Françafrique : Qui tire les ficelles de l’Institut Pasteur ?

L’Institut Pasteur de Dakar est-il une excroissance de la Françafrique, une structure à la solde d’intérêts néocolonialistes ? C’est la question à laquelle Tribune se propose de répondre, à travers une revue documentaire explicitant sa création, son mode de fonctionnement, voire sa comptabilité.

 

Par Mohamed NDJIM

 

De par les tests réalisés par son laboratoire de virologie à partir des prélèvements transmis par le dispositif du ministère de la Santé, l’Institut Pasteur de Dakar est en première ligne dans la prise en charge du coronavirus au Sénégal. Ce centre majeur de recherche biomédicale, auquel d’aucuns font le reproche d’être affilié à la France, est partie intégrante d’un réseau international unique de 33 Instituts implantés sur les cinq continents. Ces organisations sont associées dans des partenariats en matière de recherche scientifique, de formation et de services de santé publique.

 

Implantation à Saint-Louis en 1896

 

Comme il est précisé sur son site internet, l’Institut Pasteur, fondé par décret du 4 juin 1887, a été inauguré le 14 novembre 1888 grâce au succès d’une souscription internationale, pour permettre à Louis Pasteur d’étendre la vaccination contre la rage, de développer l’étude des maladies infectieuses et de transmettre les connaissances qui en étaient issues. Le budget de l’Institut Pasteur repose sur quatre sources de financement : la générosité du public et les produits du patrimoine, la valorisation de la recherche pasteurienne, les contrats de recherche et les subventions de l’État français. Il s’agit d’une fondation privée, à but non lucratif, reconnue d’utilité publique, telle que l’a voulu son fondateur. C’est le point de départ des Instituts Pasteurs répartis autour du globe. Y compris l’Institut Pasteur de Dakar qui est le prolongement du laboratoire de microbiologie créé en 1896 par Émile Marchoux à Saint-Louis, chargé de recherches sur le paludisme et la maladie du sommeil. Ce laboratoire a été transféré en 1913 à Dakar, plus précisément à l’actuel site du Cap Manuel. Il était engagé, à l’époque, dans la préparation d’un vaccin contre la rage, puis d’un vaccin contre la peste, après le premier vaccin contre la variole en 1909. Une revue documentaire indique que conformément à sa mission de protection et de promotion de la santé publique, l’Institut Pasteur de Dakar s’attèle à des solutions significatives et efficaces aux problèmes de santé publique en Afrique. Il a participé à la production du vaccin contre la fièvre jaune, depuis sa découverte en 1927, et se positionne en tant que fabricant de vaccins reconnu à l’international.

 

Indépendance encadrée depuis 2010

 

Affilié à la maison mère française, l’Institut Pasteur de Dakar est devenu une fondation de droit sénégalais grâce à la signature de ses statuts définis par l’État du Sénégal et l’Institut Pasteur, et faisant l’objet du décret N°210-614 du 27 mai 2010 paru dans le journal officiel du 10 juillet 2010. Ce décret, parcouru par Tribune, encadre les modalités d’un transfert de souveraineté en faveur du Sénégal. Il précise que l’autonomie de gestion est quelque part encadrée, en ce sens que l’Institut Pasteur de Dakar s’engage, comme l’indique le décret constitutif, de respecter la «charte des valeurs pasteuriennes» et la «déclaration des valeurs pasteuriennes partagées» qui sous-tendent les actions et les comportements éthiques en adéquation avec les besoins de santé publique.

Il est aussi tenu de respecter les règles de participation au Réseau international des Instituts Pasteur et la déclaration générale de coopération scientifique des Instituts Pasteur et Instituts associés à l’Institut Pasteur où le gouvernement français siège d’office au conseil d’administration ; à travers le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, le ministère du Budget et des finances ainsi que le ministère des Affaires sociales et de la Santé.

«L’Institut Pasteur de Paris, Fondation française reconnue d’utilité publique et l’État du Sénégal ont décidé de constituer une fondation d’utilité publique dénommée «Fondation Institut Pasteur de Dakar». La Fondation susvisée a pour objectif, de contribuer à la santé publique, notamment en Afrique, en particulier au Sénégal, en menant des activités de recherche, d’enseignement, de formation d’expertises médicales, épidémiologiques et biologiques et de production de vaccin antiamaril (…). La tutelle technique de la «Fondation Institut Pasteur de Dakar» est assurée par le Ministre chargé de la Santé et de la Prévention. L’État du Sénégal est représenté au sein du Conseil de la «Fondation Institut Pasteur de Dakar» par trois agents désignés par le ministre de la Santé et de la Prévention et le ministre d’État, ministre de l’Économie et des Finances», précise le rapport de présentation introductif au décret n°2010-614 du 27 mai 2010 accordant la reconnaissance d’utilité publique à la «Fondation Institut Pasteur de Dakar».

La structure est administrée par un conseil de fondation et un administrateur général. Le Conseil de fondation est l’organe suprême de la Fondation. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour faire ou autoriser tout acte ou opération entrant dans l’objet de la Fondation excepté ceux réservés par la loi et les statuts aux organes de contrôle.

À ce titre, le Conseil de fondation est investi d’une mission générale de réalisation des objets de la Fondation, veille à la gestion correcte du patrimoine ainsi que des ressources de la Fondation et assure un contrôle permanent sur l’administrateur général, conformément aux statuts et aux textes en vigueur. Le Conseil de fondation est composé de dix membres dont un président et un secrétaire. Il comprend trois membres désignés par l’Institut Pasteur ; trois membres représentants de l’État du Sénégal ; deux personnalités qualifiées, désignées conjointement par l’État du Sénégal et l’Institut Pasteur et choisies en raison de leurs compétences et de leurs disponibilités pour exercer leur fonction ; deux représentants du personnel : un scientifique et un non scientifique exerçant à la Fondation Institut Pasteur de Dakar et ayant au moins deux années d’ancienneté.

 

Une dotation initiale de 19 milliards Cfa

 

Au plan comptable, la dotation initiale apportée par l’Institut Pasteur et par l’État sénégalais s’élève à 19 milliards Cfa, dont 2 milliards 485 millions en numéraire. Du reste, la «Fondation Institut Pasteur de Dakar» dispose d’un patrimoine propre qui comprend, notamment : la propriété des terrains, des biens immeubles et des biens meubles, comprenant matériels et équipements, acquis notamment pour les besoins des activités de la «Fondation Institut Pasteur de Dakar» ; les droits de propriété intellectuelle ; du matériel biologique et un patrimoine financier. Elle est seule propriétaire des droits de propriété intellectuelle découlant directement de ses propres recherches, sous réserve des obligations contractuelles ou légales au profit de tiers et des cas de transferts de droits par la «Fondation Institut Pasteur de Dakar» à un tiers dans le cadre des programmes de recherche ; et sous réserve des droits préexistants des tiers et des droits y afférent.

Outre la dotation initiale, les ressources de la Fondation proviennent notamment : des revenus tirés de la gestion de son patrimoine ; des revenus de la production de vaccins ;  des subventions, dons et legs ; des revenus des manifestations organisées par la Fondation ; des subventions accordées par le Gouvernement français, le Gouvernement sénégalais et tout autre Gouvernement, notamment dans le cadre des «contrats d’objectifs» ; des revenus des activités d’expertise médicales, biologiques et de santé publique ; des financements obtenus pour la recherche en réponse à des appels d’offres.

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