On est face à une crise globale avec des origines diverses. Crise identitaire, sécuritaire, environnementale, tyrannie des réseaux sociaux, développement des fake news, domination de groupes privés, Google Amazon, Facebook qui peuvent influencer les choix démocratiques des peuples et restreindre les libertés. En Afrique, on est confronté à une succession de coups d’État qui remettent en cause les principes démocratiques.
L’avis est de Cheikh Tidiane Coulibaly, Président de la Cour suprême. Il s’est exprimé pendant la cérémonie de la 2e édition de la session de formation en droit international portant sur le thème “Justice et État de droit”. La rencontre a été présidée par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux.Seulement, pense-t-il, “l’éclair de lumière dans ce paysage sombre doit venir de la justice. Pour ce faire, elle doit redonner confiance, rassurer et apaiser pour apparaître non pas comme le seul protecteur du citoyen, mais comme le meilleur protecteur du droit des citoyens. En effet, l’action du juge doit sonner comme un rappel à l’ordre”.
A l’en croire, “l’État de droit qui est un État soumis aux droits, n’est effectif que si les mécanismes appropriés permettant effectivement de sanctionner et de réparer, sont mis à la disposition du citoyen. Parmi ces mécanismes, il y a la possibilité d’invoquer les conventions internationales dans le cadre des litiges nationaux ou de saisir des juridictions communautaires, en cas de manquement des États”.
Il s’agit d’un changement de paradigme qui, au lieu d’inspirer une crainte, doit pousser à repenser les certitudes et accepter de faire preuve de plus d’ouverture à d’autres influences, dit-il.
Et de s’interroger : “Que veut dire un État de droit sans une justice forte, indépendante avec toutes les garanties d’impartialité ? Le principe de l’État de droit ne trouve sa garantie que dans une démocratie dans laquelle la séparation des pouvoirs est assurée avec une justice capable de répondre aux attentes des justiciables et des citoyens. Et seule la formation peut permettre de faire face aux défis qui n’épargnent aucune société moderne.”
Dans la même dynamique, le président Coulibaly explique que la formation continue pour les acteurs de la justice est essentielle. Cela contribue à assurer une bonne distribution de la justice.
En effet, des personnels bien formés, qui se remettent souvent en cause, peuvent contribuer au renforcement de la confiance des justiciables en l’institution judiciaire, par la qualité des décisions. “Dans un contexte mondial marqué par des conflits multiformes, l’État de droit semble être en crise de légitimité. Cela au point que certains auteurs se permettent purement et simplement de s’en passer, tandis que d’autres proposent de repenser fondamentalement dans un contexte d’État post-modèle”.
Pour lui, il faut “repenser le contexte, parce que son contenu et sa signification peuvent évoluer comme tout phénomène juridique confronté à l’évolution des sociétés humaines”.
Le président de la Cour Suprême d’ajouter que “l’État de droit est attaché à l’idéal de justice et fait corps avec lui dans toute société démocratique. C’est un mode de limitation du pouvoir qui vise à éviter l’arbitraire. C’est un concept qui constitue une référence au même titre que la dignité, la liberté, la démocratisation, ainsi que le respect des Droits de l’homme n’a de sens que si son effectivité est garantie par un pouvoir Judiciaire qui exerce pleinement un contrôle juridictionnel et efficace”.