Secrétaire général de l’Association des maires du Sénégal et premier magistrat de la commune de Ngoundiane, Mbaye Dione est d’avis que les critiques contre le soutien témoigné à Aliou Sall suite à l’affaire Petrotim ne se justifient pas. Il aborde, du reste, les élections locales qui se profilent. Entre parrainage, caution et éventuel report…
Par Mohamed NDJIM
Un report des élections locales pourrait découler du dialogue national, à contrecourant du respect du calendrier républicain. Quelle forme de pertinence cela pourrait-il avoir ?
Je pense que dans une démocratie normale la règle c’est de respecter le calendrier républicain. Mais le président de la République a lancé un appel à toute la classe politique, mais également aux acteurs de la société civile et du milieu économique ; et naturellement, ces discussions risquent d’engendrer des changements qui découleront de consensus forts entre les différentes parties. Il y a des questions qui ont toujours été agitées par l’opposition et sur lesquelles le président de la République et la majorité qui gouverne pensent que s’il y a des axes de convergence, il n’y a pas de raison pour qu’on ne les retienne pas. Elles sont multiformes, elles sont d’ordre politique, elles sont d’ordre économique et c’est ce qui a fait que ce dialogue a été lancé. Naturellement, si des consensus sont trouvés et que cela devait impacter sur le calendrier républicain, je ne vois aucun inconvénient pour qu’on puisse proroger de quelques mois, pour permettre aux gens d’être en phase et surtout de pouvoir appliquer ces recommandations. Maintenant, si les gens pensent que les élections peuvent être tenues au 1er décembre, je n’y vois aucun inconvénient non plus, parce que la règle dans une démocratie c’est le respect du calendrier. Cependant, si un décalage devait permettre de tenir compte de certains acquis qui seraient obtenus au cours de ce dialogue national, ce serait une bonne chose. Par contre, ce qu’il ne faudrait pas encourager, c’est des reports sur des durées très longues qui ne se justifient pas. À mon avis, ce serait verser dans l’illégalité et ce n’est pas encourageant pour une démocratie, surtout celle du Sénégal qui a quand même fait preuve de maturité.
Vous parlez de consensus, mais le parrainage avait posé problème lors de la dernière présidentielle… Comment éviter une situation similaire ?
Je pense que le débat sur le parrainage a été posé bien avant même son application. L’Assemblée nationale l’a voté, cela a été appliqué lors de la dernière présidentielle et ça a donné ses résultats. Ce qu’on a vécu lors des élections locales de 2014, mais également lors des élections législatives de 2017, montre que le parrainage a sa pertinence. Maintenant qu’il faille l’améliorer autour des discussions dans le cadre de ce dialogue, moi je n’y vois aucun inconvénient. Mais je suis persuadé que c’est le meilleur filtre qu’on a pu avoir pour permettre de rationaliser les élections, de réduire les charges qui ont malheureusement été onéreuses pour des candidatures qui n’avaient pas leur raison d’être. Je pense que le parrainage il faut le maintenir, quitte à rediscuter les contours, les modalités ainsi que les formes d’application.
Un autre filtre porte sur la caution qui pourrait être portée à 10 millions. Quel est votre avis sur cette question ?
Je n’ai pas encore lu la documentation mais j’ai lu des informations dans la presse qui disent que la caution est de 10 millions pour les communes et 10 millions pour les départements. Si c’est pour une coalition de partis qui envisage de présenter une liste dans l’ensemble des communes du Sénégal et l’ensemble des départements, et que pour cela la coalition doit verser 10 millions pour l’ensemble des communes et 10 millions pour l’ensemble des départements, ça me paraît extrêmement raisonnable. Je pense même que c’est un peu faible. Par contre, si c’est 10 millions pour chaque commune et 10 millions pour chaque département, ça risque d’être très lourd. Ma compréhension, c’est que c’est 10 millions pour les communes et 10 millions pour les départements pour l’ensemble des coalitions sur l’ensemble du territoire national ; ce qui me paraît très raisonnable. Maintenant, les gens qui ne pourront pas présenter une caution de 10 millions pour leur liste n’ont pas de raison d’aller aux élections.
Serez-vous candidat à votre propre succession à la mairie de Ngoundiane ?
Je suis à mon deuxième mandat en tant qu’élu local, mais à mon premier mandat de maire. Depuis 10 ans je travaille à la tête de l’ancienne commune de Ngoundiane et actuellement à la tête de la mairie. On a fait des choses très appréciées, mais il n’y a pas une œuvre humaine de parfaite. Aujourd’hui, nous avons, avec l’équipe qui m’accompagne depuis 2009, fait des choses extraordinaires pour la commune de Ngoundiane qui en font une commune modèle à bien des égards : au niveau des infrastructures, au niveau du cadre de vie, au niveau de l’accompagnement des couches défavorisées. Aujourd’hui nous avons d’autres ambitions, des projets structurants, surtout qui vont créer de la valeur ajoutée. Et si Dieu fait que les populations m’accordent encore leur confiance, j’ai envie de continuer ce travail avec l’équipe qui m’accompagne pour parachever ce travail. Mais naturellement, je fais partie des gens qui pensent que nous devons réfléchir à une limitation des mandats parce que ça permet également de rationaliser le jeu démocratique, de renouveler la classe politique. Autant j’ai envie d’accompagner encore Ngoundiane, autant je pense qu’il arrivera un moment où, même si on veut continuer, les textes vont nous obliger à arrêter ; ce qui permettra de rationaliser le jeu politique.
