Court-métrage de 26 minutes, « Au nom du sang » se présente comme un témoignage cinématographique bouleversant qui aborde la problématique des violences sexuelles au Sénégal.
Réalisé par Mamyto Nakamura et produit par Lalia Production, « Au nom du sang » se déroule dans la sphère familiale. Il met en avant le ressenti de deux sœurs violées à tour de rôle par leur oncle paternel et les drames qui en découlent.
Volontairement choquant – pour marquer les esprits – l’arc narratif plaide en faveur d’une meilleure prise en charge post traumatique des victimes de violences sexuelles. Il aborde également, en filigrane, les tabous sociaux, la pression ou encore la crainte de la stigmatisation qui pèsent sur les victimes et leurs proches.
Présente lors de la diffusion en avant-première de ce court-métrage de 26 minutes, vendredi dernier à la maison de la Culture Douta Seck, la réalisatrice porte le plaidoyer pour le respect des droits des filles et des femmes. Elle-même marquée au fer rouge par des faits similaires dans la réalité, Mamyto aborde ce film comme un partage d’expérience, une lutte contre un fléau social mais aussi comme un exutoire, une thérapie, pour ne pas dire une catharsis. « Je suis militante féministe, je milite pour le Réseau des Féministes du Sénégal. Ce film est un élément à ajouter à notre cause. On a voulu le faire pour dire non, tout simplement, dire stop. En tant qu’artiste et en tant que militante, je ne peux qu’utiliser mon art. C’est pour cela que j’ai fait ce court métrage de 26 minutes autoproduit pour tout simplement faire passer le message. Pour moi le plus important c’était que le message puisse exister, qu’on puisse dire que “Au nom du sang” a dénoncé les violences sexuelles et aussi donné l’occasion aux survivantes – on ne dit plus victimes, mais aux survivantes de violences sexuelles – l’occasion de s’exprimer, l’occasion de se libérer de ce fardeau, parce que c’est très, très lourd de le porter pendant X années » confie Mamyto Nakamura. Elle s’exprimait à l’issue de la projection du film suivie d’un panel sur la prise en charge post traumatique de survivantes de violences sexuelles auquel ont pris part Dr Selly Ba, sociologue, et Madjiguène Sarr Bakhoum membre de l’association des femmes juristes du Sénégal.
Plaidant en faveur d’une société plus juste et plus égalitaire, Mamyto Nakamura invite les familles, plus particulièrement les enfants, à faire montre de vigilance. « J’ai envie de dire aux mères : faites attention aux enfants. Il faut aussi lever le voile, tout simplement parce qu’un tabou qui par la suite devient un danger pour l’enfant ce n’est plus un tabou » souligne-t-elle.
Madjiguène Sarr Bakhoum de l’Ajs, coordonnatrice de la boutique de Droit de Pikine, abonde dans le même sens. Elle présente des statistiques alarmantes. Selon elle, 21 % des cas traités par la boutique de droit de Pikine portent sur des violences sexuelles. 60 à 70 % des viols se passent au sein même des ménages et 37 % des violeurs font partie des proches des victimes, ce qui est paradoxal dans la mesure où la famille est censée être un havre de protection pour les enfants. En dépit des avancées découlant de l’adoption d’une législation qui criminalise et le viol et la pédophilie, la juriste estime que le Sénégal devrait faire mieux en se dotant d’une véritable politique de la famille.
Dans le même sillage, la sociologue Selly Ba pointe du doigt un déficit de prise en charge. « La prise en charge mentale est le maillon faible. La santé mentale, de manière globale au Sénégal, reste le parent pauvre des politiques publiques sanitaires. La famille qui devait jouer ce rôle-là d’écoute, d’accompagnement, ne joue plus comme il se doit ce rôle. Nos familles changent, nos sociétés changent et malheureusement on n’a pas de réponse de politique. On n’a pas une politique de la famille adéquate. On a besoin vraiment de politiques carrément orientées vers l’humain, vers la famille. Et je pense que ça, c’est une grosse réponse qui est attendue. Vu qu’on est en période plus électorale, il faudrait que dans les programmes des candidats on puisse tout ramener à l’humain » recommande-t-elle.