La Cour des comptes, dans son rapport publié hier, se demande si la Miferso a encore une utilité, depuis la création de la Société des mines du Sénégal (Somisen), à la tête de laquelle vient d’être placé M. Ngagne Demba Touré, connu pour être un greffier particulièrement vocal pour la cause du leader du parti Pastef, M. Ousmane Sonko. Le rapport de la Cour des comptes, qui porte sur la gestion 2014-2018 de cette compagnie, se désole de ce que, «aujourd’hui, 46 ans après, aucun gramme de fer n’est extrait de nos importantes réserves estimées à 750 millions de tonnes dont 650 millions de tonnes prouvées». Le rapport constate que «des investisseurs étrangers se sont intéressés à l’exploitation, mais aucun projet n’a abouti jusqu’à présent en raison de la résiliation du contrat par l’Etat ou de l’abandon du projet par l’investisseur.
Il est à noter, cependant, que seule la piste de l’exploitation par des privés est mise en branle, même si l’Etat doit réaliser certains investissements lourds». Les magistrats de la Cour des comptes se permettent même une comparaison avec la Mauritanie, «qui a créé sa société d’exploitation durant les années 60, la Miferma devenue la Snim, la Société nationale industrielle et minière, qui est depuis des décennies productrice de fer. La Snim exploite une ligne de chemins de fer longue de 704 km, reliant les mines de fer de Zouerate au Port minéralier de Nouadhibou. Cette société est le deuxième employeur du pays et contribue à hauteur de 30% au budget national».
D’où la déduction des rapporteurs selon laquelle «il y a lieu de s’interroger sur les stratégies privilégiées jusqu’à présent, à savoir trouver un partenaire privé capable d’exploiter le fer».
Le rapport en a profité pour rappeler les deux conflits qui ont opposé l’Etat du Sénégal, à travers la Miferso, à deux grandes multinationales, à savoir la Sud-Africaine Kumba Resources, pour rupture abusive de son contrat, et la Franco-Britannique Arcelor Mittal, pour non-respect de ses engagements. Ces deux affaires seront réglées devant les tribunaux compétents, et si le Sénégal se voit condamné à indemniser les Sud-Africains, il gagnera son procès face à Arcelor Mittal. Néanmoins, cette dernière affaire connaîtra de gros remous au Sénégal, parce que des personnes trop intelligentes estimeront que le pays aurait été lésé par rapport à ce qu’il a fini d’obtenir de la multinationale britannique. La Cour des comptes elle-même indique que les avocats de l’Etat avaient à l’époque estimé que le Sénégal aurait dû récolter 2 mille 500 milliards de francs Cfa de Mittal, au lieu des 75 milliards qu’il avait fini par obtenir. Néanmoins, on peut estimer que le pays n’a pas perdu grand-chose, en dehors du temps, parce que ces indemnités lui avaient permis de désintéresser Kumba Resources (avec 35 milliards de francs Cfa) et de récupérer ses études techniques, estimées à 25 milliards de francs Cfa. Ce qui le met en position de force en cas d’ouverture de négociations pour une éventuelle exploitation de ce fameux minerai.
En dehors de cela, souhaitons simplement que la Somisen n’a pas hérité des tares de la Miferso, telles que relevées dans le rapport de la Cour des comptes, et surtout que les nouvelles autorités, dans leur volonté de relancer ce projet, tiendront compte des desiderata des populations concernées. On sait ainsi que pour relancer l’exploitation des mines de la Falémé, l’Etat veut faciliter la création d’un port minéralier à Bargny, ainsi que l’implantation d’une aciérie montée par les Turcs de Tosyali, juste à côté.
La Cour des comptes se demande pourquoi, depuis 2018, ce projet n’a pas été mis en place, alors qu’il est l’un des piliers majeurs du développement économique du pays, tel que pensé par le Plan Sénégal émergent (Pse). Il demande aux autorités compétentes de tout faire pour relancer rapidement le projet d’exploitation de ce minerai. Mais rien n’est dit, par exemple, des réticences des populations de Bargny et Sendou, lieux d’implantation de l’usine sidérurgique et du port minéralier, de voir ces projets sortir de terre.
AVEC LQ