Vous êtes membre de l’Afp et de Bby. Comment les formations politiques qui composent cette coalition devraient-elles prendre part aux Locales ?
Je pense que l’Afp est dans une dynamique de consolidation du bloc Benno bokk yakaar. Ça été dit, réaffirmé, et nous y travaillons. Nous sommes dans une entité victorieuse depuis 2012, il n’y a aucune raison pour que cette dynamique soit changée. Aujourd’hui c’est l’heure des grandes coalitions et la coalition Bby a fait preuve de maturité. Naturellement, dans cette unité on doit respecter les valeurs des uns et des autres. Là où l’on pense que c’est avec l’Afp que l’on a beaucoup plus de chances d’avoir des leaders qui gagnent, on doit soutenir l’Afp. Il en va de même en ce qui concerne la Ld, le Ps ou l’Apr pour pouvoir consolider le bloc, respecter les intérêts des uns et les autres, mais surtout travailler dans une dynamique globale qui respecterait les acquis de la coalition.
Quel regard portez-vous sur les critiques émises contre l’Ams ?
Il n’y a pas une œuvre humaine de parfaite. Les gens ont tendance à faire de l’amalgame entre l’ancienne Ams qui regroupait 157 communes et l’Ams d’aujourd’hui qui fait 557 communes. Dans l’ancienne nomenclature, il y avait l’Ancr, l’Association nationale des communautés rurales d’une part et l’Ams d’autre part. Aujourd’hui l’ensemble de ces collectivités se retrouvent au sein d’une même entité. Par la grâce de Dieu, un bureau a été élu dont je suis le secrétaire général, et nous faisons de notre mieux pour être au service des collectivités. Bien entendu, l’Ams n’est pas un syndicat, l’Ams n’est pas un bailleur de fonds qui donnera des moyens aux communes. Mais l’Ams est une association qui fédère les maires et les communes pour prendre en charge leurs préoccupations : en termes de plaidoyer, en termes de lutte par rapport à certaines doléances qui portent surtout sur le statut de l’élu local, la mise à disposition des ressources à temps pour les collectivités, l’augmentation de ces ressources, la revalorisation de la fonction de maire et d’adjoint au maire, mais également la fonction publique locale. C’est un ensemble de préoccupations sur lesquelles nous avons des dossiers de plaidoyer. Maintenant que des gens ne soient pas d’accord c’est leur droit le plus absolu. Ce qui est évident c’est que moi je faisais partie de l’ancienne Ancr qui n’a jamais déposé de bilan. L’Ams aujourd’hui dans son fonctionnement vote son budget, approuve ses comptes. L’Ams se réunit régulièrement pour prendre des délibérations. L’Ams se prononce sur toutes les questions qui touchent tous les maires du Sénégal, quelle que soit leur position, sans pour autant s’ingérer dans les dossiers judiciaires, car ce n’est pas notre rôle. Chaque fois qu’un maire a eu des difficultés l’Ams lui a marqué sa solidarité, l’a soutenu et l’a accompagné.
Pour en revenir à ces critiques, le maire de Mermoz Sacré-Cœur Barthélemy Dias a démissionné pour s’opposer au soutien de l’Ams à son président Aliou Sall, suite à l’affaire Petrotim. Que pensez-vous de sa position ?
C’est son droit le plus absolu. La liberté d’association est une constante. Barthélemy Dias est libre de s’affilier ou de se désaffilier de l’association. Ce qui est évident, c’est que quand Barthélemy Dias a été convoqué dans le cadre de son procès (suite au meurtre de Ndiaga Diouf, Ndlr) l’Ams a produit un communiqué pour lui manifester toute notre solidarité, et exiger que ses droits en tant que parlementaire d’alors soient respectés. Quand le maire Bamba Fall avec qui j’ai d’excellentes relations comme avec Barthélemy a eu des problèmes dans son parti et qu’il allait y avoir un impact dans sa mairie, depuis Saly où nous étions en conclave, nous avions sorti un communiqué pour lui manifester notre soutien. Quand le maire Khalifa Sall qui est un grand frère pour nous tous a eu maille à partir avec la justice, l’Ams lui a apporté son soutien pour dire que nous voulions que ses droits soient respectés et qu’il bénéficie d’un jugement équitable. Quand le président Aliou Sall a été attaqué, l’Ams, sans pour autant s’ingérer dans son dossier, lui a manifesté son soutien. Nous n’avons pas dit qui a tort ou qui a raison, mais quand notre pair a des difficultés, nous avons l’obligation de lui apporter notre soutien. Ce n’est que justice. Maintenant, quand hier, on n’a pas bénéficié de la solidarité de l’Ams sans la renier, je pense que ce n’est pas juste d’émettre des critiques quand un autre en bénéficie aujourd’hui. Je peux défier quiconque, les archives sont là : on a soutenu tous les maires qui ont eu des difficultés sans pour autant accuser ou être l’avocat du diable. Notre devoir c’est de dire : «c’est notre homologue qui a des difficultés, manifestons lui notre soutien, renforçons-le pour lui donner les moyens de se battre avec ses avocats, avec son argumentaire pour sortir honorable de ces difficultés». C’est ce que nous avons fait, que les autres ne soient pas contents, j’avoue que vraiment on respecte leur position – mais cela ne va pas nous empêcher demain, si un autre maire a un problème, et Dieu sait qu’il y en aura, de lui témoigner notre soutien.