par ses propres difficultés, est connu des gouvernants et des adversaires du régime républicain. La manœuvre politicienne demeure ce qui empêche le Sénégal de prendre conscience de ses réalités sociales et de la souffrance de son peuple. L’alternative citoyenne est une option stratégique à la portée du pouvoir et de son opposition. Elle consisterait, aujourd’hui, à mesurer l’échec massif de la manœuvre politicienne. Elle a été mise en œuvre sous les régimes socialistes, libéraux et républicains. Elle n’a guère apporté les changements indispensables attendus par le peuple souverain.

Les Sénégalais s’illustrent, d’une élection à l’autre, avec fierté et dans leur détermination citoyenne à changer la nature du régime “politicien” et le visage monstrueux de ce Sénégal. La défaite des deux grands partis historiques du Sénégal en mars 2000 et en mars 2012, que sont le Ps et le Pds, traduit ce degré de maturité citoyenne insoupçonné chez les acteurs politiques, aspirant ou dirigeant le Sénégal. L’Alliance pour la République et la coalition Benno bokk yakaar, soutenant l’action du Président de la République, Macky Sall, devraient se rendre à l’évidence : la manœuvre politicienne finit toujours par accoucher ses propres limites politiques et son impuissance à changer les réalités.

La conscience citoyenne grandissante, dans les villes et dans le monde rural, est à la fois imprévisible et irréversible. Elle surprend les amateurs politiciens à tout moment dans le calendrier républicain. Les pouvoirs socialistes et libéraux, si puissants de façade à des moments de l’histoire politique du Sénégal, l’ont appris un jour. Les questions sociales récurrentes, et l’art de la manœuvre politicienne, ne font jamais un bon ménage. Le divorce avec le peuple, le seul souverain, est toujours violent ; en raison des frustrations sociales accumulées, des angoisses collectives et individuelles d’une nation meurtrie.

 

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