Kahone a organisé son « Gamou païen »

Le Gamou de Kahone a été ressuscité durant les journées du 02 et 03 mars. Cela fait plusieurs années que cet événement phare de l’empire du Saloum ne s’était pas tenu. C’est l’actuel roi, Buur Saloum Guédel Mbodji, qui a tenu à faire revivre la tradition.

Le Gamou de Kahone s’est déroulé les 02 et 03 mars dernier. Différents intervenants, durant la cérémonie officielle, ont relevé la mutation qu’a connue cette fête. Sachant que le peuple du Saloum était constitué d’un peuple animiste, les héritiers de l’empire convertis sont aujourd’hui devenus les adeptes de l’Islam. Chose qui a été manifeste durant ces jours de communion. Le programme a été marqué par une séance de récital de Coran, une foire d’exposition, un symposium, ainsi que la nuit du Gamou. La cérémonie officielle s’est déroulée en présence des autorités coutumière, religieuse et gouvernementale. La reine d’Oussouye a également fait le déplacement à Kahone.

«LE GAMOU EST UN MOT PAÏEN»

Le mot Gamou, qui a aujourd’hui une connotation religieuse, est une tradition du peuple animiste (Ceddo) du Saloum. En effet, le mot exact pour désigner le jour de la naissance du prophète Mohammed est le Mawlid. Mais le Gamou est un mot Sérère qui signifie «retrouver ce qui est perdu». Son apparition dans la tradition musulmane s’explique par le fait que les religieux ont repris le terme, pour attirer la grande masse. Mais dans la tradition, le Gamou est une fête où «tout est permis». On ne distingue pas le licite de l’illicite. L’alcool coule à flot, homme et femme dansent, excités, sur des rythmes endiablés par des instruments traditionnels de la musique sérère.

Cela se passe ainsi jusqu’à l’aube. Le Ngarandou (griot du roi) nous a expliqué le sens de cet évènement : «Il s’agit de l’évènement culturel majeur du Saloum. Le Gamou de Kahone a été initié par le roi Buur Saloum Lat Mbengué Guedel Ndiaye (1520–1543). Il est le troisième roi de l’empire du Saloum. Il organisait le Gamou pour réunir le peuple et les grands dignitaires. Et c’était aussi le moment, pour les chefs des 13 provinces, de faire le bilan annuel de leur travail. Après cela, il y a des chefs de provinces qui étaient destitués pour faute de gestion…». Aussi, c’est durant le Gamou que le roi donne aux parents l’autorisation de circoncire leurs enfants.

Et c’est sous l’arbre où se déroulent les festivités, Gouy Ndiouli, que ces derniers sont regroupés des mois durant. Une occasion pour inculquer à ces jeunes des valeurs telles que la dignité, l’ouverture, la bravoure, comment faire la guerre… Le Ngaranndou explique aussi que c’est à l’approche de la période hivernale que se tenait le Gamou. Des prières étaient ainsi formulées pour augurer d’une bonne saison des pluies. Ce sont les Saltigués, détenteurs de pouvoirs mystiques, qui se chargent de cette rituelle.

HISTORIQUE DU ROYAUME

Kahone est un village qui se situe à 5 kilomètres de la région de Kaolack. Au début du 15ème siècle, il portait le nom de «Ndiok Ndiaye». Ndiok veut dire petit tamarinier en langue sérère. Le nom Kahone provient d’un berger Peuhl nommé Hilo. Ce dernier, en faisant paître son troupeau, rencontrait souvent un arbre mystique, qui finissait toujours par disparaître. Un jour, il a usé de connaissances mystiques pour maintenir l’arbre sur place et s’est exclamé «Ka Honi»…

Kahone est devenu un royaume en 1495 avec l’intronisation du premier roi, Buur Saloum Mbégane Ndour. Il y a 49 rois qui se sont succédés sur le trône jusqu’en 69. Le dernier est Buur Saloum Fodé Diouf (1934 – 1969). Bien après sa mort, les sages, pour ne pas perdre les traces de cette tradition, ont intronisé le Guélawar Momar Diarra Ndao, puis ensuite Buur Aboul Mbaye Badiane, qui est le 51ème roi du Saloum. À sa mort, en janvier 2017, Bur Salum Guédel Mbodji est intronisé 52ème roi par les sages.

«KAHONE EST CONSTITUÉ DE 03 CHAMBRES…»

Babacar Méthiour Ndiaye, anthropologue et philosophe, est l’un des animateurs du symposium organisé à Kahone. Il a parlé de l’organisation de l’empire du Saloum. En expliquant notamment ce qu’est le Buur Saloum, le Jaraf Saloum et le Farba Kahone, qui sont les trois personnalités marquantes des institutions du royaume. Il s’agit de la «Chambre des Ndiambour», constitué des propriétaires des sols, des populations que la monarchie a trouvé sur place. Il y a aussi la «Chambre des Guélewars» : ce sont les arrivants qui ont constitué le cadre politique. La troisième chambre est celle des «Ngalo» ou «Jaami Kahone».

Ces derniers servent exclusivement l’État et non le roi. Le Pr Mor Ndao du département d’histoire de l’Ucad a aussi pris part au symposium. Et c’était pour parler d’un rapport secret écrit par les colonisateurs en 1890, sur le roi Guedel Mbodj. «Dans ce rapport que Noiraud a transmis au président, il fait état de la dignité de Guedel Mbodji, sa générosité, son humilité…». Selon Pr Ndao, ce roi constitue un modèle de dirigeant au service de la communauté.