Khalifa Sall, le maire de Dakar, a bien l’immunité parlementaire. C’est la justice sénégalaise qui le dit. Plus que confiants, ses avocats se préparent pour sa libération.
Le Point Afrique : Aujourd’hui, le pouvoir judiciaire et l’Assemblée nationale semblent reconnaître l’immunité dont dispose votre client, est-ce une victoire ?
Mohamed Seydou Diagne : De toutes les façons, l’histoire est en train de nous donner raison. Et nous ne pouvons que nous réjouir qu’enfin l’État du Sénégal, parce qu’il était devant un mur, en refusant de reconnaître l’évidence de l’immunité parlementaire du député Khaifa Sall, pourtant consacrée par la Constitution. On ne voit pas comment est-ce qu’ils pouvaient continuer à s’entêter par une dénégation de son immunité parlementaire mais aujourd’hui ce qui nous intéresse, ce sont les conséquences de cette violation. Comme vous le dites – c’est un tournant mais même s’ils ont fini par reconnaître l’immunité parlementaire de M. Sall, ça arrive trop tard, parce que le ver est déjà dans le fruit et la procédure est déjà absolument viciée par le fait qu’un député bénéficiant de la souveraineté populaire voit ses droits constitutionnels violés dans le cadre d’une procédure.
Je ne vois pas comment cette procédure pourrait être rattrapée et aller jusqu’à son terme maintenant qu’elle est exposée par les dénégations, la reconnaissance et l’aveu tardif par le parquet et la justice de son immunité parlementaire. C’est avant qu’il fallait lever l’immunité parlementaire. Mais l’État a d’abord posé des actes de procédures graves comme des actes de poursuite, ils ont refusé la liberté provisoire confirmée par la chambre d’accusation avant de revenir quelques semaines plus tard supplier l’Assemblée nationale pour lever l’immunité parlementaire. C’est tellement évident que la procédure est viciée depuis le départ. Ce qu’on oublie souvent au Sénégal, enfin ceux qui nous poursuivent, c’est que la Constitution prime sur le code de procédure pénale et des lois ordinaires sur lesquelles ils se fondent pour poursuivre Khalifa Sall.
Votre client, M. Khalifa Sall, va-t-il oui ou non se présenter devant la Commission ad hoc mise en place par l’Assemblée nationale jeudi dernier ?
Ce qui importe pour nous, c’est le respect des droits de M. Khalifa Sall, maire de Dakar. Et sa défense sera absolument intransigeante et elle ne fera aucune concession. Vous avez vu que le président de l’Assemblée nationale a été saisi par le ministre de la Justice via le parquet afin de mettre en place une commission qu’a ratifiée l’Assemblée nationale en plénière jeudi dernier.
Ce qui est clair, c’est que l’article 52 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui est une norme constitutionnelle prévoit que la Commission doit entendre le député. Vous savez, ceux qui ont écrit le réglement intérieur n’avaient pas prévu le cas, on ne pouvait pas d’ailleurs l’imaginer, comment on peut mettre en prison quelqu’un avant de demander la levée de l’immunité parlementaire ?
Pouvez-vous nous éclairer sur les dispositions prévues par la loi dans ce cas précis ?
L’article 52 dit que la commission ad hoc doit entendre le député, il y a quelques années déjà, l’actuel président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse avait subi une procédure de levée de l’immunité parlementaire et il avait été régulièrement convoqué par la commission de l’époque. M. Abdoulaye Wade avait également subi la même procédure, M. Barthélémy Dias a été convoqué, donc ce que nous attendons actuellement, c’est la convocation régulièrement faite par la commission ad hoc et à ce moment-là nous apprécierons. Car il n’est pas question pour nous de cautionner que M. Khalifa Sall soit entendu alors qu’il est encore en détention. Nous sommes dans une situation totalement incroyable où l’État du Sénégal et son régime mettent un député en prison, exercent des poursuites avant de lever son immunité parlementaire. Donc nous attendons la convocation de la commission et nous verrons quelles seront les dispositions qui auront été prises pour la libération de Khalifa Sall.
