Par El Hassane SALL
La gestion hasardeuse de la pandémie du coronavirus à laquelle on assiste, de la part du pouvoir, découle-t-elle d’une incompétence ancrée ou d’une insouciance notoire ? Cette question mérite d’être posée, d’autant qu’au moment où les cas d’infections aucovid-19 ne cessent de se multiplier, le gouvernement – qui aurait dû prendre des mesures plus hardies pour freiner la propagation de la maladie – semble encore tâtonner, trois mois après la déclaration du premier cas enregistré au Sénégal.
Ainsi donc, à part discourir et engloutir les milliards du grenier des deniers publics, le gouvernement n’a, à ce jour, daigné poser aucun acte qui rassure, allant dans le sens de la maîtrise de la pandémie. Pour preuve, la décision unilatérale du pouvoir à rouvrir les écoles, et le flop magistral qui s’en est suivi, en sont une illustration parfaite. Car, au lieu d’impliquer tous les acteurs du secteur qui n’avaient eu de cesse d’alerter sur la dangerosité de la perspective de réouverture des classes – au moment où la pandémie connaît une courbe ascendante -, le pouvoir a plutôt voulu faire du forcing tout en faisant la sourde oreille.
À présent, trois mois après son aventure solitaire, le voilà stoppé net par la réalité du terrain, rattrapé qu’il est par ses incohérences. Il verse alors dans ce qu’il sait encore faire de mieux : discourir. Selon le directeur de la formation et de la communication, par ailleurs, porte-parole du ministère de l’Éducation nationale, le chef de l’État ne veut surtout pas que l’école devienne un vecteur de transmission et de propagation de la maladie. «Le président de la République tient absolument à ce que cette reprise se déroule de façon progressive et maîtrisée. Donc l’école étant un lieu de regroupement, naturellement, si on n’y prend garde, ça pourrait devenir un foyer de transmission, de contamination à grande échelle. Il a été constaté que parmi les enseignants qui étaient en retour sur Ziguinchor, pour rejoindre leur poste, 10 ont été testés positifs. Donc le ministère de la Santé a proposé au chef de l’État un report de la reprise des cours pour qu’on y voit plus clair et qu’on prenne toutes les dispositions sur l’ensemble du territoire, afin que l’école ne se transforme pas en un foyer de transmission», déclare Mohamed Moustapha Diagne sur la Rfm. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Aujourd’hui, les gouvernés sont tétanisés par la peur, face à une maladie qui ne cesse de progresser, et face à des gouvernants incapables de trouver la bonne formule pour apaiser leurs craintes. Pourtant, ce sont les grandes crises qui révèlent les grands hommes. Mais la crise sanitaire qui sévit actuellement au Sénégal aura fini de montrer à la face des Sénégalais l’incompétence manifeste de ceux qui sont censés trouver des remèdes à leurs problèmes. Et sur la manière dont ils gèrent la pandémie, cela risque de virer au cauchemar. Car, on a l’impression que ce gouvernement est une vraie armée mexicaine, où chaque ministre est son propre chef – lui-même – et prend seul toutes sortes de décision avant d’être désavoué. Bref, ça part dans tous les sens…
Même si au premier plan, pour le moment, ce sont les ministres de la Santé, de l’Intérieur, des Transports, de l’Éducation qui sont les plus visibles, cela ne reflète pas toute la visibilité dont leur efficacité traduirait, car toutes les mesures qu’ils prennent sont souvent remises en cause.
En attestent les tâtonnements constatés dans ces domaines et les vagues de contestations qui se font jour, et au finish, ils sont toujours désavoués et sont obligés de revoir leur copie. Le ministre de l’Éducation avait crié urbi et orbi que les classes rouvriraient leurs portes le 2 juin et que cette décision était irréversible, avant de faire volte-face à la dernière minute. Idem pour le ministre des Transports qui, face à la grogne des transporteurs, déclarait : «Pour la levée des restrictions au niveau des transports interurbains, ce n’est pas pour demain (hier jeudi : ndlr). Je peux au moins le confirmer». Mais voilà, qu’aujourd’hui, l’État a décidé de lever toutes les restrictions…
On ne sait plus finalement si c’est de l’incompétence, du tâtonnement ou du pilotage à vue. Et ce qui est encore plus incompréhensible dans cette situation vécue est que l’État fait actuellement dans le relâchement, alors que la courbe épidémique monte sans cesse en flèche. En fait le triste constat est que depuis le début de la pandémie, aucune mesure digne de ce nom n’a été prise pour révolutionner les hôpitaux, sauvegarder notre économie et la continuité des activités tout en préservant notre santé. Pourtant les 1000 milliards collectés, gérés à bon escient, c’est à dire investis dans la prévention et aussi le traitement des malades atteints, et les secteurs les plus impactés, auraient, avec du sérieux et de la rigueur, pu freiner de manière considérable la propagation cette pandémie et calmer les rancœurs.
Mais la volonté de nos autorités de gérer ce problème est douteuse, car au lieu de mettre en avant les préoccupations des populations, elles sont tout le temps dans leurs préoccupations politiciennes : c’est comme si elles avaient un agenda caché. C’est pourquoi, d’ailleurs, beaucoup de personnes semblent ne plus croire à l’existence de cette maladie, qui est pourtant bien réelle et continue de se propager. Quand on se targue de détenir la confiance de plus de 58% des Sénégalais, on se doit de poser des actes qui prouvent, qu’effectivement, on mérite très largement cette confiance.
Mais, de la manière dont évoluent les choses, hélas, force est de constater que l’horizon s’assombrit de jour en jour sous nos cieux. Aujourd’hui, l’État a décidé rétropédaler ; une stratégie du gouvernement du Sénégal qui est difficile à comprendre si l’on sait qu’il avait tout verrouillé quand le nombre de cas n’avait pas atteint la barre des 100 contaminés ; et déverrouille aujourd’hui quand on a franchi un nouveau pic avec 4000 personnes contaminées.
Du reste, on ne saurait non plus comprendre le fait qu’on nous dise que des enseignants, qui avaient rejoint leur localité d’exercice, pour les besoins de la réouverture des classes, ont contaminé des populations au point d’être surnommés “corona”. Et là, aujourd’hui, on vient, on lève comme ça toutes les restrictions concernant le trafic interurbain. Étant donné que Dakar est actuellement l’épicentre de la maladie, la situation risque de virer à la catastrophe endémique, car il faut penser à cette population analphabète, insouciante, qui ne respecte pas les mesures barrières et qui se déplace de région en région. Maintenant, il reste à prier pour que l´annulation de toutes ces mesures, qui étaient censées nous protéger, ne soit une hécatombe, par finir.