Ouf, l’honneur est sauf : l’armée guinéenne a enfin réussi le premier coup d’Etat de son histoire. Elle a enfin osé destituer de son vivant un despote qui se croyait invincible ! Le courage et l’abnégation du Lieutenant-Colonel Mamady Doumbouya et de ses hommes méritent d’être salués.
Personnellement, je les remercie de m’avoir fait passer l’un des plus beaux dimanches de mon existence. Savoir que mon pays s’est débarrassé d’un chef d’Etat aussi nuisible qu’Alpha Condé (sans doute le pire que la Guinée ait jamais connu) représente pour moi-et j’en suis convaincu, pour l’ensemble de mes compatriotes -une vraie délivrance.
Nos prisonniers politiques sont libérés. Damaro Camara, Kassory Fofana, Bantama Sow, Kiridi Bangoura et autres délinquants de haut vol ne peuvent plus vider les caisses de l’Etat comme ils le veulent, tuer ou coffrer qui ils veulent.
Quant à notre mégalomane de professeur, il a dorénavant tout le temps pour méditer sur la vanité du pouvoir et sur l’insoutenable… fragilité de l’être (merci Monsieur Kundera !). Les bons Guinéens hors de prison, leurs geôliers, interdits de quitter le territoire ! On avait hâte de voir cet ordre naturel des choses, rétabli. Mais comme dit le proverbe arabe, « Dieu est lent, c’est le diable qui est pressé ».
Et si Dieu est patient, il est aussi clément et miséricordieux. Grâce à lui, la Guinée n’a pas basculé dans le chaos. Le coup d’Etat s’est passé sans effusion de sang (à part semble-t-il quelques victimes au sein de la garde présidentielle). En quelques heures, la Guinée est passée des mains d’Alpha Condé à celles du Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya qui pour l’instant fait figure de sauveur. Qu’en sera-t-il demain ? Quel visage nous offrira-t-il, notre beau légionnaire, une fois passée l’euphorie de la victoire : celui de l’ange ou celui du démon ? Si pour l’instant, les discours qu’il prononce et les actes qu’il pose sont plutôt stimulants, rien ne nous interdit de rester sur nos gardes.
A ma connaissance, Yacubu Gowon, Sangoulé Lamizana, Jerry Rawlings, Thomas Sankara et Ali Saïbou sont les seuls militaires africains à avoir apporté quelque chose de positif à leur peuple. Tous les autres nous ont plongés dans le cycle sans fin de la misère et de la répression. De quel côté s’inscrira le destin politique du Lieutenant-Colonel Doumbouya ? Seul l’avenir nous le dira.
D’ici-là, que faire ?
Les partis politiques et la société civile (en concertation avec les syndicats et les forces religieuses) doivent se préparer dès maintenant à peser de tout leur poids sur les évènements à venir. Il ne faut pas tout laisser aux militaires. Les Guinéens doivent coûte que coûte éviter une transition subie (la dérive de la transition malienne devrait nous servir de leçon). C’est dès maintenant qu’il faut faire barrage aux instincts despotiques et aux accros du trucage électoral.
Quant à notre nouveau président, il doit prendre conscience de la charge considérable qui pèse sur ses épaules aujourd’hui. Je l’invite à méditer tous les jours sur le sort pitoyable de son peuple délibérément appauvri, artificiellement divisé par les dirigeants sans cœur et sans âme qui se sont succédé à sa tête.
Je l’invite à ne rien dire et à ne rien faire de que ce qui a été déjà dit et fait dans ce pays depuis 1958. Du nouveau ! Le peuple de Guinée a besoin de nouveau. Si comme Jerry Rawlings (j’espère que c’est à dessein qu’il l’a cité !), il réussit à incarner le nouveau, si comme Jerry Rawlings, il réussit à se départir de l’influence nocive de la parentèle pour régénérer l’espoir, alors il deviendra tout naturellement la plus belle figure de notre histoire moderne. Mais comme je le disais hier sur les ondes de RFI, s’il a le malheur d’imiter ses horribles prédécesseurs, alors qu’il sache bien qu’il finira comme eux.
Dans la boue !
Tierno Monénembo