Aujourd’hui la responsabilité de convoquer Khalifa Sall revient à la commission ad hoc, pour l’instant nous ne savons pas si elle va nous convoquer, parce que vous savez, au Sénégal, nous avons des droits mais ceux qui sont au pouvoir actuellement ne les respectent que lorsque cela les arrange. Nous savons ce qui est dans le règlement intérieur et dans la Constitution. Nous attendons de voir s’ils vont demander que Khalifa Sall comparaisse librement devant la commission ou bien s’ils vont se mêler au concert de violation des droits de l’édile.
L’annonce ou en tout cas l’évocation d’un procès équitable ne semble pas emporter votre adhésion, pourquoi ?
C’est plus que prématuré de parler de procès. D’ailleurs, c’est la question que j’aimerais poser à M. le ministre de la Justice, garde des Sceaux de la République du Sénégal : comment sait-il qu’il y aura un procès contre M. Khalifa Sall ? S’il a été capable d’évoquer ce sujet, c’est que tout est écrit d’avance et depuis longtemps.
En tenant une telle affirmation devant l’opinion nationale et internationale, il prend tout simplement la place du juge. Mais soit il prend la place du juge, soit il sait déjà puisqu’il est dans “le secret des dieux”, étant dans le gouvernement, que M. Khalifa Sall va être condamné. Mais dans un État de droit, un ministre de la Justice ne peut pas savoir avant la clôture de l’information ou avant qu’il y ait une ordonnance de renvoi, s’il y aura ou pas procès.
Mais lui demande la levée de l’immunité parlementaire pour le procès, mais de quel procès parle-t-il ? C’est incroyable ce qu’il se passe au Sénégal, aujourd’hui. Des journaux sénégalais ont même publié la substance du réquisitoire introductif !
Tout ce que je peux dire est que nous n’en sommes pas encore là. La preuve, il y a encore des procédures en cours. Mais ces différentes prises de parole sont un aveu que le dossier est politique et la procédure politicienne. Il n’y a plus de séparation des pouvoirs tout simplement.
Vous avez enclenché lundi 6 novembre de nouvelles procédures avec notamment le dépôt d’une annulation de la procédure au niveau de la chambre d’accusation, vous croyez vraiment à une libération de Khalifa Sall, maintenant ?
Nous croyons en une libération d’office de M. Khalifa Sall, comme nous avons cru en l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. C’est une bataille politico-judiciaire et nous, on ne s’occupe pas du volet politique. Mais sur la bataille judiciaire de la même façon que nous avons réussi à faire entendre notre ligne sur l’immunité parlementaire, c’est exactement la même question qui est posée à la justice sénégalaise sur la libération de Khalifa Sall. Parce que, rappelez-vous : la justice, le juge, le juge d’instruction, la chambre d’accusation, le procureur, tous ont pris trois actes différents mais pour dire que Khalifa Sall n’avait pas l’immunité parlementaire, sous prétexte qu’il était poursuivi avant qu’il ne soit élu député. Maintenant qu’une partie de la justice sénégalaise reconnait l’immunité parlementaire, elle doit également reconnaître qu’elle n’a pas à garder Khalifa Sall en détention et qu’elle doit le libérer.
Ensuite si la justice sénégalaise veut mener des actions, elle n’a qu’à les poursuivre. D’ailleurs il faudrait se poser la question du pourquoi, et à quoi sert-il de maintenir Khalifa Sall en détention ? Qu’est-ce qui peut aujourd’hui le justifier ? D’autant qu’il y a une cacophonie procédurale et des tergiversations inouies qu’on n’a jamais vues, de mémoire de plaideur, au sein de la justice sénégalaise. C’est absolument incroyable et ça mérite d’être dénoncé et de ne pas désespérer et de se battre pour obtenir la victoire que nous avons obtenue. Parce qu’au fond, ils ne font que retarder l’échéance. Puisque aujourd’hui, je pense que Khalifa Sall est en marche vers la liberté.
Ice cream sure sounds good right about now.