Khalifa et Karim : Gare à l’effet boomerang…

En 2012, l’accession de Macky Sall avait fait naître un formidable élan d’espoir chez les populations. Espoir d’autant plus fondé que Macky Sall passait aux yeux d’une bonne frange des Sénégalais comme quelqu’un qui a été victime d’une injustice. Dès lors il apparaissait comme un sauveur, un redresseur de torts. Mais aujourd’hui, ce rêve de voir le Sénégal érigé en État de droit est tout simplement en train de virer au cauchemard.

Le sort a parfois des ironies inatendues. Qui eut cru que Macky Sall qui clamait à cor et à cri que sa mission était de construire un Etat de droit au Sénégal serait celui là même qui ferait de la Justice son bras armé pour liquider des adversaires ? N’en déplaise à ses thuriféraires et autres courtisans, le Sénégal vit aujourd’hui des périodes troubles de sa démocratie. Et aucune personne de bonne foi ne peut nier que la Justice est instrumentalisée.

Si c’était seulement le Sénégalais lambda ou les opposants qui le disaient, on aurait pu comprendre et considérer qu’il n’y a pas péril en la demeure. Mais dès lors que ce sont les magistrats eux mêmes qui le déplorent, il y a franchement de quoi s’inquiéter. En attestent les nombreuses sorties de l’Ums ou encore la fracassante démission du magistrat Ibrahima Hamidou Dème qui a «démissionné d’une magistrature qui a démissionné.»

Aujourd’hui, personne ne conteste au Président Sall son désir de briguer un second mandat,  c’est son droit le plus absolu. Seulement il doit le faire dans les règles de l’art. Après tout, si le peuple a placé sa confiance en lui, lui déléguant le pouvoir, ce n’était pas pour qu’il en fasse un instrument de domination ou de liquidation d’adversaires mais plutôt un instrument de progrès.

Et ce qui est regrettable aujourd’hui est que cette justice à deux vitesses semble être érigée en mode de gestion. Le coude présidentiel mis sur les dossiers qui éclaboussent ses proches alors que d’autres qui ne sont pas du même bord sont poursuivis en justice en est une illustration. Une injustice qui met en danger ce que nous avons de plus cher, à savoir la paix et la stabilité, étant entendu comme le soulignait, Montesquieu qu’«une injustice faite à un seul est une menace faite à tous».
Si aujourd’hui les affaires Karim Wade et Khalifa Sall soulèvent autant de passion, d’indignation et de récrimination, c’est à cause des nombreuses violations flagrantes de leurs droits. D’ailleurs, ce sont les manquements constatés dans le procès Khalifa Sall qui justifient cette levée de boucliers. Car peut on attendre un jugement équitable d’un procès jugé inéquitable parce qu’ayant violé les droits de l’accusé ?

Et le triste constat est qu’il semble qu’il y a eu dans le dossier du Maire de Dakar, la proclamation de la force sur le droit. Aujourd’hui, si le procès Khalifa Sall soulève tant de de vagues d’indignation, c’est parce que le pouvoir n’est pas resté fidèle aux principes de justice, d’équité qui sont le fondement d’un Etat de droit.  «L’instinct de justice est suprême dans l’homme et la loi n’en est que l’instrument.» pour paraphraser Clémenceau. Il faut éviter de jouer avec des allumettes là où l’herbe est sèche dit-on.

Aujourd’hui qu’on parle de découvertes de pétrole et de gaz, produits hautement inflammables, il faut éviter de jouer avec le feu.  Etant donné que l’odeur de ces richesses attire les convoitises et certains n’hésiteront pas à attiser le feu pour faire main basse sur ces richesses. Au nom de la paix et de la stabilité, le Président Sall devrait pouvoir faire preuve de dépassement et de grandeur en laissant tous les aspirants au pouvoir compétir. Car ce n’est plus une affaire d’opposition ou de politiciens, il s’agit de la quiétude des populations. Les Sénégalais sont assez matures pour élire le candidat de leur choix. Ils ont eu d’ailleurs à le démontrer à maintes reprises. S’il est confiant en son bilan, ou est le problème ?

Aujourd’hui, ce Sénégal dont tout le monde était fier, qui, sur le plan de la démocratie et du respect des droits de l’homme rayonnait comme un îlot de lumière dans un océan  d’obscurantisme  est en train de perdre ses acquis qui faisaient sa bonne réputation. Le désaveu infligé par la Cedeao dans l’affaire Khalifa l’atteste.  Seule lueur d’espoir dans ce ciel qui s’assombrit, il y a encore certains magistrats qui ont le courage de dénoncer les dysfonctionnements. Seront-ils entendus ?

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