Focus sur le Sénégal des lourdeurs administratives (Mamadou SY Albert)

Les lourdeurs administratives constituent la source véritable du mal de l’État central. Elles sont au cœur de la Présidence de la République, des ministères publics et leurs différents démembrements nationaux locaux et inter-étatiques. La principale victime de ces pesanteurs décriées depuis des décennies est, encore et toujours, le pauvre citoyen. Pour sortir de ce cycle infernal, il faut disposer d’un bras long ou corrompre souvent à toutes échelles de la chaîne de commandement. Le développement du Sénégal sera certainement fonction des capacités de l’État à rompre avec des habitudes ancrées dans la culture de la gouvernance administrative apprivoisante.
Lourdeurs administratives ! Cette expression revient assez souvent à chaque fois qu’un sénégalais est confronté à l’accès à un service public, ou à chaque fois que des travailleurs en fonction attendent infiniment un acte administratif de l’autorité en charge du dossier. La Présidence de la République, les ministères publics, les autorités à d’autres échelles du pouvoir de décision administrative, constituent les artisans principaux de ces lourdeurs administratives que les Sénégalais dénoncent depuis des décennies. Ces lourdeurs contre-productives se manifestent sous des formes très variées. Les décrets d’application sont un exemple de lourdeur au sommet de l’État. Ils mettent du temps à sortir du Palais présidentiel. Après le vote d’une loi par l’Assemblée nationale, les services administratifs compétents de l’appareil d’État prennent le temps de passer à la loupe la loi, sa mise en œuvre et ses effets juridiques, administratifs et organisations. Présentement, ils sont nombreux dans les rangs des travailleurs qui attendent la mort dans l’âme une sortie de décrets d’application du Président de la République. Les Ministères publics reproduisent à une échelle notoire les lourdeurs administratives. Les exemples de lourdeurs administratives ministérielles sont nombreux. Ils sont tous ou presque pris dans cet engrenage institutionnel.
On peut en citer : la situation des enseignants, des agents du ministère de la Santé qui attendent soit, des décrets d’application, soit des arrêtés et des décisions de reclassement, de paiement de droits et indemnités acquis. La réponse à cette attente est connue d’avance. Le dossier est dans le circuit administratif. Entre les lourdeurs administratives de la Présidence de la République et celles des ministères publics, on finit par accepter et par composer les lourdeurs administratives. C’est le ressenti le mieux partagé par les agents fonctionnaires, les prestataires de services et les citoyens désemparés. Les lourdeurs administratives sont aussi intégrées dans le fonctionnement normal de l’État, dans les mentalités. D’autres victimes des lourdeurs sont ces populations déplacées et/ou déguerpies pour des raisons d’utilité publique.
Ces populations contraintes de céder à la demande à la demande de l’État acceptent de gré ou de force de quitter des lieux qu’elles ont occupés des décennies et des décennies. Certaines de ces populations déplacées   attendent des mois et des mois des indemnisations et des sites pour recommencer la vie ailleurs. Elles vivent un véritable drame social et culturel en raison de ces lourdeurs administratives, bancaires et financières. Les lourdeurs administratives sont aussi présentes dans le fonctionnement des mairies, des services décentralisés de l’État. Le Sénégal fait partie ainsi des pays où les lourdeurs administratives produisent un mal vivre et un mal administratif. Les conséquences de ces lourdeurs administratives sont énormes.
Pour sortir de ces lourdeurs administratives, il faut que le citoyen ait des connaissances, des réseaux administratifs et des brans longs. C’est la condition indispensable pour accéder aux services publics moyennant naturellement quelque chose en retour. C’est ainsi que le pays fonctionne au su et au vu de l’autorité, des populations et des acteurs politiques. La relation ou le marchandage sont désormais les deux principaux leviers pour contourner les rouages bloquant de la machine étatique.
Dans le premier cas de figure, la relation est parentale, professionnelle ou politique. Dans le deuxième cas de figure, il faut payer le service. Les lourdeurs administratives ont mis l’administration publique dans une logique contre-productive redoutable. L’accès aux services publics dépend de l’influence du demandeur et des moyens financiers de celui qui sollicite un service public. La corruption de toute la chaîne de commandement de l’administration centrale et locale résulte de ces pesanteurs des lourdeurs administratives. Le développement du Sénégal est illusoire dans ce contexte favorisant les lourdeurs administratives et la corruption. Sortir de ce cycle infernal des lourdeurs administratives est une des conditions indispensables pour mettre le Sénégal sur le chemin du développement durable et d’une administration au service des citoyens, des travailleurs. Il faudra inéluctablement accepter, un jour ou l’autre, de rompre avec ces lourdeurs administratives. Pour sûr !

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