Un chef de parti singulier. En dépit de la forte personnalité et de son influence sur le cours de l’histoire politique durant les décennies des alternances sénégalaises survenues en mars 2000 et en mars 2012, l’ancien Secrétaire général du Parti pour l’indépendance et du travail, aura été un conseiller du pouvoir dans la discrétion totale. Jamais, ce responsable n’a mis dans l’espace public des conflits internes à sa formation ou a remué le ciel du monde et la terre sénégalaise ou africaine pour exercer des fonctions de Président de la République. Ministre de la République, il sera un discret collaborateur influent de chef de gouvernement et du chef d’État en exercice. Son secret résiderait dans le fait qu’il fait partie des acteurs politiques qui ont démythifié le pouvoir politique. Un homme averti des aléas insondables du jeu d’intérêts politiques partisans très mouvant au gré de circonstances fluctuantes.
Militant politique, responsable de parti politique, acteur des alternances des années 2000, Amath Dansokho constitue assurément, une des fortes figures marquantes de la gauche révolutionnaire sénégalaise et du continent africain. Il capitalise par son expérience personnelle militante, par son engagement auprès des acteurs se réclamant des peuples du changement, des expériences significatives de la lutte pour la souveraineté politique et économique des peuples africains et sénégalais en lutte. Cette expérience politique très riche en enseignements dans et pour le militantisme, pour la défense de la justice sociale et le changement de gouvernance au sommet de l’État, fait du Ministre d’État sous le règne de la seconde alternance et de sa formation politique, des acteurs influents, écoutés et aimés du peuple.
Évidemment, l’influence politique d’Amath Dansokho ne se mesure guère par des paramètres électoraux classiques, notamment, les pourcentages des suffrages exprimés par les électeurs. Contrairement aux deux grands partis historiques du Sénégal que sont le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais, le Parti pour l’indépendance et le travail a choisi,à l’instar du reste des partis de la mouvance de la gauche révolutionnaire post-indépendance, de mener une rude bataille d’opinion et d’influence.
Le contexte politique avant et après l’indépendance fortement marqué par la présence de l’ancienne puissance française colonisatrice du Sénégal, la puissance de feu du Parti-État et le règne souvent autoritaire et sanglant de la pensée unique du Président Léopold Sédar Senghor, sera une contrainte majeure pour des pans entiers du mouvement révolutionnaire. Durant près de deux à trois décennies, les partis de la gauche révolutionnaire, seront contraints et forcés de mener la lutte de l’achèvement de l’indépendance et des libertés publiques, sous des formes intelligentes associant la clandestinité et l’exploitation judicieuse des libertés publiques accordées par le pouvoir suivant le rapport de forces inégales entre le pouvoir et ses adversaires. Amath Dansokho et de nombreux responsables de la gauche éparpillées entre diverses obédiences marxistes, organiseront à l’ombre, des luttes sociales et syndicales. La gauche révolutionnaire aura au moins réussi à organiser le mouvement des élèves, des étudiants et des secteurs du monde du travail.
C’est probablement, cette forme de lutte à la fois clandestine et ouverte qui façonnera le destin des hommes et des femmes des partis de gauche. Ils engageront la lutte de la légalité républicaine malgré un rapport de forces très favorable à la majorité présidentielle socialiste. Puis le multipartisme survint au début des années 1980. Le nouveau contexte d’ouverture démocratique pluraliste correspond à l’irruption de l’image d’Amath Dansokho dans les espaces publics et médiatiques. Il sera singulièrement visible pendant le règne du dauphin du Président Senghor, en l’occurrence, le Président de la République, Abdou Diouf. Il sera un acteur incontournable du jeu politique polarisé entre le Président en exercice et son principal adversaire, notamment, Me Abdoulaye Wade, Secrétaire général du Parti démocratique sénégalais.
Amath Dansohko acceptera sans illusion d’intégrer la majorité présidentielle élargie du Président Diouf. Quand il s’agira de relever la mal gouvernance socialiste, il sera défénestré de son poste ministériel. Le scénario est quasi identique quand l’ancien chef de l’opposition sera porté au pouvoir. Il quittera la première alternance en raison de divergences profondes dans la conduite des affaires publiques. Amath Dansokho est l’expression de ce symbole d’un responsable politique indépendant des partis alliés, des Présidents en exercice et des majorités politiques ne travaillant dans la perspective de l’amélioration des conditions de vie du peuple sénégalais. C’est à la fois sa faiblesse et sa force d’influence.
Le prestige, la jouissance, l’enrichissement personnel ou des partisans de son organisation, ne semblent pas avoir été au cœur de son engagement politique militant. Il est resté modeste, simple, toujours proche de son peuple en souffrance par son comportement, par son mode de vie et par sa pratique sociale humaniste et désintéressée des calculs d’intérêts partisans. Cet homme politique est resté révolutionnaire dans l’âme. Il a démythifié le pouvoir et la richesse matérielle. Il restera un homme de culture politique révolutionnaire, d’ouverture et de fermeté sur les principes d’une gouvernance démocratique au service des intérêts du Sénégal, de l’Afrique et du monde. Un modèle communiste dans l’âme a quitté la planète terre.